Récession, mises à pied. Même s'ils ont un bon emploi, plusieurs Québécois, touchés par la morosité ambiante, se demandent s'il ne devrait pas reporter la réalisation de leur rêve. Ont-ils raison de vouloir ainsi retarder des projets qui leur tiennent à coeur? Absolument pas, selon trois planificateurs financiers interrogés par La Presse.

Pierre économise depuis 10 ans pour s'acheter une caravane motorisée. Il a accumulé assez d'argent pour une mise de fonds importante, et il est prêt à passer à l'action. Pourtant, il hésite encore: il lit les journaux...

 

Récession, mises à pied, tout cela inquiète Pierre et il se demande s'il ne devrait pas reporter la réalisation de son rêve à l'an prochain. Même s'il a un bon emploi, il se laisse contaminer par l'incertitude et la morosité ambiantes. A-t-il raison de vouloir reporter son rêve?

Absolument pas, selon trois planificateurs financiers interrogés par La Presse. C'est avant tout notre situation financière personnelle et professionnelle qui doit déterminer l'opportunité d'un achat important, et non la situation économique générale.

«Ce n'est pas parce que la situation économique est mauvaise que cela va mal pour tout le monde, dit Marcel Bédard, planificateur financier. Si on a les moyens aujourd'hui de faire une acquisition, il faut la faire dans la mesure de ses moyens.»

D'ailleurs, si Pierre se fait plus prudent qu'il ne le devrait, son comportement n'est pas tout à fait représentatif de celui de la majorité des gens. «En temps de récession, les gens vont essayer de réduire davantage leurs dépenses dans les achats courants, dit Benoit Duguay, professeur à l'ESG UQAM. Mais, quand arrive le temps de se faire plaisir, la réaction n'est pas la même, car le plaisir est fondamental chez l'humain.»

Ce professeur, qui est aussi l'auteur du livre Consommation et luxe, a observé que par les temps qui courent, certaines personnes se trouvent des alibis plutôt étonnants. «Il y en a qui disent préférer l'achat d'un bateau de luxe ou d'une moto de marque prestigieuse, qui ne se dévalue pas beaucoup avec le temps, que de perdre leur argent en Bourse», dit-il.

Gérer les risques

Avant de prendre la décision d'acheter un chalet, une caravane motorisée ou de faire le tour du monde, il faut d'abord s'assurer que l'on gère bien trois types de risque, selon Éric Brassard, comptable agréé, planificateur financier et associé chez Brassard, Goulet et Yargeau.

Le premier type de risque concerne la gestion budgétaire à court terme. «Il faut s'assurer que l'on a un petit coussin, soit sous forme de liquidités ou en marge de crédit, pour faire face à des situations imprévues», dit-il.

Le deuxième type de risque est celui de manquer d'argent à la retraite. «La planification de la retraite implique une épargne pour avoir un train de vie raisonnable jusqu'à sa mort», dit Éric Brassard.

Et si l'épargne pour la retraite est importante, il faut aussi vivre. «L'épargne n'a pas à être systématique à chaque année si c'est fait dans le cadre d'une planification financière bien pensée, dit Éric Brassard. On peut décider, une année, de ne pas épargner et d'aller en voyage. L'important, c'est d'être sur le bon chemin et que cette exception soit faite de façon réfléchie. Il ne faut pas non plus se raconter d'histoire et retarder l'épargne à chaque année.»

Troisièmement, il faut gérer les risques catastrophiques, le décès qui pourrait laisser nos proches sans le sou, ou le risque d'invalidité. Il est donc important d'avoir toutes les assurances nécessaires pour se prémunir contre une catastrophe.

«L'invalidité est le plus grand de tous les risques, et le plus négligé, dit M. Brassard. Si on perd la capacité de gagner des revenus, on risque de se retrouver à vie sous le seuil de la pauvreté.»

Faire des choix

Une fois ces trois risques bien gérés, il n'y a pas de raison pour s'empêcher de réaliser son rêve, quelle que soit la situation économique globale. Sauf si on se retrouve dans une situation d'emploi précaire, ou qu'on travaille dans un secteur sérieusement menacé, comme les pâtes et papiers.

«Si on travaille dans une entreprise où des congédiements ont été annoncés, c'est sûr que notre équilibre financier pourrait être en danger, dit Jacques Brouillard, planificateur financier au Groupe Investors. Dans un tel contexte, on est mieux de reporter les grosses décisions.»

Ce n'est pas votre cas? Eh bien! pourquoi vous priver? Récession ou pas, si votre situation financière est équilibrée, il n'y a pas de raison de ne pas réaliser vos rêves, en étant conscient qu'il faudra faire certains sacrifices.

«Si on décide de se payer un plus gros chalet, on aura peut-être alors une plus petite voiture, dit Éric Brassard. Il faut canaliser l'argent vers des choix plus épanouissants.»

Et ne pas contracter de dettes farfelues. «Ce n'est pas parce qu'on a un rêve qu'il faut absolument le réaliser, dit Marcel Bédard. Il faut le réaliser de façon réfléchie. Ça commence par faire son bilan, son budget, et épargner d'abord.»