Quand des clients désespérés entrent dans les bureaux d'Option consommateurs pour une consultation budgétaire avec Karine Robillard, il est souvent trop tard. Ils sont déjà au bord de la faillite.

«La plupart des gens attendent trop longtemps avant de prendre des mesures pour s'en sortir, dit la conseillère budgétaire. Ils ont des problèmes d'argent depuis deux, trois ans, mais c'est un événement déclencheur qui les pousse enfin à agir.»

 

Par exemple, ils reçoivent un avis d'interruption de service d'Hydro-Québec ou une mise en demeure. On les menace de reprendre leur véhicule. Ils sont harcelés par une agence de recouvrement et n'en peuvent plus.

«On constate que certains sont passés maîtres dans l'art de payer une carte de crédit avec une autre», dit Mme Robillard.

Mais un tel système ne dire qu'un temps. «À un moment donné, ils ont atteint les limites de toutes leurs cartes et ce n'est plus possible d'aller chercher d'autre crédit, dit-elle. Ils se retrouvent avec des paiements minimums très élevés et n'arrivent plus. S'ils avaient demandé de l'aide avant, ils auraient évité bien des difficultés.»

Et les conséquences ne sont pas seulement financières. Le stress, l'anxiété, le manque de sommeil, la baisse de concentration au travail et les problèmes conjugaux accompagnent souvent les problèmes d'argent.

Un coup dur pour l'estime de soi

Personne n'est fier d'être acculé à la faillite. Depuis 20 ans qu'il pratique son métier, Pierre Fortin, syndic chez Jean Fortin et Associés, en a vu passer des centaines. «La plupart des gens disent que jamais ils n'auraient cru que ça pourrait leur arriver», dit-il.

La faillite est un constat d'échec difficile pour l'estime de soi. «La peur de perdre la face devant le conjoint et les enfants fait reculer les gens, dit Éric Lebel, syndic et associé de Raymond Chabot Grant Thornton. Mais la volonté de mettre fin au calvaire les amène chez nous.»

On n'est jamais à l'abri d'un coup dur. Des personnes aux revenus très variés se pointent chez le syndic. «En général, ce sont des gens âgés de 35 à 55 ans, car c'est une étape de la vie où les charges financières sont importantes, dit Éric Lebel. Certains ont fait des dépressions et subi un arrêt de travail. Au moment où ils sont tombés malades, ils n'avaient pas de coussin financier ni d'assurance-salaire.»

Les personnes fraîchement séparées sont aussi à risque car, en redevenant célibataires, elles doivent désormais payer seules le loyer et les autres factures. Et il y a bien sûr ceux qui perdent leur emploi, ou qui souffrent de problèmes de jeu ou de toxicomanie.

Toutefois, depuis quelques années, les candidats à la faillite sont de plus en plus nombreux à s'être endettés simplement pour consommer davantage, constate Pierre Fortin. «Depuis cinq ans, le crédit à la consommation a augmenté de 10% par année tandis que les revenus ont augmenté de seulement 5%. Le taux d'endettement a doublé depuis 1991. Pas étonnant que les faillites augmentent.»

Mais la faillite n'est pas la seule façon de s'en sortir. Avant d'en arriver là, d'autres possibilités existent, comme la consolidation de dettes ou la proposition de consommateur, qui méritent d'être évaluées. En effet, si la faillite permet d'effacer les dettes et de repartir du bon pied, c'est loin d'être la solution idéale.