L' argent qui tombe du ciel a l'odeur douceâtre de la facilité. «L'argent gagné à la sueur de ton front est relié au labeur, alors que celui qui provient d'un héritage ou de la loterie n'a pas cette valeur, observe la psychologue Marie Claude Lamarche. C'est de l'argent qui se dissout plus facilement.»

La psychologie de la fortune soudaine? Il y a peu de littérature scientifique sur la question, relève le psychologue Nicolas Chevrier, des Services psychologiques Sequoia. Une des études pertinentes est un sondage réalisé auprès des grands gagnants de loteries en Norvège, au tournant des années 90. «Les gens qui avaient continué à gérer leur nouvelle fortune de la même façon qu'ils avaient géré leur paie en ressortaient beaucoup plus heureux», raconte M. Chevrier.

 

Ce subit bonheur - tant dans le sens de chance que dans celui de plaisir - teint en rose pastel les petits événements quotidiens, mais cet effet n'est que temporaire. L'étude a révélé sans surprise que les gagnants heureux au travail ne quittaient pas leur emploi. «On remarque également une tendance à l'égard de l'âge des gagnants, indique encore le psychologue: les plus âgés sont plus prudents et plus modestes, tandis que les plus jeunes peuvent développer une dynamique d'achats et de dépenses basée sur l'impulsivité.»

Dans le cours de sa carrière, la notaire Denise Archambault a pu observer les effets d'une fortune soudaine, qu'elle résume en une formule ironique: «L'argent, c'est comme l'alcool; il y en a qui ne portent pas ça.»

On se découvre soudainement des besoins impérieux qu'on n'avait jamais ressentis auparavant. Un couple qui était très satisfait de son bungalow touche un héritage? «Tout d'un coup, la maison n'est plus assez grande, constate la notaire. Il faut déménager dans une folie à trois tourelles!»

Encore heureux si les deux conjoints ressentent le même besoin. Un pactole peut exacerber les divergences de philosophie financière, qui ne s'étaient pas révélées aussi douloureusement avec un budget modeste. «Il y en a un qui réalise qu'il vient de sécuriser sa vieillesse, et l'autre qu'il peut avoir du fun dans la vie», résume Me Archambault.

Il y aura bien sûr un effet sur les relations avec la famille, les collègues. Selon le mot de la psychologue Marie Claude Lamarche, «il faut gérer l'envie». La meilleure voie demeure la solution éprouvée du dialogue. «On peut essayer de clarifier la situation et dire à l'autre: essaie de te mettre à ma place, j'aimerais que notre relation demeure ce qu'elle était», suggère Mme Lamarche.

Si la stratégie est sans effet, il faudra se résoudre à une certaine distance et ne pas céder à la culpabilité, conseille-t-elle. On peut faire un peu de bien autour de soi, mais on n'est nullement responsable de la situation financière des autres. De toute manière, la vie inversera peut-être les chances plus tard.

Le secret est dans la patience. «Plus tu vas prendre ton temps à faire quelque chose avec ton gain, moins tu vas changer toi-même d'attitude, observe Denise Archambault. Je crois que l'attitude qu'on adopte influe sur celle des autres.»

Cette patience a un autre avantage. Tant qu'on ne dépense pas cet argent, on peut rêver sans contrainte aux projets qu'il permettra. «Il est important de rêver», indique Marie Claude Lamarche. Aussitôt qu'une somme est employée, son potentiel d'actualisation - son potentiel de rêve - est épuisé.

 

IMPÔTS ET PATRIMOINE FAMILIAL

Les gains à la loterie ne sont pas imposables. Cependant, les revenus qu'ils génèrent sont soumis au fisc. Le gagnant d'un lot peut faire des dons aux personnes de son choix. Le don ne sera imposé ni pour le gagnant, ni pour le bénéficiaire.

Les gains de loterie, les prestations payables au conjoint survivant et les héritages ne font pas partie du patrimoine familial tel que défini par le Code civil, rappelle la notaire Denise Archambault. Mais attention, si un mariage civil ou religieux n'a pas été précédé d'un contrat de mariage établissant un régime de séparation de biens, c'est le régime légal de la société d'acquêts qui s'applique par défaut.

En pareil cas, les biens achetés avec cet argent sont des acquêts, et «tous les acquêts sont partageables à la dissolution du régime», précise Me Archambault.