L’arrivée de Ford comme client chez Nemaska Lithium coïncide avec un autre changement à la tête de cette entreprise phare de la filière québécoise des batteries, a appris La Presse. C’est au tour du numéro deux de la compagnie, Robert Beaulieu, de quitter le navire.

Récemment annoncé à l’interne, ce départ du chef de l’exploitation survient environ trois mois après celui du président et chef de la direction Spiro Pippos, dont le poste avait été aboli l’hiver dernier.

Il n’a pas été possible d’obtenir les raisons motivant le départ de M. Beaulieu. Dans une déclaration, Nemaska Lithium – détenue à parts égales par l’État québécois et la société américaine Livent – a confirmé les changements, sans entrer dans les détails.

« Le projet continue sa progression et nous remercions Robert Beaulieu pour sa contribution au projet depuis cinq ans, affirme l’entreprise, dans une déclaration. Il quittera l’entreprise au cours des prochaines semaines. Nemaska Lithium est déjà en recrutement pour un chef de la direction. La transition s’effectue présentement entre M. Beaulieu et l’équipe en place afin d’assurer la continuité du projet et des activités jusqu’à l’arrivée d’un nouveau dirigeant. »

Au moment d’écrire ces lignes, M. Beaulieu n’avait pas répondu aux questions de La Presse qui lui avaient été acheminées par courriel. Avant d’arriver chez Nemaska Lithium, ce dernier avait passé sept ans chez Kniambo Nickel, une coentreprise qui exploite une mine de nickel en Nouvelle-Calédonie. De 2010 à 2012, il a aussi travaillé chez Stornoway, l’exploitant de la première mine québécoise de diamants.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE NEMASKA LITHIUM

Le départ du chef de l’exploitation chez Nemaska Lithium, Robert Beaulieu, est imminent.

Dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, Nemaska Lithium compte produire de l’hydroxyde de lithium – qui entre dans la fabrication des batteries lithium-ion pour véhicules électriques – en transformant le lithium extrait de la mine de Whabouchi, à environ 300 kilomètres de la baie James.

Le projet est estimé à environ 1,5 milliard.

En vertu de l’accord annoncé lundi entre Ford et Nemaska Lithium, le géant de l’automobile doit acheter jusqu’à 13 000 tonnes par année d’hydroxyde de lithium. C’est environ le tiers de la production annuelle de l’usine québécoise, dont le démarrage est prévu en 2026.

Signe précurseur

D’après nos informations, cette entente constitue un autre signal de l’arrivée probable de la multinationale à l’ovale bleu à Bécancour, dans le Centre-du-Québec. La Presse a déjà éventé les ambitions de Ford, qui envisage de construire une usine de matériaux de cathode, une composante névralgique de la batterie au lithium-ion.

Ce complexe envisagé se réaliserait en collaboration avec le fabricant sud-coréen de cellules SK On et EcoPro Global, spécialisée dans les composantes de batteries. Si l’usine voit le jour, il s’agirait du troisième projet du genre en territoire québécois. La coentreprise formée par General Motors et POSCO ainsi que le géant allemand BASF ont déjà annoncé des projets similaires.

« Ils [chez Ford] sont vraiment intéressés, affirme une source gouvernementale au fait du dossier, mais qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement. Il n’y a pas encore d’entente signée, mais ils font beaucoup de démarches pour s’implanter. »

L’hydroxyde de lithium entre dans la fabrication de cathodes. Pour Ford, il y a donc un aspect stratégique à en fabriquer à proximité d’un fournisseur comme Nemaska Lithium. Dans le parc industriel de Bécancour, le constructeur établi à Dearborn, dans le Michigan, a même effectué des travaux préparatoires sur un immense terrain situé au nord de l’autoroute 30.

Signe que les discussions vont bon train avec le gouvernement Legault, Ford, EcoPro ainsi que SK On sont inscrites au registre québécois des lobbyistes. Dans leurs inscriptions, elles se disent à la recherche de financement public pour des projets concernant la filière batterie qui pourraient voir le jour à Bécancour.

Lisez l’article « Ford se rapproche du Québec »
En savoir plus
  • 175 millions
    Somme injectée par Québec dans Nemaska Lithium depuis sa relance
    Source : Gouvernement du Québec
    71 millions
    Somme perdue par l’État québécois quand la société s’était protégée de ses créanciers, à la fin de 2019
    Source : Gouvernement du Québec