Normand Laprise et Christine Lamarche reviennent à leur plan d’affaires prépandémie : un grand Toqué ! entouré de quelques brasseries, idéalement ouvertes tous les jours. S’il y a assez de personnel…

Dès le 17 mai, le restaurant Beau Mont de Montréal, petit frère du Toqué !, devient une Brasserie T !, comme il y en a une au Quartier DIX30 et comme une troisième qui ouvrira ses portes à Sainte-Thérèse, boulevard du Curé-Labelle, le mois prochain.

« La pandémie est arrivée alors qu’on était en plein développement, explique le chef Normand Laprise. On voulait ouvrir trois Brasseries T ! Peut-être quatre, pour payer une cuisine de production. »

Le Toqué ! fête ses 30 ans le mois prochain.

Le duo Christine Lamarche et Normand Laprise a à peu près tout vu durant ces trois décennies en restauration. La pandémie a néanmoins été particulièrement éprouvante pour eux. Le Toqué ! a été fermé presque deux ans, décimant les équipes en cuisine comme en salle et portant un dur coup aux finances du groupe qui compte une Brasserie T ! à Brossard et le Beau Mont, en plus du Toqué ! initial. À cela s’ajoute le comptoir Burger T ! au Time Out Market du Centre Eaton.

Quand la pandémie a frappé, les chefs des restos se sont retrouvés au Beau Mont, et un concept de comptoir-épicerie a été développé. « Ça nous a gardé la tête en dehors de l’eau », précise Normand Laprise.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

L’ancien restaurant Beau Mont, à Montréal, qui sera converti en Brasserie T !

La Brasserie T ! du Quartier des spectacles de Montréal a été fermée en mai 2020. Une nouvelle devrait apparaître au centre-ville, mais lorsque l’achalandage y sera plus important, la clientèle d’affaires étant très importante pour l’établissement.

Face à tous ces imprévus et ajustements, les deux entrepreneurs ont admis qu’ils devraient reculer leur retraite. Et pas un peu : de huit ans, peut-être dix.

Puisqu’après avoir passé leur vie à bâtir le groupe Signé Toqué !, ni l’une ni l’autre ne veut partir dans un creux de vague.

« En créant notre petit groupe, quatre-cinq restaurants et une cuisine de production, ça aura une valeur, explique Normand Laprise. Après, on pourra le léguer à nos enfants, s’ils le veulent, ou aux employés… On revend tranquillement, ils font le rachat et on s’éclipse. Comme M. Bocuse l’a fait et plusieurs autres grands chefs. »

Un plan d’affaires

Pour cette raison, le Beau Mont change de vocation.

Le restaurant se trouve dans ce qui est maintenant un nouveau campus de l’Université de Montréal, près de la station de métro Acadie, où le concept brasserie pourrait être plus populaire. Le comptoir-épicerie demeure.

L’addition moyenne au Beau Mont tournait autour de 120 $, avec alcool, avant taxes et service. Celle de la brasserie est plutôt de 75 $ le soir et de 50 $ le midi, en moyenne.

Le changement va permettre une gestion plus efficace de l’approvisionnement, largement auprès de petits producteurs. Car, explique le chef Laprise, avec un petit fournisseur, de viande par exemple, il faut acheter l’animal au complet et maximiser toutes les parties – on pourrait notamment passer des épaules de cerf en hamburgers, pour le comptoir.

Ça sera plus facile avec la nouvelle structure – toute la mise en place des brasseries se fait dans la grande cuisine de ce qui était le Beau Mont.

Le plan commande une quatrième brasserie, plus tôt que tard. Idéalement avant la fin de cette année.

Les brasseries devraient aussi être ouvertes sept jours, les midis et les soirs.

Pénurie de la main-d’œuvre

Même dans un créneau comme celui du Toqué !, avec la réputation de la table, le recrutement est difficile. Alors que les postes étaient pourvus très facilement jusqu’à récemment, le groupe peine à trouver de la main-d’œuvre.

« On n’a pas beaucoup de CV », admet Christine Lamarche, qui précise que parmi ceux qu’elle reçoit, plusieurs n’ont carrément pas les qualifications ou ont des exigences peu compatibles avec les horaires d’un restaurant.

Surtout que la philosophie au Toqué ! est de former de nouveaux venus qui resteront longtemps dans le groupe, au même poste ou en évoluant dans les restaurants.

À la réouverture du Toqué ! après la fermeture pandémique, il y avait neuf nouveaux sur les 14 employés en cuisine, ce qui a imposé une ouverture en douceur pour maintenir les standards de la maison. De ces neuf nouveaux, un peu plus d’un an plus tard, il n’en reste aucun.

Cette difficulté de recruter des employés fait que la Brasserie T ! du DIX30 n’est ouverte que cinq jours par semaine, dont seulement quatre midis. Ce qui est dur sur le budget.

« Ça n’est pas parce que la clientèle n’est pas là », précise Normand Laprise, qui souhaite que l’arrivée du REM facilite l’embauche de personnel sur la Rive-Sud.

Et la retraite ?

« Quand on va être vieux ! », répond Christine Lamarche. Il reste donc quelques projets à réaliser…