«J'aime beaucoup votre chronique, mais les cas analysés ont souvent rapport à la retraite. Qu'en est-il des jeunes?»

De fait, nos correspondants ne sont pas très vieux... «Nous sommes une jeune famille composée de deux parents (Caroline, 30 ans, et David, 34 ans) et de deux enfants de 9 mois et 4 ans.»

 

Travailleur autonome, David touche un revenu de 40 000$ à 50 000$ par année. Caroline, qui travaille à temps partiel, gagne un salaire annuel de 24 000$.

Ils possèdent une maison hypothéquée à hauteur de 180 000$, et un triplex d'une valeur de 350 000$, grevé d'une hypothèque de 210 000$. Les deux hypothèques pèsent lourdement sur leur budget.

Les dépenses du couple atteignent 6400$ par mois. Avec les loyers du triplex et le paiement de soutien aux enfants, le couple totalise des revenus mensuels de 6630$, pour un surplus de 226$. «Ce qui nous reste passe dans des dépenses inattendues, comme des rénovations ou des réparations aux voitures, explique Caroline. J'aimerais profiter de vos conseils, car nous sommes submergés de recommandations d'experts qui nous disent que nous devrions prioritairement investir dans ceci ou cela - REER, REEE, assurances, fonds d'épargne d'urgence, économie hors REER, besoins de la famille, vacances, etc. Que devrions-nous prioriser? J'ai l'impression que tout est urgent et que nous sommes supposés dépenser le plus possible au moment de nos vies ou nous gagnons le moins... Aidez-nous, s'il vous plaît!»

Pour surnager, le couple songe à vendre son triplex. «Nous savons que c'est un bon investissement à long terme mais, à court terme, cela nous donnerait plus de marge de manoeuvre; de plus, parfois, nous en avons assez de penser à la retraite car nous sommes au début de la trentaine.»

Une vision d'ensemble

«Il y a un bon remède à l'urgence de tout faire: établir vos priorités et votre plan financier pour les prochaines années, lance d'abord Raphaël Hainault, planificateur financier au Fonds des professionnels. Vouloir tout faire en même temps crée un brouillard qui empêche d'y voir clair dans vos finances. Et, surtout, cela crée une incertitude quant aux probabilités d'atteindre vos objectifs à long terme.»

Bref, il faudrait au couple un conseiller compétent qui aurait une vue d'ensemble de la situation.

Voici déjà un premier problème à régler. Le ménage conserve quelque 4500$ en liquidités, une précaution utile quand les revenus, comme ceux de David, sont fluctuants. Mais le couple a par ailleurs des dettes sur marges de crédit - 10 000$ pour David, 5000$ pour Caroline.

«Serait-ce une bonne idée de retirer les 5000$ du REER de David afin de rembourser ses dettes?» demande Caroline. Elle fait valoir que David détient également 35 000$ dans un REER collectif, plus sa part du triplex, et que cela lui procurera des revenus de retraite.

Pour éviter le paiement d'impôt sur la somme retirée du REER, le planificateur suggère plutôt que le couple utilise son fonds d'urgence. «Il ne vaut pas la peine de payer 8,75% d'intérêts afin de conserver un fonds d'urgence qui rapporte un peu plus de 2% de rendement imposable», souligne-t-il.

Passons au triplex. Une fois les dépenses courantes soustraites, il procure un revenu annuel de 19 000$. En regard de sa valeur de 330 000$, il s'agit d'un rendement de 6%, ou d'environ 5% si l'on tient compte des réparations occasionnelles. Ce rendement se compare avantageusement à celui d'une obligation de qualité, constate notre conseiller. L'immeuble constitue un solide investissement à long terme, qui procurera une meilleure diversification du portefeuille du couple, observe-t-il.

Il est vrai que l'immeuble impose pour l'instant certaines restrictions au budget. «Vous devrez en effet continuer à exercer un bon contrôle de vos dépenses pendant quelques années», souligne M. Hainault.

Selon lui, le coût de vie du couple, si on exclut les remboursements de dettes, les cotisations aux programmes gouvernementaux et l'épargne de retraite, s'établit à environ 32 650$ par année, ou 2720$ par mois. «Si vous vous en tenez à ces dépenses, votre budget devrait être équilibré», assure-t-il.

Le goulot budgétaire sera à son plus étroit au cours des deux prochaines années, mais la marge de manoeuvre s'élargira ensuite d'année en année. Les revenus du couple s'accroîtront régulièrement, alors que les versements hypothécaires demeureront relativement stables - si les taux d'intérêt ne changent pas trop.

En maintenant cette discipline, Caroline et David auront liquidé leur dette en 2024. Leur coût de vie de 32 650$ pourra alors augmenter jusqu'à 80%.

«Ils pourront dépenser 75% de la valeur des paiements hypothécaires, en épargner le quart, et ils seront en mesure de prendre leur retraite de façon confortable», prévoit notre conseiller.

En effet, 15 ans plus tard, la retraite leur ouvrira (largement) les bras, en leur permettant de conserver leur train de dépenses. Caroline et David auront alors respectivement 60 et 64 ans. Mieux, en économisant davantage à partir de 2024, ils pourraient devancer cette échéance.

Mais tout cela est encore bien loin: après tout, ils ont le bonheur d'être jeunes!

 

LES CHIFFRES

Caroline, 30 ans

Revenus: 24 000$

REER: 4000$

Liquidités: 1000$

Marge de crédit: 5000$

David, 34 ans

Revenus: entre 40 000$ et 50 000$

REER collectif: 35 000$

REER personnel: 5000$

Marge de crédit: 15 000$

Maison unifamiliale

Valeur de 300 000$ hypothèque de 180 000$

Triplex

Valeur de 330 000$ hypothèque de 210 000$

«S'ils ont le courage de traverser les deux prochaines années, ils vont voir ensuite la vie beaucoup plus en rose.»

- Raphaël Hainault planificateur et fiscaliste, Fonds des professionnels.