Un engagement qui n’a jamais existé et l’annonce exagérée d’un arrêt de mort : poursuivi pour 146 millions par Chrono Aviation après sa décision d’interdire les vols nocturnes à compter d’avril 2024, l’aéroport de Saint-Hubert réplique en tentant de déboulonner les attaques de l’entreprise québécoise.

Les arguments du propriétaire et exploitant des installations, Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil (DASH-L), figurent dans une déclaration sous serment de son directeur général, Yanic Roy.

« J’ai vérifié les archives et je confirme qu’il n’existe aucune résolution ou règlement par lequel DASH-L se serait engagée envers les demanderesses à ne pas imposer des restrictions de vol la nuit », peut-on lire dans un document de plusieurs centaines de pages.

C’est de cette façon que M. Roy réplique à Chrono Aviation, qui allègue, dans ses démarches judiciaires, avoir choisi Saint-Hubert, en banlieue sud de Montréal, pour s’y installer après avoir obtenu l’assurance qu’il n’y « aurait jamais de couvre-feu ou de limitation » encadrant les vols de nuit.

Selon l’entreprise québécoise, l’interdiction des liaisons nocturnes entre 23 h et 6 h à compter d’avril 2024 enfreint les modalités du bail de 30 ans intervenu avec DASH-L en 2018. Chrono Aviation affirme que ce changement met en péril un contrat d’environ 100 millions et des investissements de plusieurs dizaines de millions, en plus de signer son arrêt de mort.

Ces allégations n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal.

La déclaration sous serment du directeur général de DASH-L relève une contradiction dans les arguments de Chrono Aviation. Si l’entreprise anticipe que sa « survie » est en « péril », M. Roy souligne que Services aériens LUX, qui est dans le périmètre des plaignants, « a encore la volonté d’agrandir ses installations » à Saint-Hubert.

Celui-ci fait référence à un courriel daté du 7 février dernier qui lui est adressé et signé par le directeur général de LUX, François-Luc Jutras. Le contenu de l’échange figure dans sa déclaration sous serment. M. Jutras écrit qu’il faut « dissocier » LUX et Chrono, avant d’ajouter qu’il souhaite discuter avec DASH-L d’« enjeux » qui « freinent sa croissance » et qui ne sont pas en lien « avec un couvre-feu ».

Un vieil avion

Depuis 2019, Chrono exploite des liaisons nocturnes avec la terre de Baffin deux fois par semaine, pour y conduire les travailleurs d’une mine de fer. Il s’agit d’un contrat de cinq ans dont les revenus sont estimés à 100 millions. Le problème : elle utilise un Boeing 737-200. Âgé de 45 ans, cet appareil est très bruyant, mais est le seul à pouvoir se poser sur une piste en gravier. Cela a suscité plusieurs centaines de plaintes de résidants du secteur.

L’aéroport de Saint-Hubert dit avoir prévenu les plaignants, dans une lettre datée du 12 mai 2022, d’une possibilité de restreindre les vols commerciaux de nuit afin de donner « suffisamment de temps », soit deux ans, « à Chrono afin de mettre des solutions alternatives ».

« Depuis cette lettre, Chrono ne m’a fait part d’aucune démarche ni échéancier pour trouver une solution aux inconvénients causés à la population en raison de leurs activités nocturnes, préférant la voie de la confrontation si des mesures d’atténuation du bruit devaient entrer en vigueur », souligne la déclaration de M. Roy.

Pour l’aéroport de Saint-Hubert, ce litige judiciaire survient au moment où ses ambitions de croissance se précisent avec l’intention de Porter Airlines de construire un terminal dans le cadre d’une expansion de 200 millions de dollars qui comprend également l’aménagement d’un hôtel.

Ce projet, dont La Presse avait éventé les détails, avait été présenté le 28 février dernier. Vers la fin de 2024, Porter, établie à Toronto, souhaite offrir des vols depuis la Rive-Sud vers Vancouver, Calgary et Halifax. À terme, son terminal devrait être en mesure d’accueillir annuellement plus de quatre millions de passagers.

L’histoire jusqu’ici

  • Printemps 2022 : Des consultations sur le développement de l’aéroport de Saint-Hubert se tiennent.
  • 2 février 2023 : Longueuil et l’aéroport de Saint-Hubert annoncent la fin des vols nocturnes commerciaux la nuit – qui suscitent des plaintes – en avril 2024.
  • 20 février 2023 : Chrono Aviation poursuit l’exploitant de l’aéroport pour 146 millions en alléguant des infractions à son bail.
En savoir plus
  • 2004
    Année où DASH-L, un organisme à but non lucratif, est devenu exploitant et propriétaire de l’aéroport de Saint-Hubert
    Source : dash-l