Pourquoi cette chronique ne présente-t-elle pas plus souvent des jeunes? ont demandé Judith et Francis, âgés de 27 et 28 ans. Nous les avons pris au mot. Conviés à présenter leurs préoccupations, ils ont décrit leur situation d'étudiants au doctorat.

«Nous obtenons, en plus de contrats de travail ou de charges de cours, un salaire qui nous est versé sous forme de bourse par des organismes subventionnaires en recherche, et qui est donc complètement exempt d'impôts - cadeau de notre cher premier ministre Harper», explique Judith.

 

En 2008, elle a touché un revenu contractuel imposable de 18 000$ et une bourse non imposable de 20 000$. Elle a déjà accumulé 6000$ dans son REER, auquel elle ajoute 150$ par mois. Elle réussit en outre à épargner 200$ chaque mois. De son côté, Francis a reçu en 2008 une bourse de 18 000$. Notamment grâce à un héritage, le couple a des économies de près de 55 000$. «Comment l'investir à bon escient à notre âge?» s'interroge Judith.

«Étant donné notre situation atypique, qui devrait durer quelques années encore, nous nous demandons si nous sommes prêts financièrement à accéder à la propriété, poursuit-elle. Malgré des revenus familiaux de près de 70 000$, dont 50 000$ exempts d'impôts, les banques seront-elles intéressées à prêter à des étudiants?»

Ils ont aussi contracté des dettes d'études, «que nous devrons commencer à rembourser à la fin de cette galère», souligne Judith. «Faut-il se presser de les rembourser avant d'acheter une propriété ou profiter de ce délai et des déductions fiscales qui s'ensuivront? Et la cotisation à des REER, alors qu'on est encore étudiants, est-elle judicieuse ou inutile?»

Objectif maison

Nathalie Bachand, planificatrice financière et directrice, gestion de patrimoine, de BMO Banque privée Harris, a précisé avec Judith que l'objectif prioritaire du couple était d'acheter une maison. Ils en fixent la valeur à environ 250 000$.

«Ils ne font pas vraiment de budget, observe Mme Bachand, mais j'ai estimé avec leur taux d'épargne et leurs revenus en 2008 que leur coût de vie devait s'élever autour de 50 000$ par année.»

Ces dépenses incluent deux loyers, respectivement de 800$ et de 600$ par mois. Ce dernier, qui prendra fin en janvier, était nécessaire pour un contrat d'études à l'extérieur.

Judith touchera encore sa bourse annuelle de 20 000$ pendant les deux prochaines années. La bourse de Francis grimpera de 18 000$ à 30 000$ à compter de 2009, pendant deux ou trois ans, selon la durée de ses études postdoctorales. Judith a expliqué à notre planificatrice que ces bourses sont octroyées pour l'ensemble de ces périodes sans qu'il soit nécessaire d'en réitérer la demande. «Ce point est important pour son objectif d'acheter une maison et de contracter une hypothèque, observe Mme Bachand. Les institutions financières voudront une certaine garantie de revenu futur.»

En 2009, le couple touchera donc des revenus nets d'environ 64 000$ et il verra ses dépenses diminuer de 600$ par mois.

Le couple songe à consacrer à l'achat de sa future maison les 55 000$ de ses placements hors REER (les 15 000$ d'épargnes de Judith et l'héritage de 40 000$ de Francis). «C'est une excellente idée», commente Mme Bachand. En supposant un prêt hypothécaire de 200 000$ amorti sur 25 ans et un taux d'intérêt de 5%, leurs mensualités s'établiraient à 1163$, soit moins que le total de leurs deux loyers actuels.

«Si on suppose que la somme des autres frais liés à l'entretien d'une maison, les taxes, les assurances, l'électricité, les réparations, est de l'ordre de 8000$ à 10 000$ par année, ils ont les moyens d'acheter la maison puisque leurs revenus nets augmenteront de 12 000$ l'an prochain», constate la planificatrice.

Mais encore faut-il qu'ils puissent soutenir ces dépenses quand ils arriveront sur le marché du travail et seront imposés sur l'ensemble de leurs revenus. Judith et Francis ont assuré à Mme Bachand que leurs perspectives d'emploi étaient excellentes et qu'ils devraient toucher chacun un revenu d'environ 60 000$. Après une cotisation maximale à leurs REER, Judith et Francis devraient pouvoir compter à eux deux sur un revenu net de 70 000$, supérieur à celui de 64 000$ prévu pour 2009. «Sur cette base, ils auront donc la possibilité de continuer d'assumer facilement l'emprunt hypothécaire ainsi que les frais liés à la maison», indique notre planificatrice.

La banque sera-t-elle du même avis? Fort probablement, selon Mme Bachand. «Leurs revenus sont réguliers, les bourses sont relativement garanties et il est raisonnable de penser qu'ils pourront avoir de bons revenus une fois sur le marché du travail, compte tenu de leurs études et des perspectives d'emploi dans leur domaine respectif.» Elle suggère au passage une hypothèque à taux variable puisque leur budget leur permettrait d'absorber les variations à la hausse.

Une précaution s'imposera tout de même. Judith et Francis sont conjoints de fait. Parce que leurs contributions à la mise de fonds de leur propriété ne seront pas égales, Mme Bachand leur conseille de mentionner cette situation dans l'acte notarié et de prévoir une reconnaissance de dette.

Doivent-ils cotiser aux REER pendant leurs études? Notre planificatrice recommande à Judith de verser cette épargne dans un CELI (compte d'épargne libre d'impôt). En effet, parce que seuls ses revenus contractuels de 18 000$ sont imposables, son taux d'imposition est présentement très bas. Mieux vaut réserver ses droits de cotisation REER pour son entrée sur le marché du travail, alors qu'elle aura à affronter un fisc plus en appétit. «Je leur recommande de cotiser au maximum au REER dès qu'ils seront sur le marché du travail», souligne la planificatrice.

Judith a une dette d'études de 11 000$. Rien ne presse pour son remboursement: les intérêts ne seront comptabilisés qu'à partir de la fin des études, et ils seront déductibles de son revenu imposable. Il est préférable de consacrer les éventuels surplus budgétaires au remboursement de la marge de crédit étudiante de Francis, dont le solde s'élève à 8000$.

L'avenir leur appartient.

 

LA SITUATION

Judith et Francis sont étudiants au doctorat. Ils touchent en même temps des revenus sous forme de contrats, de charges de cours et de bourses. Cette situation atypique et temporaire leur permet-elle de s'acheter une maison?

»Nous avons la chance d'être tous les deux financés par des organismes subventionnaires.»

Judith

LES CHIFFRES

Judith, 27 ans

Revenus (2008): 18 000$

Bourses (2008): 20 000$

REER: 6000$

Épargnes non enregistrées: 15 000$

Dette d'études: 11 000$

Francis, 28 ans

Bourse (2008): 18 000$

Bourse (2009): 30 000$

Épargnes non enregistrées: 40 000$ (héritage)

Marge de crédit: 8000$

L'ANALYSE

Leurs revenus combinés et leurs épargnes leur permettent déjà de se procurer une maison de 250 000$ puis d'en assumer les dépenses. Une banque ne devrait pas trop se faire tirer l'oreille.