(Toronto) Alors que les autorités réglementaires sont aux prises avec l’effondrement soudain de la Silicon Valley Bank, des analystes estiment que le risque de retombées pour le secteur financier canadien est limité.

« Non seulement la faillite de la [Silicon Valley Bank] ne devrait pas avoir d’importantes conséquences négatives pour nos banques, mais cette crise devrait en fait être considérée comme une justification supplémentaire du modèle bancaire canadien », a fait valoir lundi l’analyste Meny Grauman, de la Banque Scotia, dans une note à ses clients soulignant la stabilité des grandes banques diversifiées du Canada.

Les régulateurs américains ont fermé la banque californienne vendredi, après une panique bancaire qui a vu ses déposants, préoccupés par sa solvabilité, se ruer pour retirer leur argent en même temps. Au cours du week-end, les autorités américaines ont annoncé des mesures pour protéger le système financier, notamment en garantissant que tous les dépôts à la banque seraient honorés. Ils ont promis la même chose pour la Signature Bank, dont la fermeture a été forcée dimanche par les régulateurs.

Au Canada, le surintendant des institutions financières a annoncé dimanche soir avoir pris le contrôle des actifs de la succursale canadienne de la Silicon Valley Bank, tout en insistant sur la nature limitée de la crise et sur le fait que la banque ne détenait aucun dépôt commercial ou individuel au Canada.

« Cette situation est le résultat de circonstances qui sont uniques à la banque aux États-Unis », a affirmé le surintendant des institutions financières, Peter Routledge, dans un communiqué.

La Silicon Valley Bank se concentrait fortement sur les prêts aux entreprises technologiques et biotechnologiques émergentes, qui ont connu une croissance massive au cours des deux premières années de la pandémie avant que le secteur ne recule. Des dizaines de milliers de travailleurs de la technologie ont été mis à pied ces derniers mois, dans de grandes et petites entreprises, au milieu du ralentissement.

En outre, le portefeuille de placements de la banque dépendait trop des obligations à long terme à taux fixe, dont la valeur a chuté à mesure que les taux d’intérêt montaient. Ce scénario n’est pas vraiment une préoccupation pour les banques canadiennes, a souligné M. Grauman.

« La réalité est que les plus grandes banques américaines et les banques canadiennes et (latino-américaines) que nous couvrons ont des actifs en titres beaucoup moins importants sur une base relative. »

Plus de réglementation au Canada

Les banques canadiennes, ainsi que le secteur mondial, ont également dû faire face aux conséquences de la hausse des taux d’intérêt, mais la plupart l’ont mieux fait que la Silicon Valley Bank, a souligné Alfred Lehar, professeur agrégé de finance à l’École de gestion Haskayne de l’Université de Calgary.

« Les taux d’intérêt dans tous les pays ont augmenté, et je suppose que certaines banques gèrent mieux ce changement que d’autres, et la Silicon Valley Bank était évidemment une banque qui était très mauvaise pour gérer cette transition. »

Les banques canadiennes sont soumises à des simulations de crise au sujet des hausses des taux d’intérêt et, jusqu’à présent, elles ont bien performé, a noté M. Lehar.

« Les banques ont réussi ces tests de résistance, il y a donc de bonnes raisons de croire que les banques canadiennes gèrent assez bien cette transition vers un différent régime d’intérêt jusqu’à présent. »

Le Bureau du surintendant des institutions financières a renforcé les mesures de protection autour du système financier canadien, notamment en augmentant la réserve pour stabilité intérieure, une mesure entrée en vigueur en février, ainsi qu’en se donnant une plus grande latitude pour augmenter le montant que les banques doivent mettre de côté.

Cela fait partie d’un système de réglementation plus conservateur au Canada, qui a aidé le pays à traverser la crise financière mondiale et qui peut être présenté comme un modèle sur la façon de surveiller prudemment son système financier.

La Silicon Valley Bank, quant à elle, n’était pas soumise au niveau d’examen et aux tests de résistance auxquelles sont soumises les plus grandes banques américaines depuis que l’administration Trump a annulé, en 2018, la réglementation bancaire mise en place après la crise financière.

Les banques canadiennes sont également beaucoup moins exposées au secteur de la technologie, a expliqué l’analyste Gabriel Dechaine, de la Banque Nationale, soulignant que les divulgations financières des banques qui ventilent ce secteur dans leurs rapports ont une exposition de 1 % à 3 % dans leurs livres de prêts.

Plus grand impact pour les technos ?

C’est dans le secteur de la technologie que l’effet le plus important pourrait être ressenti au Canada, a estimé M. Lehar, qui a noté que même si la branche canadienne de Silicon Valley Branch était très petite, elle était très active dans le domaine des jeunes pousses.

« Maintenant que cette occasion est passée, il se pourrait qu’à l’avenir, il soit plus difficile pour les jeunes pousses canadiennes de mobiliser des fonds. »

L’effondrement de la Silicon Valley Bank, la plus grande faillite bancaire de l’histoire des États-Unis après celle de Washington Mutual en 2008, a également fait baisser les cours des actions de nombreuses autres institutions financières.

Celles-ci incluent The Charles Schwab Corporation, qui a perdu plus de 30 % depuis mercredi dernier, dans laquelle la Banque TD détient une participation de 12 %. M. Dechaine a noté que chaque baisse de 10 % du cours de l’action de Schwab se traduisait par une baisse de 1,8 milliard de la participation de la TD dans l’entreprise.

On ne sait pas comment la crise affectera l’acquisition imminente par le Groupe Banque TD de la banque américaine First Horizon, mais cela pourrait permettre à la TD de négocier de meilleures conditions, a estimé M. Dechaine.

Les actions des banques canadiennes ont également été touchées ces derniers jours, l’indice S&P/TSX des banques ayant chuté de plus de 6 % la semaine dernière.