On ignore quoi, quand et comment, mais le gouvernement du Québec s’apprête à céder une partie du réseau de transport d’électricité à la communauté mohawk de Kahnawake, une décision qui constitue une première et qui est destinée à faciliter les exportations d’énergie vers New York.

La ligne de 58 kilomètres qui sera partiellement privatisée reliera le Québec à la frontière américaine et appartiendra à une nouvelle entreprise détenue par Hydro-Québec et le Conseil mohawk de Kahnawake selon un partage de propriété non précisé, mais dans lequel la société d’État sera majoritaire.

Le lien souterrain qui sera la propriété de cette nouvelle entreprise coûtera 1,14 milliard à construire, dont la moitié pour la ligne elle-même. Le partage des coûts d’investissement entre les deux partenaires de même que la distribution des éventuels revenus que la ligne de transport devrait générer sont des informations qui sont et resteront confidentielles.

C’est ce qu’a expliqué le ministre délégué à l’Économie, Christopher Skeete, lors de l’étude du projet de loi 13 visant à permettre à Hydro-Québec de céder une partie de son réseau de transport à un tiers.

Il s’agit d’informations stratégiques qui doivent rester confidentielles, a expliqué le ministre aux députés de l’opposition qui s’inquiétaient de ce qui pourrait être le début d’une privatisation des activités d’Hydro-Québec.

L’entente qui sera conclue entre Hydro-Québec et le Conseil mohawk est une première historique, a-t-il dit, qui servira de modèle parce qu’il y en aura d’autres, d’où la nécessité de ne pas donner plus d’information. « C’est une nouvelle façon de faire que nous avons l’intention de reproduire », a-t-il dit.

La nouvelle entreprise pourra être une société par actions, une société en commandite ou une société de personnes. Le projet de loi 13 laisse toutes ces possibilités ouvertes, parce qu’il n’y a pas encore d’entente.

Le gouvernement doit procéder rapidement pour permettre la création de la coentreprise parce que l’échéancier du contrat avec l’État de New York est très serré, selon le ministre.

« C’est toujours délicat de créer une loi en amont d’une entente, mais, encore une fois, on ne peut pas présumer de l’issue de cette rencontre-là, on ne peut pas présumer comment les avocats du Conseil mohawk vont [conseiller] leur client sur la forme que devrait prendre cette société-là future. Donc, on [exprime] notre intention clairement : on doit demeurer majoritaires, ça, ce n’est pas négociable, alors on vient l’enraciner dans un projet de loi. Par la suite, on se permet l’ouverture nécessaire pour satisfaire notre partenaire », a-t-il fait valoir en commission parlementaire.

La ligne ne passera pas sur le territoire de la réserve

L’étude du projet de loi 13 a été menée tambour battant et n’a pas rencontré beaucoup d’opposition sur son chemin. Étant donnée l’importance des enjeux, plus de transparence aurait été nécessaire, selon Jean-François Blain, analyste indépendant en énergie. « C’est un dossier qui porte à d’énormes conséquences et qui a été mis sciemment sous le radar par Hydro-Québec et par le gouvernement », dénonce-t-il.

Il y a beaucoup d’argent en jeu autour de cette entente. La construction de la ligne de transport estimée à 1,14 milliard est une condition nécessaire à la réalisation du contrat d’exportation de 10,4 térawattheures d’électricité à New York, le plus important de l’histoire d’Hydro-Québec, qui doit rapporter 30 milliards de dollars sur 25 ans.

SOURCE HYDRO-QUÉBEC/INFOGRAPHIE LA PRESSE

L’entente prévoit que la coentreprise formée du Conseil mohawk de Kahnawake et d’Hydro-Québec sera baptisée Horizon Kahnawake Hydro-Québec. Elle sera propriétaire de la ligne de 58 kilomètres et vendra sa capacité de transport à Hydro-Québec. Les revenus ainsi générés seront partagés selon la participation de chacun des deux partenaires.

Le Conseil mohawk s’attend à recevoir des revenus garantis pour une période d’« au moins 40 ans ».

« La période de 40 ans correspond à la durée d’amortissement moyenne estimative de la ligne », explique la porte-parole d’Hydro-Québec, Lynn St-Laurent.

Une fois que le contrat de 25 ans avec New York aura pris fin, il sera possible d’utiliser cette ligne pour exporter et importer de l’électricité à court terme ou pour un autre contrat d’exportation, a-t-elle précisé.

Lors de leur passage à l’Assemblée nationale pour appuyer le projet de loi 13, les représentants de la communauté autochtone ont fait valoir que le projet permet à la fois de fournir de l’énergie propre à la ville de New York et de créer une nouvelle source de revenus et des emplois pour les membres de leur communauté.

La ligne de transport entre le poste d’Hertel situé à La Prairie et la frontière américaine ne passera pas sur le territoire de la réserve de Kahnawake. Elle rejoindra au bout de 58 kilomètres la portion américaine de l’interconnexion à un point situé sous la rivière Richelieu et le lac Champlain. La mise en service est prévue en 2026.

La portion québécoise du projet d’interconnexion a été étudiée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, qui n’a pas relevé d’enjeux environnementaux majeurs, mais qui exprime des inquiétudes sur les besoins futurs du Québec en électricité.

« La commission d’enquête est d’avis que, face à l’urgence climatique et à l’imminence du besoin d’augmenter l’approvisionnement énergétique du Québec, la transition énergétique devrait être fondée sur une planification qui concilie ses besoins en approvisionnement et ses projets d’exportation d’électricité », conclut le rapport.

En savoir plus
  • 545 kilomètres
    Longueur de la portion américaine de la ligne de transport qui sera construite par le partenaire d’Hydro-Québec, Transmission Developpers, entre la frontière du Québec et la ville de New York
    Source : Hydro-Québec