Un wagon de métro était garé au milieu du studio Morelli Designers.

Une maquette, bien sûr. Grandeur nature. Elle est fabriquée en carton mousse. On peut parcourir l'allée centrale du wagon, longer les bancs, glisser la main sur l'arc délicat des poteaux soutenant la main courante. «L'idée était de ne pas donner l'effet de barreaux de prison», explique Michel Morelli.

Malheureusement, le projet Bombardier du métro de Chicago a été interrompu, pour des raisons de coûts.

Mais Michel Morelli avait d'autres projets sur le feu, comme la cocotte en fonte que son équipe de huit personnes a conçue pour Promotions Atlantiques. Ce contraste est typique du design industriel québécois, touche-à-tout par obligation. Les projets de longue haleine pour les géants industriels côtoient les petits articles de consommation courante.

 

Ampleur variable, mais même casse-tête. Le design de produit, quel qu'il soit, est toujours une longue série de résolutions de problèmes.

Pour la cocotte ovoïde de la collection Héritage, le défi consistait à réduire le poids du quart. Au menu, changement de procédé de fabrication, qui est passé du moulage au sable aux moules en acier. Il fallait en même temps se distinguer de la concurrence et répondre aux contraintes ergonomiques. Le rebord de la cocotte s'élargit aux extrémités pour former de larges poignées, faciles à saisir avec des manicles.

La recette a eu du succès, et Morelli Designers a reçu le mandat de pondre une autre cocotte, cette fois pour la gamme Starfrit.

Si la première s'inscrivait dans un classicisme bien digéré, celle-ci est résolument moderne. La cocotte ronde est coiffée d'un couvercle au centre vitré. La concavité de la lunette dirige l'écoulement de la condensation au centre de la marmite pour arroser la pièce de viande.

Son élément distinctif est cette longue poignée qui traverse le couvercle vitré comme un pont arqué au-dessus d'un étang. Ses extrémités, qui excèdent le couvercle, s'encastrent dans les oreilles du contenant. Quand on déplace la cocotte, les mains peuvent ainsi solidariser couvercle et marmite.

Lorsqu'on relève le couvercle, l'extrémité de la poignée peut s'insérer dans l'ouverture d'une de ces oreilles, en une manière de charnière qui le maintient ouvert.

Forte présence, caractère bien affirmé.

Tout le contraire de Vedana, un appareil de salle d'eau conçu pour le fabricant québécois BainUltra. Cette fois, discrétion était le maître-mot.

L'appareil s'installe dans la douche pour la transformer en centre de détente et de thérapie: il réchauffe, éclaire en lumière blanche ou colorée, diffuse des parfums et de la musique, en une harmonie programmée. On accorde foi ou non à ses bienfaits mais Louis Gendreau, directeur de l'innovation chez BainUltra, assure que l'essayer c'est l'adopter.

L'équipe de BainUltra avait fait l'essentiel du développement technique. «Ils avaient fait un appareil très design, décrit Michel Morelli. Trop.» L'appareil devait être indémodable, s'intégrer dans n'importe quel environnement. «Il fallait l'habiller pour en faire un monument, un havre, indique Louis Gendreau. C'est ce que Michel a fait avec nous et on a beaucoup de succès.»

Morelli Designers a proposé une stèle très sobre. Au centre, dans une petite niche, on dépose précieusement la fiole qui contient l'huile essentielle, presque comme sur un autel, selon le mot de Michel Morelli. «Ce petit rituel a été un élément déclencheur dans l'orientation du produit.»