Le rêve de voir un vaccin québécois contre la COVID-19 commercialisé s’est éteint jeudi soir lorsque la société mère de l’entreprise biopharmaceutique de Québec Medicago a annoncé qu’elle mettrait fin à toutes les activités de sa filiale.

Mitsubishi Chemical Group explique avoir pris cette décision « au vu des changements importants qui se sont produits sur la scène vaccinale contre la COVID-19 depuis l’autorisation du Covifenz [le vaccin contre la COVID-19 conçu par Medicago] ».

À la suite d’une analyse complète de la demande actuelle à l’échelle mondiale, du contexte économique en ce qui concerne les vaccins contre la COVID-19 et des défis auxquels Medicago est confrontée dans sa transition vers une production commerciale, le groupe a décidé de ne pas poursuivre la commercialisation du Covifenz.

Extrait du communiqué de Mitsubishi Chemical Group

En février dernier, Santé Canada avait approuvé le vaccin Covifenz, le premier au monde à être produit à partir de plantes. Un mois plus tard, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait toutefois rejeté le vaccin en raison des liens de Medicago avec l’industrie du tabac.

Le cigarettier Philip Morris, qui était un actionnaire minoritaire de Medicago avec une participation de 21 %, s’était par la suite départi de ses titres.

Or, le gouvernement fédéral avait signé un contrat pour acheter jusqu’à 76 millions de doses avec des projets de don de vaccins aux pays à faible revenu, mais ceux-ci n’étaient pas autorisés sans l’approbation de l’OMS.

Capacité nationale

Le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, se sont dits déçus de la décision de Mitsubishi Chemicals.

L’attachée de presse de M. Champagne, Laurie Bouchard, a souligné la contribution de Medicago dans le secteur des sciences de la vie grâce à son vaccin fabriqué à partir de plantes.

« Nous nous attendons à la collaboration de toutes les parties impliquées afin de veiller à ce que les intérêts canadiens soient protégés conformément aux obligations légales et contractuelles [de Medicago] envers le gouvernement du Canada », a-t-elle indiqué.

« Et nous continuerons de nous assurer que nous disposons d’une capacité nationale de production de vaccins suffisante pour nous protéger contre les menaces de maladies infectieuses et les pandémies futures. »

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Installations de Medicago sur l’avenue D’Estimauville. à Québec, en février 2022

Le ministre Jean-Yves Duclos, dont la circonscription est située à Québec, a déclaré qu’il allait « travailler avec le gouvernement du Québec et les leaders économiques de la région, en particulier ceux des sciences de la vie », pour également « protéger les travailleurs et identifier les options pour la suite ».

Le cabinet du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, Pierre Fitzgibbon, a indiqué pour sa part qu’il travaillerait de concert avec Ottawa et Mitsubishi Chemical Group afin de trouver un repreneur pour les installations de Medicago.

Le prêt de 74,5 millions accordé à l’entreprise en 2015 par Québec pour la construction d’un complexe de 245 millions sur l’avenue D’Estimauville, un projet annoncé en 2018 dont l’inauguration se faisait toujours attendre, sera remboursé, a précisé l’attaché de presse de M. Fitzgibbon, Mathieu St-Amand.

« La technologie développée par Medicago est importante pour le secteur des sciences de la vie et nous allons travailler avec nos partenaires pour garder l’expertise et les travailleurs au Québec », a-t-il ajouté.

Manquer le bateau

Au début du mois, une source au sein du cabinet du ministre de la Santé avait affirmé que Medicago avait manqué le bateau pour son vaccin contre la COVID-19 avec l’arrivée de nouveaux variants.

« La situation épidémiologique et la disponibilité de vaccins bivalents ont démontré la nécessité pour Medicago de revoir son plan initial ainsi que sa stratégie mondiale », avait d’ailleurs déclaré au quotidien Le Soleil le président et chef de la direction de Medicago, Toshifumi Tada, en novembre dernier.

L’entreprise avait alors indiqué à La Presse qu’elle travaillait sur une nouvelle stratégie et qu’elle évaluait toujours la pertinence d’envoyer une nouvelle demande d’homologation auprès de l’OMS.

Victime des retards

Ultimement, Medicago aura été victime des retards dans la livraison et la commercialisation de son vaccin alors que la plupart de ses activités étaient orientées en ce sens, estime le PDG de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, François Dauphin.

La prochaine étape pour l’entreprise de Québec consistera à vendre les actifs qui lui restent, y compris son usine de Québec, des installations qui pourraient intéresser certaines autres sociétés pharmaceutiques canadiennes, explique-t-il.

« Il y a quand même une petite tristesse rattachée à ça parce que ce n’était quand même pas une mauvaise chose que d’avoir une capacité [de production de vaccins] sur le sol canadien, surtout lorsqu’on a vu les difficultés au niveau de l’approvisionnement » durant la pandémie, souligne François Dauphin.

Fondée en 1999, Medicago employait plus de 600 personnes dans ses installations de Québec, Durham (en Caroline du Nord) et Toronto, pouvait-on lire sur son site internet jeudi soir.