Des succursales de la SAQ pourraient-elles disparaître du paysage québécois ? C’est ce que craint le syndicat représentant les travailleurs en magasin, qui soupçonne la société d’État de vouloir remplacer des succursales par des « comptoirs SAQ » à l’intérieur de certains dépanneurs et épiceries de plusieurs municipalités.

Le syndicat craint également que plusieurs magasins se transforment en véritables points de chute où les clients viendraient simplement chercher leurs commandes en ligne.

« Actuellement, on a plus d’agences, c’est-à-dire des dépanneurs et des épiceries qui ont un permis pour vendre les produits de la SAQ, qu’il y a de succursales. La SAQ voudrait accentuer [cette tendance] en fermant des succursales pour envoyer ça au privé », lance sans détour Lisa Courtemanche, présidente du Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec (SEMB-SAQ-CSN).

Le réseau de la SAQ compte 410 succursales et 428 agences, selon le rapport annuel 2023, publié récemment. « Présentement, notre contrat de travail interdit de fermer des succursales pour les remplacer par des permis d’agence », précise Mme Courtemanche.

Les 5400 membres du syndicat sont sans convention collective depuis le 31 mars 2023. Lors des négociations, en cours depuis janvier, la direction aurait ouvert une brèche pour modifier la clause, selon la présidente.

À toutes les négos, on se bat pour convertir les grosses agences en succursales. Mais cette fois-ci, il y a volonté de l’employeur de faciliter la fermeture des magasins.

Lisa Courtemanche, présidente du Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec

D’après elle, les succursales en région pourraient « écoper ».

Dans le cas où cette volonté deviendrait réalité, elle se traduirait par des pertes d’emplois. Le propriétaire de l’épicerie ou du dépanneur assume habituellement seul la vente de vin ou de spiritueux. « C’est un recul pour nos emplois, c’est un recul pour le service-conseil, c’est un recul dans la diversité des produits », poursuit Lisa Courtemanche.

« Expérience client exceptionnelle »

« Nous n’avons pas l’intention de discuter publiquement des conversations qui ont lieu à la table de négociation », a pour sa part répondu la porte-parole de la SAQ, Geneviève Cormier, lorsque La Presse lui a demandé si la société d’État avait bel et bien l’intention de revoir la composition de son réseau.

« Entre 2017 et 2023, le nombre de succursales est passé de 405 à 410 tandis que le nombre d’agences est passé, pour la même période, de 436 à 428. C’est donc cinq succursales additionnelles pour huit agences en moins. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, a-t-elle ajouté. La SAQ a la volonté de maintenir une expérience client exceptionnelle et la responsabilité d’offrir un service de proximité partout au Québec. »

Les ventes en ligne

Par ailleurs, les efforts mis en place pour mousser les ventes en ligne et l’investissement de 137 millions de dollars pour l’agrandissement du centre de distribution situé à Montréal inquiètent également les syndiqués quant à l’avenir des succursales. Ils craignent que les magasins deviennent de simples points de chute où les amateurs de vins et spiritueux viendront chercher les commandes passées sur le site internet.

« L’accélération des ventes en ligne aura également un effet sur nos succursales, qui devront être revisitées en fonction de cette nouvelle réalité et proposer, notamment, un espace plus important réservé à la cueillette de commandes en ligne », indique la société d’État dans son Plan stratégique 2024-2026.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Selon le rapport annuel 2023, les ventes en ligne de la SAQ – qui représentent 3,1 % des ventes – ont atteint 93,3 millions de dollars contre 106,4 millions de dollars pour l’exercice précédent, soit une diminution de 12,3 %.

« Ils retiennent des produits pour que les clients aillent en ligne. C’est une perte de l’offre des produits en succursale », mentionne Mme Courtemanche, qui rappelle dans la foulée que les ventes en ligne sont « sous-performantes ».

Selon le rapport annuel 2023, les ventes en ligne – qui représentent 3,1 % des ventes – ont atteint 93,3 millions de dollars contre 106,4 millions de dollars pour l’exercice précédent, soit une diminution de 12,3 %.

« Après une croissance importante durant la pandémie, il y a un retour au niveau prépandémique, explique Geneviève Cormier. C’est d’ailleurs une tendance généralisée dans le commerce électronique au Canada. »

Les négociations se poursuivent

En plus de l’avenir des succursales, le statut des employés précaires compte parmi les points de discussion à la table de négociation. Tout avancerait à « pas de tortue », selon Mme Courtemanche. Des rencontres sont prévues la semaine prochaine.