Malgré les restrictions sanitaires en place à l’époque et un bilan financier à l’encre rouge, Aéroports de Montréal (ADM) a remis 3,8 millions en primes à ses employés et gestionnaires en 2021. D’autres turbulences guettent les voyageurs parce que les finances de l’organisation l’empêchent d’effectuer des travaux jugés essentiels.

Les neuf principaux dirigeants de l’organisme sans but lucratif, dont le président-directeur général Philippe Rainville, se sont partagé 1,2 million, et le reste de la somme (2,6 millions) a été réparti entre 131 employés non syndiqués. Ces informations figurent dans le plus récent rapport annuel d’ADM, dévoilé jeudi à l’occasion de son assemblée publique annuelle.

Interrogé sur la perception à l’égard des « bonis de performance », M. Rainville a répondu que les objectifs à atteindre étaient fixés par le conseil d’administration.

« C’est au conseil, en fonction des objectifs qui nous ont été fixés, c’est eux [les administrateurs] qui ont déterminé ce qu’on méritait ou non, a-t-il expliqué, en mêlée de presse. Il y a une multitude de facettes. Sur l’ensemble de ces critères, ce sont eux qui ont décidé. »

ADM ne précise pas le montant accordé à chacun des gestionnaires ayant droit à une prime. Le dirigeant de l’exploitant et gestionnaire des aéroports Montréal-Trudeau et Mirabel n’a pas voulu dévoiler quelle somme lui a été versée. Elle s’ajoute à son salaire de 536 000 $ de 2022, qui a affiché une hausse de 16 %.

Beaucoup d’indicateurs

Dans son rapport annuel, l’organisme identifie une série de catégories, comme l’« expérience client » et l’« adaptation et résilience aux changements climatiques », en matière d’objectifs à atteindre. Professeur au département de management de l’Université Laval, Yan Cimon estime qu’on aurait pu offrir un peu plus de détails.

« Il semble y avoir un processus bien défini pour gérer ces primes, dit-il. Cela dit, cela serait intéressant d’avoir des informations plus granulaires sur ce que constitue, par exemple, l’expérience client ainsi que sur les éléments qui viennent l’améliorer. On ne connaît pas la nature des indicateurs. »

Dans un courriel, l’exploitant et gestionnaire de Montréal-Trudeau et Mirabel explique que ces primes ont permis « d’attirer et de retenir des talents dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre [et] particulièrement dans une industrie qui a perdu énormément de ses forces vives [en raison de] la pandémie ».

ADM avait perdu 230 millions en 2021, alors que les restrictions de voyage étaient toujours en vigueur en raison de la crise sanitaire. Les revenus avaient été de 278 millions – par rapport à 652 millions l’an dernier. Montréal-Trudeau avait accueilli 5 millions de passagers – trois fois moins qu’en 2022.

Été moins chaotique

Après un été marqué par des annulations de vols, des retards et des bagages égarés, M. Rainville est plus optimiste pour l’été. Les compagnies aériennes ont embauché du personnel, a-t-il expliqué, ajoutant que cela était également le cas du côté d’agences comme l’administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA), qui assure la sécurité dans les aéroports.

« Tout le monde a rajouté des ressources, affirme M. Rainville. On a rajouté des courroies dans les salles de bagages. En général, après l’été qu’on a connu l’an dernier, le système devrait fonctionner normalement. »

Il y a toutefois des nuages plus sombres qui pointent à l’horizon. Des projets, comme la réfection du débarcadère « côté ville », se sont retrouvés sur la glace en raison de la pandémie, qui a fragilisé les finances d’ADM. Tôt ou tard, ces chantiers devront se mettre en branle, puisque l’on s’attend à voir 28 millions de passagers fréquenter Montréal-Trudeau en 2028.

Les voyageurs risquent donc de se sentir à l’étroit dans quelques années lorsque des projets « très critiques », comme la cure de rajeunissement qu’il faut offrir aux débarcadères, seront déployés, prévient M. Rainville.

Je vous dirais les années 2025, 2026 et 2027... Le Réseau express métropolitain ne sera pas encore tout à fait là. Il faudra opérer dans cette transition. Ça sera des années plus difficiles.

Philippe Rainville, PDG d’Aéroports de Montréal

Le président d’ADM aurait profité de l’interruption pandémique pour réaliser ces travaux, la santé financière de l’organisme n’était pas assez vigoureuse. M. Rainville est revenu à la charge pour réclamer des changements au modèle actuel des aéroports canadiens. Ce dernier espère qu’Ottawa finira par entendre raison.

Il s’agissait par ailleurs du dernier rendez-vous annuel auquel M. Rainville participera. Après six années à la tête de l’organisme, le principal intéressé tirera sa révérence à l’automne. La personne qui lui succédera a été trouvée, mais son identité sera dévoilée plus tard.

En savoir plus
  • 186 millions
    Revenus d’ADM au 1er trimestre, en hausse de 81 % par rapport à l’an dernier
    Aéroports de Montréal
    25,6 millions
    Excédent de l’organisation pour les mois de janvier, février et mars. L’an dernier, elle avait perdu 35,6 millions.
    Aéroports de Montréal