Les hostilités reprennent entre Groupe Sélection et ses banquiers. Ces derniers sont accusés par l’entreprise d’éluder l’option de son redressement au profit de sa « liquidation pure et simple ». Le magistrat qui supervise cette restructuration judiciaire n’est pas resté indifférent après avoir entendu les doléances du géant déchu des résidences pour aînés (RPA).

« Vous n’avez pas prêché dans le désert, a convenu le juge Michel Pinsonneault, mardi, après avoir entendu Joseph Reynaud, l’avocat de Sélection. On entre dans le cinquième mois [du processus] et j’espère que d’ici la prochaine audience, on pourra me soumettre un indice […] quant au redressement de votre cliente. »

Ce qui devait être une audience pour avaliser une transaction – la vente d’une participation minoritaire (5 %) de Sélection dans 11 RPA détenues conjointement avec Blackstone – a pris une tournure inusitée lorsque MReynaud a vivement critiqué les façons de faire des créanciers de sa cliente. Celle-ci s’est placée à l’abri de ses créanciers en novembre dernier.

À son avis, les prêteurs de Sélection et leur contrôleur PwC ne respectent pas l’esprit de l’ordonnance initiale du juge Pinsonneault, qui prévoit qu’un « plan de redressement » doit être mis en place « avec l’équipe de direction » de l’entreprise fondée par Réal Bouclin. C’est tout le contraire qui est en train de se produire, a plaidé l’avocat.

Nous sommes en mars, il serait approprié de se poser la question : où est ce plan de redressement ? Quelles sont les [divisions] qui seront sauvegardées et celles qui seront liquidées ? Ça prend un plan d’ensemble et on ne le voit pas, ce plan, à l’heure actuelle.

Me Joseph Reynaud

Selon lui, le financement intérimaire de 20 millions – une somme appelée à être bonifiée plus tard ce mois-ci – est insuffisant pour assurer la poursuite de certaines activités de Sélection pendant que l’on peaufine une stratégie de relance. Par exemple, a souligné l’avocat, les activités ont cessé sur plusieurs chantiers de construction dans le but de réduire les dépenses. De la façon dont vont les choses, « d’ici juin 2023, il n’y en aura plus [de division de] construction chez Sélection », s’inquiète l’avocat.

Celui-ci allègue également que les dirigeants de Sélection ne sont pas toujours adéquatement consultés par PwC, ce qui constitue un « irritant majeur ». MReynaud a notamment avancé que des représentants du géant des RPA n’étaient pas toujours présents lors de « rencontres de négociations avec des tiers ». Dans ces circonstances, il est difficile de préparer une stratégie de relance, croit-il.

Désaccords attendus

Alors que le contrôleur prévoit mettre aux enchères les actifs de l’entreprise pour renflouer les coffres, le processus rencontre déjà de la résistance. MReynaud a prévenu que sa cliente risquait de « contester certaines ordonnances qui vont être recherchées par le contrôleur », sans offrir plus de détails.

« On ne veut pas se diriger droit vers la liquidation d’une entreprise qui était un fleuron québécois et qui semble être aujourd’hui dans un processus de démantèlement, a-t-il affirmé au magistrat. Sélection continue de croire qu’un redressement est possible et travaille avec ses conseillers financiers pour tenter de mettre en œuvre un plan de relance. Vous comprenez, Monsieur le Juge, que ce n’est pas évident quand on n’a pas le plein contrôle sur l’entreprise. »

Il faudra patienter avant d’obtenir la version des faits du contrôleur Christian Bourque. Celui-ci s’est adressé au juge Pinsonneault en affirmant qu’il « aurait beaucoup de choses à dire sur les propos » de l’avocat de Sélection avant d’ajouter que des éléments de réponse figureraient dans son prochain rapport qui sera soumis au tribunal.

« J’ai rencontré les conseillers financiers de la compagnie et j’ai passé plusieurs séances de travail avec eux, a-t-il affirmé. J’ai même offert mon groupe de modélisation. Il y a un bout qui appartient à la débitrice [Sélection] et il faut aussi que ce plan de redressement soit basé sur des hypothèses qui tiennent compte de la réalité. »

Groupe Sélection a par ailleurs obtenu un financement supplémentaire temporaire de 1,8 million afin d’être en mesure de « payer certaines dépenses courantes » dans les 25 RPA détenues en partenariat avec Revera. Certains complexes sont toujours déficitaires. Des appels de fonds sont encore nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des résidences.

En savoir plus
  • 8 millions
    Perte nette de Groupe Sélection pendant les six premiers mois de 2022
    source : pricewaterhousecoopeRS