Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean-Sébastien Garant, de Sigma Alpha Capital.

Q: À votre avis, quel est l'évènement le plus significatif en Bourse cette semaine?

Au-delà des différentes données économiques qui atteignent de nouveaux creux de semaine en semaine, ce qui a le plus attiré mon attention fut sans contredit le désarroi du président de la Réserve fédérale américaine dans son discours devant le comité budgétaire du Sénat.

 

Ben Bernanke a dressé un portrait économique beaucoup moins convaincant que celui qu'il avait présenté moins d'une semaine auparavant. Il a aussi accusé l'assureur AIG d'avoir fait des paris irresponsables dans le seul but d'exploiter certaines lacunes dans la règlementation de l'industrie financière, soit des propos plus sévères qu'à son habitude. Le plus inquiétant dans tout cela est que le gouvernement continue d'injecter des capitaux dans de telles firmes, faute d'alternative.

Q: Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

C'est seulement lorsque la consommation aura retrouvé le chemin de la croissance que la récession prendra fin. Au cours de la période 2003-2007, la consommation américaine a été stimulée par trois facteurs principaux: l'effet de richesse, l'effet de revenu et un crédit facilement accessible.

Le renversement de ces trois facteurs, engendré par l'effondrement du marché immobilier et la baisse des marchés boursiers, fait en sorte que le consommateur s'est rapidement positionné en mode d'épargne.

Pour que la reprise économique se matérialise, il faut que le prix des maisons remonte, que le marché de l'emploi se stabilise et que l'accès au crédit bancaire soit renouvelé.

Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

La prudence demeure de mise. Bien que les marchés boursiers puissent être à des niveaux beaucoup plus élevés sur un horizon de 3-5 ans, à ce stade-ci, l'investisseur aguerri devrait rester au neutre. Il n'y a toujours pas de lumière au bout du tunnel. Bien au contraire, les perspectives économiques à l'échelle mondiale continuent de se détériorer.

Il est donc préférable de rester sur les lignes de côté, avec de l'encaisse. L'investisseur peut aussi se tourner vers un fonds alternatif qui permet de capitaliser sur les mouvements de marché tant à la baisse qu'à la hausse. Aussi, l'or représente encore une avenue intéressante. C'est une valeur refuge, dans le contexte actuel d'incertitude extrême.

Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations du Trésor américain nous semblent très risquées présentement. En plus de procurer un faible rendement à échéance, la volatilité de ces titres a fortement augmenté. Peu de rendement, plus de risque: en Finances 101, ce n'est pas une très bonne combinaison!

Q: Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus en ce moment?

Les économistes sous-estiment l'ampleur de la récession. Le consensus table sur une reprise économique en deuxième moitié de 2009, ce qui nous paraît très peu probable.

Il est naturel de faire des comparaisons avec la crise des années 30 mais en réalité, il n'y a pas vraiment de repères historiques pour expliquer la situation actuelle. Certes, nous sommes davantage en 1931 qu'en 1981, mais la conjoncture actuelle est tellement différente: les politiques monétaires et fiscales sont beaucoup plus stimulantes et l'intégration des marchés mondiaux s'effectuent à la vitesse «électronique». De plus, la mondialisation du commerce international est aujourd'hui infiniment plus poussée qu'il y 80 ans.

Selon nous, des scénarios noirs sont encore fort probables. Il n'est pas impossible qu'on soit encore dans la misère pour deux ou trois ans. Il faut être prudent, même si les mesures d'évaluation rendent les actions attrayantes, en ce moment. C'est une erreur que d'essayer d'investir exactement au bas du marché.

 

Jean-Sébastien Garant s'est joint à Sigma Alpha Capital en 2008, à titre de vice-président et gestionnaire de portefeuille. Fondée en 2003, la firme se spécialise en gestion alternative macro-globale, une approche qui permet de miser, à la hausse comme à la baisse, sur les différentes catégories d'actifs à travers le monde. La firme montréalaise gère des actifs 60 millions, pour une clientèle fortunée et institutionnelle.