Des commerçants se réjouissent de l'afflux de clientèle en semaine attribuable au télétravail

Entre deux réunions, certains travailleurs passent au gym s’entraîner. D’autres rédigent un rapport pendant qu’on leur fait une pédicure. La souplesse des horaires générés par le télétravail a engendré des périodes d’achalandage durant la semaine, au beau milieu de la journée, dans bon nombre de gyms et autres salons de beauté. Du jamais-vu avant la pandémie.

Et cette nouvelle réalité, qui permet d’équilibrer les heures de pointe, a un effet bénéfique sur le chiffre d’affaires, affirment des entrepreneurs interrogés par La Presse.

Consacrer du temps à son bien-être n’est de toute évidence plus une activité inscrite exclusivement à l’horaire de fin de journée ou à celle du week-end. Beaucoup de propriétaires de gyms peuvent en témoigner. « On est rendu une destination pour relaxer au milieu de la journée », affirme Gabriel Hardy, directeur général du Conseil canadien de l’industrie du conditionnement physique (CCICP).

Également propriétaire du gym Le Chalet à Québec, M. Hardy note que, sur semaine, ses cours en groupes de 10 h, 11 h et midi sont maintenant pleins. Alors que les salles situées au centre-ville accueillent beaucoup moins de clientèle d’affaires, celles des banlieues et des régions sont davantage fréquentées durant la journée qu’avant.

« Les gens vont aller s’entraîner au gym situé plus près de leur maison », observe également Karine Larose, directrice des communications et du marketing pour Nautilus Plus, qui compte une trentaine de succursales dans la grande région de Montréal, à Québec et à Gatineau. Résultat : les salles du centre-ville, comme le Nautilus Plus Montréal Trust, sont moins fréquentées qu’avant à l’heure du lunch, notamment. Et ce sont les étudiants qui ont remplacé bon nombre de travailleurs sur les vélos stationnaires.

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Les gens semblent prendre plus de temps qu’avant la pandémie pour courir sur le tapis roulant ou soulever des poids.

Par ailleurs, le matin, le midi et les fins de journée demeurent les principaux moments privilégiés par les adeptes de l’entraînement pour se rendre à la salle la plus près de chez eux. Or, les gens semblent prendre plus de temps qu’avant la pandémie pour courir sur le tapis roulant ou soulever des poids. « L’heure du lunch s’est beaucoup étirée, souligne Mme Larose. Et les travailleurs en fin de journée arrivent plus tôt, vers 15 h 30 au lieu de 17 h. »

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Le matin, le midi et les fins de journée demeurent les principaux moments privilégiés par les adeptes de l’entraînement pour se rendre à la salle la plus près de chez eux.

Les consultations virtuelles avec des entraîneurs et des nutritionnistes sont encore populaires, ce qui porte à croire que les gens à la maison sont plus à l’aise pour ce genre d’échange qu’ils ne le seraient s’ils étaient toujours au bureau, croit également Karine Larose.

Bon pour les affaires

Et cette flexibilité rime aussi avec rentabilité pour certains salons de beauté. « Avant, pendant la journée, jusqu’à 16 h, c’était tranquille », raconte Laura Valentina Caceres, copropriétaire de Primerose, qui se spécialise notamment dans les pédicures et les manucures.

Or, l’avènement du télétravail a mis fin à certaines « périodes mortes » pour cette entreprise située sur le Plateau Mont-Royal.

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Laura Valentina Caceres, copropriétaire du salon de beauté Primerose

Ç’a été bénéfique pour le salon. Les gens viennent pendant leur pause ou à l’heure du lunch. Ils apportent leur ordinateur.

Laura Valentina Caceres, copropriétaire du salon de beauté Primerose

Autre quartier. Même observation. Au centre-ville, Vincent Poirier, copropriétaire du salon de coiffure Suite 105 par Glam, reconnaît lui aussi que le télétravail a eu un impact positif sur son entreprise. « Ce que l’on remarque, c’est que l’achalandage est plus constant, plus régulier. Avant, on était plus occupés vers la fin de la semaine. Maintenant, on est plus occupés le mardi. Les gens nous le disent qu’ils viennent entre deux réunions. »

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« Permettre une flexibilité d’horaire à ses employés, ça crée une loyauté envers l’entreprise », explique Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Bien que le salon soit situé au centre-ville, M. Poirier attire toujours autant de clients. Il compte sur un noyau dur d’habitués qui sont prêts à parcourir de plus longues distances pour s’asseoir sur sa chaise. Et maintenant, raconte-t-il, les clients sont également plus flexibles pour les heures de rendez-vous et acceptent plus aisément de se pointer au salon à la dernière minute lorsqu’on les appelle pour leur offrir une place à la suite d’une annulation.

Plus de souplesse, plus d’efficacité

Si ces changements dans l’aménagement des horaires de travail sont positifs pour les entreprises qui font face à une meilleure répartition de la clientèle, la possibilité d’aller chez le coiffeur en début d’après-midi le mardi ou de suivre un cours de Zumba le jeudi à 10 h est également bénéfique pour les employeurs, soutient Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. « Permettre une flexibilité d’horaire à ses employés, ça crée une loyauté envers l’entreprise. »

Selon elle, il est faux de penser qu’un travailleur qui prend une heure pour aller se faire couper les cheveux en plein jour est moins efficace. « Il va faire tout ce qu’il a à faire et même plus. » Mme Poirier rappelle qu’en contexte de pénurie de main-d’œuvre, la flexibilité de l’horaire est synonyme d’attractivité.

La pénurie de main-d’œuvre est là pour rester. Il faut embrasser ce genre de pratique.

Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

« Et ce n’est pas un laisser-aller complet, insiste-t-elle. La plupart des organisations demandent aux gens d’être disponibles à certaines heures. À un moment donné, il faut aussi de la cohésion. »