Le chocolat peut avoir un goût amer. L’aventure de la chocolaterie lancée il y a 20 ans par Geneviève Grandbois se termine par une faillite et une poursuite de près de 260 000 $.

Grandbois Chocolats, qui avait trois enseignes à Montréal, a cessé ses activités et déclaré faillite le 15 mai.

Les actifs ont une valeur marchande évaluée à 20 000 $ (machines, outils, chocolat non transformé, etc.).

Le passif est pour l’instant établi à près de 224 000 $, mais le vrai chiffre écrit à l’encre rouge sera plus élevé : 37 des 43 créanciers non garantis n’ont pas encore chiffré leurs créances. « Ils devraient produire leurs réclamations d’ici l’assemblée des créanciers », le 6 juin, a dit le syndic Michel Thibault à La Presse.

Tous ces gens passeront après le créancier garanti, la Banque Nationale, qui réclame 100 000 $.

Mme Grandbois et son entreprise sont aussi poursuivies pour 258 363,96 $ par les propriétaires d’une chocolaterie à LaSalle et d’une boutique à Montréal, L’Affaire est Chocolat !, qui souhaitait développer une marque maison.

Transaction avortée

Selon leur poursuite, en mai 2022, les chocolatiers Nancy Bastien et Frédéric Fournier avaient repris les activités de Grandbois Chocolats en vertu d’une convention d’exploitation temporaire devant déboucher sur une transaction. L’offre d’achat a été acceptée par Mme Grandbois le 23 septembre 2022. En vertu de l’entente, Mme Grandbois devait demeurer actionnaire de l’entreprise à hauteur de 8 % et occuper les fonctions de consultante durant trois ans, l’entreprise refinancée assurant la pérennité de la marque Chocolats Geneviève Grandbois.

Les relations se sont dégradées au printemps dernier peu avant de conclure la transaction. Selon la poursuite, Mme Grandbois a voulu en avril dernier apporter des changements à l’offre d’achat qu’elle avait acceptée en septembre 2022, notamment en ce qui concerne l’utilisation de son nom et la clause de non-concurrence ; elle souhaitait aussi ne plus être actionnaire.

Jointe en fin d’après-midi vendredi, Mme Grandbois a indiqué que sa version des faits serait expliquée dans une défense encore en préparation par son avocat et « qui, elle, sera conforme aux faits ».

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Geneviève Grandbois

« Il y a un aspect juridique, alors je ne veux pas trop entrer dans les détails. Mais effectivement, je voulais me concentrer sur mes forces, la création et la communication, et laisser l’aspect gestion et opérations à des partenaires investis » et majoritaires, dit-elle. « Mais ça n’a pas fonctionné. En fin de compte, ils se sont retirés et ont laissé l’entreprise inopérable. »

Le couple Fournier-Bastien a une version différente. Mme Bastien affirme au contraire que le redressement de Grandbois Chocolats était chose faite avant le désaccord récent. Le but du couple, dans le partenariat espéré avec Mme Grandbois, était d’acquérir une participation majoritaire dans la marque Chocolats Geneviève Grandbois et les trois boutiques tout en conservant l’expertise de la fondatrice.

« Outre notre magasin, nous avons une chocolaterie qui fait de la sous-traitance pour d’autres marques et qui marche très bien », explique Nancy Bastien. 

Grandbois Chocolats était une marque connue qui aurait ajouté à nos activités un produit maison. Mais il faut comprendre que Grandbois Chocolats, quand nous sommes arrivés, était une compagnie moribonde, avec 780 $ en banque et des dettes de 275 000 $.

Nancy Bastien, copropriétaire de L’Affaire est Chocolat !

« Mais on trouvait que ça valait la peine, alors nous avons injecté 60 000 $ sur-le-champ au printemps 2022, puis 30 000 $ au mois d’août ; et nous avons réussi à obtenir du financement, ce qui n’a pas été facile pour une société déficitaire depuis plusieurs années, relate Mme Bastien. Nous avons mis énormément de temps et d’énergie pour que ça marche. C’était un redressement difficile, mais on y arrivait : après un an, nous faisions nos frais. »

« Malheureusement, Mme Grandbois a commencé à demander des changements, y compris reprendre le nom après un an et ne plus être partenaire, ajoute la chocolatière. Puis, elle s’est désistée le matin de la transaction. »

Difficile de vendre une marque avec un nom

L’autre propriétaire, M. Fournier, se désole de la tournure des évènements. « Après tous les efforts que nous avons faits, la dernière chose que nous voudrions, c’est de passer pour les gens qui ont fait fermer Grandbois Chocolats. »

Malgré tout ce qui s’est passé, nous souhaiterions encore une entente.

Frédéric Fournier, co-propriétaire de L’Affaire est Chocolat !

Il dit que vendredi après-midi encore, il avait contacté le syndic pour voir si la marque pouvait être sauvegardée dans le processus de faillite.

Le syndic Thibault a cependant indiqué à La Presse que la vente d’une marque contenant un nom dans le cadre d’une faillite, bien que pas impossible, « n’est pas quelque chose qu[’il] considérerai[t] de prime abord ».

Grandbois Chocolats a déjà eu six magasins et Mme Grandbois avait exprimé des ambitions hors Québec et même aux États-Unis. Mais l’entreprise avait dû réduire la voilure il y a quelques années. Seuls trois magasins à Montréal avaient été conservés, au marché Atwater, rue Ontario et rue Saint-Viateur.

Vers 2007, Mme Grandbois avait tenté d’assurer elle-même une partie de son approvisionnement en cacao, en achetant une petite plantation au Costa Rica. Le rendement fut une déception. Cet actif ne figure pas au bilan de l’entreprise : « Elle n’était pas au nom de Grandbois Chocolats. Je l’ai revendue il y a six ou sept ans », a dit Mme Grandbois.

Lisez la chronique de Marie-Eve Fournier « L’accident qui a tout bousculé »