(New York) Le gendarme américain de la concurrence (FTC) a porté plainte jeudi pour bloquer le rachat à 69 milliards de dollars américains d’Activision Blizzard, éditeur de jeux vidéo à succès comme Call of Duty, par Microsoft, engageant ainsi l’une de ses plus grandes batailles dans le secteur de la technologie.

Alors que l’opération est déjà dans le collimateur des autorités européennes et britanniques, cette action en justice représente un obstacle supplémentaire à la transaction annoncée en janvier.

Si l’opération allait à son terme, Microsoft, fabricant de la console Xbox, distributeur du service en ligne Xbox Game Pass et propriétaire de plusieurs studios de développement, « obtiendrait le contrôle sur des franchises de premier plan », explique l’agence dans un communiqué. Cela « nuirait à la concurrence » aussi bien du côté des consoles que des services d’abonnement aux jeux vidéo, affirme-t-elle.

La FTC en veut pour preuve le comportement de Microsoft après l’acquisition d’un éditeur plus petit, ZeniMax, la maison mère de Bethesda Softworks.  

Une fois l’opération finalisée, Microsoft s’est réservé l’exclusivité de jeux comme Starfield après avoir pourtant assuré aux autorités de la concurrence européennes que l’entreprise n’avait aucun intérêt à ne pas distribuer les jeux sur des consoles concurrentes, fait valoir l’agence.

Or Activision, qui produit certains des jeux vidéo les plus emblématiques comme World of Warcraft ou Candy Crush, « est l’un des rares développeurs de jeux vidéo au monde à créer et à publier des jeux vidéo de haute qualité pour de multiples appareils, notamment les consoles de jeux vidéo, les PC et les appareils mobiles », souligne la FTC.  

« Cela pourrait changer si l’accord de rachat est autorisé », affirme l’agence.  

Depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, en janvier 2021, son gouvernement a durci la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et s’est opposé à plusieurs rapprochements d’entreprises.

Son bilan est jusqu’à présent mitigé.  

Numéro trois du secteur

Il a notamment obtenu l’abandon des fusions entre les courtiers en assurance Aon et Willis ou entre les maisons d’édition Simon & Schuster et Penguin Random House.

Il a, en revanche, été débouté dans d’autres dossiers, notamment le rachat d’EverWatch Corp par Booz Allen Hamilton dans la défense et l’acquisition de Change Healthcare par UnitedHealth dans l’assurance-maladie.

La FTC est dirigée depuis juin 2021 par Lina Khan, réputée pour son hostilité aux monopoles des grandes plateformes technologiques. Sous sa houlette, l’agence a notamment redéposé une nouvelle plainte contre Facebook pour abus de position dominante sur le marché des réseaux sociaux.

« Nous continuons de croire que cet accord élargira la concurrence et créera davantage d’opportunités pour les joueurs et les développeurs de jeux », a réagi un porte-parole de Microsoft dans un message à l’AFP en soulignant que le groupe avait proposé des concessions à la FTC.

Le patron de la division jeux vidéo de Microsoft a notamment assuré mercredi que Call of Duty serait disponible sur les consoles de Nintendo pendant dix ans après la finalisation du rachat d’Activision.

« Nous avons une confiance totale dans notre dossier et nous nous réjouissons de la possibilité de présenter notre cas au tribunal, a indiqué le porte-parole.

Le patron d’Activision, Bobby Kotick, s’est aussi montré confiant, affirmant dans un message sur Twitter que les accusations des autorités de la concurrence « ne [correspondaient] pas à la réalité » .

L’opération doit propulser le géant américain de la technologie au troisième rang mondial de cette industrie en termes de chiffres d’affaires, derrière le chinois Tencent et le japonais Sony, fabricant de la PlayStation.

Pour Dan Ives, du cabinet Wedbush, Microsoft va très probablement » se battre « pour mener à bien cette opération, » qui reste très importante « dans sa stratégie.

Microsoft doit aussi faire face aux réticences outre-Atlantique, la Commission européenne et le gendarme de la concurrence du Royaume-Uni ayant ouvert des enquêtes approfondies sur les effets de l’opération, respectivement en novembre et septembre.  

La Commission européenne avait notamment expliqué craindre que l’opération puisse entraîner » une hausse des prix, une baisse de la qualité et une réduction de l’innovation « ainsi qu’une réduction de la concurrence sur le marché des systèmes d’exploitation pour PC.

Meta, aussi dans le viseur de la FTC

La Federal Trade Commission (FTC) a entamé jeudi des démarches pour bloquer l’acquisition par Meta, la société mère de Facebook, d’une société de réalité virtuelle (RV). Dans sa contestation juridique, la FTC veut empêcher l’acquisition par Meta de Within Unlimited et de son application de mise en forme Supernatural, affirmant qu’elle nuirait à la concurrence et violerait les lois antitrust. La FTC fait valoir que sans l’acquisition de Within, Meta aurait développé sa propre application, arrivant sur ce marché naissant avec son propre produit en tant que nouveau concurrent — et Within serait resté un acteur indépendant. Les autorités citent un courriel de 2015 envoyé par le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, indiquant qu’un élément clé de la stratégie de l’entreprise est qu’elle soit « omniprésente dans les killer apps », c’est-à-dire les applications qui prouvent la valeur de la technologie RV. Meta conteste l’affirmation de la FTC selon laquelle la société allait créer sa propre application.

Associated Press