Quel est le rapport entre le design d'un kayak et les caisses de sacs de lait? Vous allez comprendre.

Le fabricant lavallois d'embarcations légères Pelican a longtemps confié en sous-traitance le design de ses pédalos, kayaks et autres traîneaux. L'entreprise emploie maintenant deux designers industriels et un technicien en design. En équipe avec deux ingénieurs chargés de projets, ils conçoivent des «plateformes» d'embarcations qui se déclineront en différents modèles plus ou moins équipés, de même façon qu'en construction automobile.

Prenez par exemple le plus récent kayak de pêche à coque fermée de la gamme Elite (de type sit-on-top, dit-on dans le milieu). Le Strike est offert en version courte sans gouvernail, et avec gouvernail en modèles de 13 et 15 pi. La coque est constituée de deux feuilles de polyéthylène, chauffées et formées contre des moules, puis assemblées et soudées sur leur pourtour.

 

Il y a le dessus, et il y a le dessous.

Le dessus, on s'y assoit. C'est l'endroit où le designer - dans le cas du Strike, il s'agit de Réjean Boyer - peut déployer son ingéniosité, sa créativité, ses connaissances en ergonomie.

Conçu pour les pêcheurs, le Strike est muni de chaque côté d'une cavité pour le manche des cannes à ligne dormante. Un autre porte-canne est installé entre les jambes du pêcheur, inclinable et pivotant celui-là.

Le directeur recherche et développement Philippe Leblanc, qui était l'ingénieur chargé de projet pour le Strike, souligne particulièrement la plaque de montage fixée aux pieds du pagayeur - une caractéristique unique sur le marché, assure-t-il. Le pêcheur passionné peut personnaliser son embarcation et y installer son GPS, son sonar ou tout autre gadget porte-bonheur. Ils seront vissés sur cette plaque amovible plutôt que directement sur la coque.

L'ergonomie du siège est étudiée pour accueillir les postérieurs de tous gabarits, américain surdimensionné notamment, car 70% de la production prend le chemin des États-Unis. Non seulement faut-il que ce siège soit confortable dans le sens longitudinal du kayak, mais il doit en plus permettre au pêcheur de s'asseoir en travers de l'embarcation, jambes pendantes dans l'eau, question de taquiner le poisson en toute quiétude.

Pour le dessous, c'est autre chose. On plonge dans un autre univers, où la forme est strictement et uniquement dictée par la fonction. Or, il n'y a pas de cours d'architecture navale pour le dessin de kayak. La coque est dessinée selon la méthode immémoriale: à l'oeil, à l'intuition, à l'expérience, à l'essai. Le concept sera souvent concrétisé en une maquette grandeur nature, usinée dans un bloc de mousse de polystyrène et recouverte de fibre de verre. «Nous l'essayons en eau pour valider le profil de la coque et vérifier si le comportement est bon», indique Philippe Leblanc. Avec des spécialistes du kayak, ils testent en piscine les diverses propositions, les comparent à d'autres kayaks, en raffinent les lignes.

L'arrière du Strike rappelle celui d'une camionnette, avec son espace de chargement creusé, parcouru de nervures, et recouvert d'un treillis élastique. Il a été dessiné exprès pour recevoir et retenir une de ces caisses de plastique servant à la manutention des sacs de lait. «On a remarqué que les pêcheurs les utilisent souvent pour transporter leur équipement, explique Philippe Leblanc. Ça faisait partie des critères de design.»

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