Bombardier maintient le cap du côté des livraisons de jets privés malgré les perturbations parmi les fournisseurs dans l’industrie. Ce n’est pas le cas chez Gulfstream et Textron, deux de ses principaux rivaux. L’avionneur estime récolter les fruits de ses efforts déployés depuis le début de la pandémie.

« Nous avons probablement été les premiers à réagir il y a trois ans, a souligné le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel, au cours d’une conférence téléphonique, jeudi, pour commenter les résultats du premier trimestre. Je crois que nous récoltons les bénéfices. Nous sommes probablement aux prises avec le même type de défis qu’eux [nos concurrents]. »

Ce dernier s’est entretenu avec les médias avant la tenue de l’assemblée annuelle de l’entreprise, qui s’est terminée en fin de matinée, jeudi.

PHOTO ANDREJ IVANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

Le constructeur québécois de jets d’affaires a dépassé les attentes des analystes en renouant avec la rentabilité au premier trimestre ayant pris fin le 31 mars dernier. Bombardier a remis 22 appareils à des clients pendant les trois premiers mois de l’année, soit un de plus qu’il y a un an. L’entreprise a cependant livré davantage de Challenger et de Global – des appareils plus coûteux dont les marges sont plus élevées. Cela s’est reflété sur sa rentabilité.

Chez General Dynamics, propriétaire de Gulfstream, et Textron, constructeur des Cessna et Beechcraft, c’est le contraire qui s’est produit. Les livraisons se sont contractées de 16 % (4 unités), à 21 avions, chez General Dynamics. Du côté de Textron, qui dévoilait également ses résultats du premier trimestre jeudi, les livraisons se sont établies à 35 unités, en recul de 10 % (4 jets privés).

« C’est le premier trimestre au cours duquel nous avons raté la livraison d’un avion en raison de problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, a reconnu la cheffe de la direction de General Dynamics, Phebe Novakovic, mercredi, en conférence téléphonique avec les analystes financiers. Jusqu’à présent, nous avions été en mesure d’éviter les retards. »

Dès 2021, Bombardier avait notamment déployé de ses propres employés – spécialisés dans la logistique et les achats – chez certains fournisseurs de deuxième et troisième rangs afin de les accompagner. L’objectif est de rapidement être informé de pépins. La stratégie semble fonctionner.

L’avionneur québécois s’attend toujours à livrer au moins 138 jets privés cette année. En 2022, les livraisons s’étaient chiffrées à 123 avions.

« On a livré exactement le nombre d’avions que l’on prévoyait [au premier trimestre]. Notre plan tient compte des enjeux de la chaîne d’approvisionnement », a dit Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

Néanmoins, certains analystes s’attendaient à voir davantage d’appareils sortir des usines de la société. Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, tablait sur 24 livraisons, tandis que Cameron Doerksen, à la Financière Banque Nationale, en prévoyait 26.

De la stabilité

L’aviation d’affaires fracasse des records depuis le début de la crise sanitaire puisque les ultrariches et les nantis se sont tournés vers le transport privé pour se déplacer. Mais cela est en train de changer, prévient WingX. Dans un rapport publié jeudi, la firme observe que l’écart entre le niveau d’activité actuel par rapport à celui observé en 2019 – avant l’apparition de la COVID-19 – se rétrécit.

À cela s’ajoutent les craintes de récession et la récente crise bancaire survenue aux États-Unis provoquée par la faillite de la Silicon Valley Bank – une institution financière régionale. Cela a eu un impact sur les commandes.

« Nous avons senti de l’hésitation chez les clients pendant deux ou trois semaines à la mi-mars, a reconnu M. Martel. Depuis ce temps, l’activité est revenue à la normale. »

Au premier trimestre, le ratio de nouvelles commandes par rapport au nombre de livraisons s’est établi à 0,9. Cela signifie que Bombardier a décroché suffisamment de nouveaux contrats pour permettre à son carnet de commandes de demeurer stable. Sa valeur est estimée à 14,8 milliards US. Bombardier estime que cela représente environ deux années de travail.

« Nous sommes rassurés de voir que le carnet de commandes a été stable malgré la volatilité économique, affirme M. Doerksen, dans une note à ses clients. Il est aussi rassurant de constater que la direction de Bombardier entrevoit de nouvelles commandes au deuxième trimestre. »

Malgré la présentation de résultats supérieurs aux attentes des analystes au chapitre des revenus et du profit ajusté par action, les investisseurs ont réagi négativement, jeudi. À la Bourse de Toronto, l’action de Bombardier a abandonné 4,9 %, ou 3,16 $, pour se négocier à 61,38 $. En 2022, la société avait procédé à un regroupement d’actions au ratio de 25 pour 1.

Pas de détails sur les langues parlées

Contrairement à d’autres entreprises établies au Québec, Bombardier ne divulguera pas les langues parlées par les membres de son conseil d’administration. Suivant sa recommandation, les actionnaires ont rejeté la proposition du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC). Au moment d’écrire ces lignes, le résultat final du vote n’était pas encore connu. « Nous respectons les lois linguistiques partout, a souligné M. Martel, avant l’assemblée annuelle. Je pense que c’est par nos actions plutôt que par des gestes que je qualifierais de symboliques que l’on démontre l’importance qu’on accorde au français. » Le patron de l’entreprise a souligné que 6 des 13 administrateurs maîtrisent la langue de Molière. Le directeur du MEDAC, Willie Gagnon, s’est dit « amèrement déçu » de la réponse de Bombardier. « Il s’agit d’un geste simple qui ne coûte rien », a-t-il déploré.

En savoir plus
  • 5,6 milliards US
    Dette à long terme de Bombardier au 31 mars dernier. Elle a diminué d’environ 400 millions US depuis la fin de 2022.
    Source : bombardier
    10
    Nombre de centres de service pour jets privés exploités par Bombardier dans le monde
    Source : bombardier