Groupe Sélection et son président, Réal Bouclin, « n’ont pas les moyens de leurs ambitions » lorsqu’ils demandent plus de temps pour redresser l’entreprise insolvable, tranche la Cour supérieure du Québec. Les actifs de l’entreprise doivent rapidement être mis aux enchères afin d’« assurer » sa « survie », estime le tribunal.

Même si l’approche suggérée par l’homme d’affaires est logique, l’endettement du promoteur immobilier et gestionnaire de résidences pour aînés (RPA) est « excessif », voire « insoutenable », écrit le juge Michel Pinsonnault, dans sa décision rendue vendredi soir.

« Si M. Bouclin voulait plus de temps pour que [les enchères] se [déroulent] en plus de deux phases, il lui revenait la responsabilité de fournir au contrôleur les outils nécessaires lui permettant d’envisager un tel scénario considérant les contraintes financières majeures existantes », souligne le magistrat.

Or, le président de Sélection semble toujours au stade des pourparlers avec de potentiels bailleurs de fonds.

Sélection et ses banquiers s’entendent pour dire que des actifs doivent être mis aux enchères pour financer le redressement de l’entreprise qui s’est tournée vers la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) en novembre dernier. PwC, qui agit comme contrôleur, entend mettre l’ensemble des immeubles et terrains aux enchères dès la semaine prochaine et des transactions pourraient être bouclées dès le mois de juillet.

Le géant des RPA, qui allègue que les enchères ne sont qu’une liquidation déguisée, demandait que le processus s’échelonne jusqu’en février 2024. M. Bouclin s’est même présenté devant le juge Pinsonnault, mardi, pour plaider sa cause. C’était la première fois qu’il s’expliquait devant le magistrat depuis que son entreprise s’était placée à l’abri de ses créanciers.

« Un plan de relance peut difficilement être mis en œuvre avant que le redressement financier de l’entreprise ait été réalisé avec succès, surtout dans le cas qui nous occupe », estime le magistrat.

Dans le rouge

Malgré les efforts de réduction des dépenses déployées par Christian Bourque – le responsable de la restructuration –, la perte opérationnelle mensuelle de Sélection oscille entre 7 et 9 millions, rappelle la décision. Le déploiement du processus d’enchères était conditionnel à un financement supplémentaire de 20 millions des prêteurs de Sélection.

Le juge Pinsonnault lance par ailleurs un nouvel appel à la collaboration entre le contrôleur et Sélection. Un climat de méfiance s’est installé entre les deux parties, déplore-t-il.

Il semble exister dans l’esprit de M. Bouclin une mauvaise compréhension […] [du] rôle de contrôleur qui semble toujours être perçu comme l’homme de main [des prêteurs] à qui il répondrait avant tout.

Le juge Michel Pinsonnault, dans sa décision

Celui-ci exhorte les deux parties à mieux communiquer. Cela signifie également que l’homme d’affaires doit être davantage impliqué dans les négociations avec les différentes parties. M. Bouclin espère pouvoir trouver un nouveau partenaire financier pour conserver certains actifs – notamment sept terrains stratégiques pour des projets, dont celui de l’ancienne brasserie Molson, dans l’est du centre-ville de Montréal.

Par courriel, Sélection a dit « prendre acte » du jugement.

« Nous continuerons de travailler conjointement avec l’ensemble des parties impliquées et nous demeurons alignés sur notre objectif de s’allier de partenaires stratégiques qui vont nous permettre […] de réaliser notre relance. »

En marche

D’après l’échéancier qui figure dans la décision du juge Pinsonnault, le processus d’enchères devrait se mettre en branle à compter de mardi prochain.

Le tribunal accepte également la demande du contrôleur, qui souhaitait la suspension de clauses restrictives dans le cadre des enchères. Cela suscitait la grogne chez certains créanciers partenaires de Sélection, qui souhaitaient avoir leur mot à dire s’ils sont concernés par une transaction.

Selon PwC, cela aurait eu un « effet dévastateur » sur les enchères puisque des acquéreurs potentiels auraient pu rester sur les lignes de côté sans avoir de véritable « chance raisonnable » de soumettre une offre qui pourrait être retenue.

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  • 28 avril
    Date à laquelle la première phase des enchères prendra fin
    SOURCE : pricewaterhousecoopers