L'été approche, les temps sont difficiles et les récompenses sont tentantes. Plusieurs institutions financières font la promotion de leur carte de crédit de voyageur. Vous vous voyez déjà sur la plage? Attention à ne pas vous retrouver sur le sable! Petit guide de voyage.

Regardons les choses en face: les points-voyage offerts avec les cartes de crédit sont l'équivalent électronique des timbres-primes Gold Star ou Pinky. La seule différence est dans la nature de la carotte brandie devant notre nez.

 

Il faut admettre qu'elle est appétissante: des billets d'avion pour une destination exotique font davantage rêver qu'un grille-pain gratuit.

Et en effet, certains consommateurs avisés et disciplinés réussissent à obtenir d'intéressantes récompenses sans changer leurs habitudes ni augmenter leurs dépenses.

La stratégie consiste à régler avec la carte tous les achats et dépenses possibles: épicerie, essence, achats, rénovations, sorties, abonnements, factures de services publics...

Avec la remise standard de 1%, le couple qui porte 50 000$ par année à son compte récupère ainsi 500$.

«Si on a un bon profil d'utilisateur, qu'on rembourse toujours son solde, qu'on utilise sa carte de crédit comme mode de paiement et non pas comme source de fonds, c'est une bonne façon de faire», indique Marie-France Lettre, agente de communication à l'Agence de consommation en matière financière du Canada.

Mais ça fait beaucoup de si.

Il faut notamment se méfier du syndrome de la thésaurisation - ou du complexe de Séraphin: trop s'enthousiasmer en voyant les piles de points s'élever. «C'est le plus grand danger, selon moi: utiliser le crédit et modifier ses habitudes davantage qu'on ne devrait», prévient Gabriele Roehl, conseillère budgétaire à l'ACEF du Sud-Ouest de Montréal.

Vous devez vous demander combien vos milles aériens vous coûtent en kilomètres terrestres. S'il faut faire 15 minutes de voiture de plus pour se rendre au supermarché ou à la station-service qui accorde des points supplémentaires, il n'est pas certain que l'opération soit rentable. «J'ai dépensé de l'essence, je suis prise dans le trafic, je suis frustrée, mais au bout du compte j'ai accumulé 50 points-voyage qui valent peut-être 2$», donne en exemple Marie-France Lettre. «C'est quand on commence à faire des concessions dans le but d'avoir des points que ça devient dangereux.»

Et il faut encore compter avec les espoirs déçus. «Nous rencontrons beaucoup de gens qui sont tellement leurrés par cette idée des récompenses, observe Gabriele Roehl. Les Air Miles nous promettent des voyages dans le Sud et c'est sûr que, en hiver à Montréal, l'idée séduit beaucoup. Mais avec les points qu'on réussit à amasser, si on ne fait pas de grosses dépenses, on a finalement droit à un petit CD ou à un petit appareil électronique. Ça va souvent beaucoup moins vite que les gens l'espèrent.» Plusieurs consommateurs ont vu aussi leur rêve s'écrouler à la date de péremption de leurs points: ils ont disparu avant qu'ils aient pu les utiliser.

En somme, il faut savoir dans quelle aventure on s'embarque et à bord de quelle galère. «Selon notre profil d'utilisateur, il faut choisir la caractéristique la plus avantageuse pour nous, recommande Marie-France Lettre. Est-ce que je suis quelqu'un qui a l'habitude de dépenser sans trop calculer? Est-ce que j'ai l'habitude de traîner un solde impayé sur ma carte de crédit? Est-ce que je serais plus avisé de rechercher une carte avec des taux d'intérêt moins élevés plutôt qu'une carte qui offre des récompenses?»

Gabriele Roehl souligne une autre facette occulte des programmes de récompenses. «On donne plus d'information sur nos habitudes de consommation à davantage de gens, prévient-elle. C'est leur objectif: ils veulent les analyser pour mieux nous solliciter par la suite.»

En somme, on nous prend pour des valises.