Est-ce que sa retraite s'approche ou s'éloigne? Lise est âgée de 56 ans. Depuis 2006, elle profite d'un régime de retraite progressive qui lui permet de toucher 80% de son salaire, tout en continuant de contribuer à sa caisse de retraite comme si elle touchait son plein salaire. Elle a prévu prendre sa retraite définitive en mai 2010. Le régime de retraite de son employeur lui verserait alors une rente de 22 500$ par année.

Entre-temps, elle voit ses épargnes rétrécir à mesure que la crise financière s'étend. Pourtant investies de façon prudente, elles ont fondu de 25 000$ depuis quelques semaines.

 

Lise a présentement un revenu net de 35 000$. Elle en dépense 27 000$, et le reste est consacré à son REER et à des placements non enregistrés.

Elle a utilisé l'outil SimulRetraite, de la Régie des rentes du Québec, pour estimer ses futurs revenus de retraite. Avec un revenu brut de 40 000$ et un rendement de 3,5%, l'oracle lui a prédit l'épuisement de ses épargnes à 82 ans.

«Mes placements diminuent; ce ne sera plus le même portrait. Ça ne doit pas être facile pour les planificateurs, ces temps-ci», dit-elle avec une belle sollicitude...

Elle possède avec son conjoint une maison d'une valeur de 225 000$, dans laquelle elle a investi 85 000$.

Elle tient cependant à assurer seule sa sécurité financière. Si nécessaire, elle se dit prête à travailler à la pige, à temps partiel.

Alors, si elle prend sa retraite au moment prévu, pourra-t-elle maintenir le train de vie de 28 000$ qu'elle projette?

«Étant donné que je devrai vivre pendant presque deux ans avec le seul revenu de mon régime de retraite avant de recevoir la rente de la RRQ, est-il préférable de puiser dans mes REER ou dans les économies hors REER pour disposer du revenu net souhaité?» demande-t-elle encore.

Les conseils

Lors d'une rencontre avec Lise, la planificatrice financière Pearl Guertin, de Financière Banque Nationale, a pu saisir ses motivations fondamentales: «La question n'était pas vraiment: Est-ce que je peux prendre ma retraite? C'était plutôt: Est-ce que j'ai atteint mon autonomie financière? Lise aime son travail. Elle va continuer à la pige, j'en suis sûre. Mais elle veut être certaine de ses assises.»

La planificatrice les a sondées, avec l'aide de sa collègue Maria Luise Neuper, directrice de produit, planification financière. Elle a posé l'hypothèse que les placements de Lise maintiendraient un rendement moyen de 4%, en accord avec son «profil conservateur».

Elle a retenu une inflation de 2%. L'indexation de la rente de retraite de Lise est déterminée par ses années de service, ce qui la fixe à 0,8% par année. Il faut encore arrêter la durée de vie minimale des épargnes de Lise.

«Selon les tables de mortalité, l'espérance de vie de Lise est de 84 ans, explique la planificatrice. Cependant, selon les Normes d'hypothèses de projections de l'Institut québécois de planification financière, l'âge d'épuisement du capital devrait être fixé à 91 ans.»

Une rente

En mai 2010, Lise aura droit à une rente de son employeur de 22 618$, qui sera réduite de 5600$ à 65 ans pour se coordonner aux rentes publiques. Mais Lise pourrait augmenter cette rente de 621$ par année en rachetant des années de service passé, au coût de 10 648$. Est-ce souhaitable?

Pearl Guertin a fait la comparaison en supposant que ces 10 648$ seraient conservés dans le REER avec un rendement de 4% par année.

Si elle faisait des retraits annuels de 621$, indexés comme la rente à raison de 0,8%, cet argent serait épuisé à 84 ans.

Pour se protéger contre le risque de longévité, Lise serait donc avisée de consacrer ces 10 000$ au rachat d'années de service, s'assurant ainsi un supplément de rente jusqu'à la fin de ses jours.

