Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean-Marc Bourgineau, de Jitney Trade.
Q: Qu'est-ce qui a retenu votre attention au cours des derniers jours à la Bourse?
Plus le «rallye» boursier avance et moins il y a de participation. Le volume de négociation baisse. Et c'est une variable importante. C'est comme si vous alliez danser dans une boîte où il n'y a personne. À un moment donné, vous voulez bien vous amuser, mais si vous êtes tout seul... ce n'est pas excellent!
Prenons le secteur financier, qui est l'un des meilleurs secteurs depuis le début de mars. Eh bien, le volume de transactions sur le fonds négocié en Bourse de ce secteur a baissé de moitié. Au début de mars, il était de 5 millions par jour, par rapport à moins de 2,5 millions aujourd'hui.
Cela indique que le cycle de hausse, qui a débuté en mars, commence à être assez mature. On a certainement les bons trois quarts de faits.
Q: Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?
Je regarde l'indicateur de volatilité VIX, qu'on appelle communément l'indice de la peur. Il est conçu à partir des options de la Bourse de Chicago. Plus les investisseurs achètent des options de vente, plus ils se protègent contre une baisse des actions, et plus le VIX monte.
Au plus profond de la débâcle, le VIX est monté autour de 80-90, du jamais vu. Depuis, on a divisé par trois: le VIX est maintenant autour de 30, au même niveau que l'été dernier, avant la débâcle.
À mon avis, ce niveau de confiance n'est pas justifié, parce que les données économiques sont encore assez mauvaises, même s'il y a un peu d'amélioration. Je ne vois pas pourquoi la remontée boursière continuerait.
Une remontée du VIX me confirmerait la maturité du «rallye» boursier, et m'indiquerait une correction boursière.
Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?
Il est trop tard pour arriver avec 10 000$ aujourd'hui. Le timing est mauvais, à court terme. Vaut mieux attendre, passer l'été avec des liquidités. Pour ceux qui sont pleinement investis, je crois que le temps est venu de prendre des profits. Il faut augmenter ses liquidités, afin d'être plus confortable quand la correction va arriver, et afin d'être mieux positionné lorsqu'il y aura des occasions de réinvestir plus tard.
Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?
Pratiquement tout, parce que tout a monté. Il faut éviter ce qui a monté le plus: l'énergie et les financières, par exemple, qui ont très bien fait depuis trois mois. Je ne suis pas extrêmement négatif: je pense que les choses vont se replacer après une correction. Mais on arrive à la fin d'une histoire de trois mois. Acheter en ce moment, c'est être le dernier acheteur.
Q: Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?
On a eu l'éclatement d'une bulle de crédit. Les banques, l'immobilier ont été touchés. Les marchés sont confiants que tout peut se rétablir rapidement. Mais ça prendra plus qu'un an. Je crois que c'est plus profond que ça.
Et quand une bulle éclate, le prochain cycle de hausse qui succède n'est jamais alimenté par les candidats de la bulle précédente. Par exemple, après l'éclatement de la bulle des technologies en 2000, ce ne sont pas les titres de techno qui ont alimenté la hausse de 2004 à 2007. De même, le prochain marché haussier ne sera sûrement pas alimenté par les financières ou par l'énergie, deux secteurs qui ont éclaté.