Dans ses calculs, Mme Guertin ajoute donc ces 621$ à la rente de Lise, ce qui la porte à 23 239$. À partir de 60 ans, elle touchera en outre une rente de la RRQ de 7332$. Une ponction fiscale de 5700$ lui laissera alors un revenu net de 24 871$. Cinq ans plus tard, à 65 ans, la pension de la sécurité de la vieillesse commencera à son tour à lui être versée.

Mais dans l'intervalle de deux ans pendant lequel elle ne touchera que la rente de son régime complémentaire de retraite, Lise devra puiser dans ses épargnes. Pour franchir ce fossé, est-il plus rentable qu'elle puise d'abord dans son REER ou dans ses épargnes non enregistrées?

Pearl Guertin a simulé les deux hypothèses. «À long terme, dit-elle, l'écart entre les deux stratégies pour ces deux années est quasi nul, observe la planificatrice. Cependant, pour plus de flexibilité, nous lui recommandons de puiser dans son compte enregistré. Pour les années suivantes, la situation devra être réévaluée.»

Enfin, Mme Guertin a retiré - théoriquement! - 20 000$ des épargnes non enregistrées de Lise pour payer la voiture qu'elle prévoit s'acheter d'ici sa retraite.

La vie des épargnes

Avec ces mesures, la planificatrice a évalué combien de temps dureraient les épargnes de Lise, si elle maintient durant la retraite un train de dépenses de 28 000$ par année. Bonne nouvelle: l'espérance de vie de son capital est plus longue que la sienne.

Quand Lise aura 91 ans, son FERR (fonds enregistré de revenus de retraite) contiendra encore 87 000$, alors que ses épargnes non enregistrées totaliseront 80 000$.

Pearl Guertin suggère au passage quelques ajustements au portefeuille de Lise. Elle lui recommande de faire passer la proportion d'actions de 18% à 30%, pour mieux se blinder contre l'inflation.

Les revenus fixes seraient détenus dans le REER et les actions concentrées hors REER, dans un fonds de catégorie de sociétés.

«C'est un choix fiscalement avantageux, commente-t-elle. Le rendement ne sera imposé sous la forme de gain en capital qu'au moment de la vente.»

Elle propose encore que Lise transfère chaque année 5000$ de ses épargnes hors REER dans un compte d'épargne libre d'impôts (CELI), où ils fructifieront à l'abri du fisc.

Constat final: «Lise n'a pas à s'inquiéter.» Elle pourra prendre sa retraite comme prévu et accepter - ou non - les contrats de pige qu'elle voudra bien.

 

LE DILEMME

Jusqu'à tout récemment, Lise prévoyait prendre sa retraite en mai 2010. Mais en quelques semaines, ses épargnes ont fondu d'au moins 25 000$. Elle espérait maintenir un revenu net de 28 000$. Doit-elle revoir ses plans?

»Je voulais voir si je pouvais vraiment partir dans un an et demi. Mais avec la situation actuelle, je ne suis pas certaine...» - Lise

LES CHIFFRES

Lise, 56 ans

Revenus : 57 000$

Rente de retraite le 1er mai 2010: 22 500$

REER: 187 000$

Épargne non enregistrée : 57 000$

Propriété : 40% d'une propriété valant 225 000$, libre d'hypothèque

Aucune dette

LE CONSTAT

Ses épargnes lui permettent encore de soutenir le train de vie espéré jusqu'à 91 ans... avec une marge de sécurité confortable. Rien ne l'oblige à faire de la pige à la retraite, comme elle en fait le projet, mais rien ne l'en empêche non plus. C'est libre à elle!

»Elle aura atteint l'autonomie financière et acceptera les mandats qui lui plaisent.»

- Pearl Guertin

PEARL GUERTIN Planificatrice financière, Financière Banque Nationale. Pour cette analyse, elle a eu l'aide de Maria Luise Neuper, directrice de produit, planification financière.

 

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