L’étonnante poussée boursière de Marché Goodfood s’est poursuivie lundi pour la troisième séance consécutive à la Bourse de Toronto.

L’action du fournisseur montréalais de repas prêts à cuisiner a gagné 27 % au cours de la première séance de la semaine. Le titre avait monté de 39 % vendredi alors qu’il avait déjà gagné 13 % jeudi avant la présentation de la performance de fin d’exercice.

Les investisseurs ayant acheté l’action à son creux de 26 cents le mois dernier se retrouvent aujourd’hui devant un gain ultra rapide très intéressant. Le titre a monté jusqu’à 70 cents durant la séance de lundi avant de clôturer à 63 cents à Toronto.

Cette rapide ascension appuyée par un fort volume de transactions est difficile à expliquer. Les experts admettent que la valeur de Goodfood est complexe à calculer étant donné la situation dans laquelle se trouve l’entreprise.

Appelé à se prononcer, l’analyste Martin Landry paraissait hésitant. « Ça semble être du short covering », répond-il, laissant entendre que des investisseurs ont pu être appelés à couvrir des positions à découvert.

La vente à découvert est une manœuvre par laquelle un investisseur emprunte une action en espérant que sa valeur recule dans l’espoir de la racheter plus tard à un prix moins élevé. Si, au contraire, la valeur augmente, l’investisseur est appelé à racheter le titre pour couvrir sa position et limiter sa perte.

Le négociateur Mickael Dufresne, président de la firme de trading indépendante Hessen, dit avoir observé des transactions réalisées par plusieurs gros acheteurs, principalement par l’entremise de la BMO, de la Banque Nationale et la TD.

« Je ne crois pas que les résultats trimestriels étaient si bons que ça, dit-il. Le titre nous a fait le coup à quelques reprises au cours de la dernière année. On a vu une hausse spectaculaire, un peu comme un regain de vie, et chaque fois ça finit par se calmer et redescendre vers de nouveaux planchers. Je ne sais pas si ça sera la même chose cette fois-ci, mais sans bonnes nouvelles, je crois que ça risque d’arriver à nouveau. Peut-être que c’est une belle occasion de sortir de sa position pour ceux qui n’y croient plus. »

Inquiétudes

Les résultats financiers publiés vendredi par Goodfood étaient dans l’ensemble relativement conformes aux attentes, mais le bilan a de quoi soulever des inquiétudes.

Pour réduire le risque de voir l’entreprise manquer de liquidités, les dirigeants tentent de maximiser les gains d’efficience avec des initiatives de réorganisation, travaillent avec des prêteurs pour mettre en place une facilité de crédit révisée, et considèrent d’autres options de financement.

La direction prévient elle-même qu’il existe toujours une incertitude significative à l’égard de la capacité de l’entreprise à poursuivre son exploitation.

Dans ce contexte, il est peu surprenant de constater qu’aucun analyste ne suggère d’acheter le titre.

La direction dit avoir pour objectif de dégager un bénéfice d’exploitation ajusté d’ici la fin de février et pense même pouvoir générer des flux de trésorerie positifs à cette date.

Même si ça se produit, l’analyste Michael Glen, de la firme Raymond James, s’attend à ce qu’une perte d’exploitation soit de nouveau générée en deuxième portion de l’exercice financier en raison du caractère saisonnier des activités.

Durant l’été et la période des Fêtes, Goodfood s’attend généralement à une baisse de ses ventes étant donné qu’une plus grande proportion des clients choisit de suspendre la livraison de son panier. Le nombre de clients actifs est donc généralement plus modeste au cours de ces périodes.

Michael Glen continue de croire que l’entreprise aura besoin d’argent et devra trouver 20 millions de dollars, possiblement avant de traverser l’été. « Ça pourrait représenter un défi, compte tenu des conditions actuelles dans les marchés des capitaux et de la feuille de route de l’entreprise », dit-il en faisant notamment référence au changement de stratégie ayant mené à l’abandon du service de livraison d’épicerie sur demande.

« L’action de Goddfood est extrêmement risquée », souligne-t-il dans un commentaire envoyé à ses clients.

Sur une note plus positive, l’analyste Luke Hannan, chez Canaccord, se montre encouragé par l’expansion des marges bénéficiaires par suite de l’abandon du service de livraison d’épicerie sur demande.

Il se dit cependant curieux de voir quelle croissance pourra maintenant être générée en misant sur les revenus provenant des clients les plus fidèles.

Cette observation est particulièrement intéressante dans un contexte inflationniste où les consommateurs surveillent davantage leurs dépenses, ce qui peut affecter les revenus de Goodfood.

D’ailleurs, Martin Landry ne s’attend pas à observer une croissance des revenus chez Goodfood avant l’exercice financier 2024. C’est pourquoi le potentiel haussier de l’action est, selon lui, limité au cours de la prochaine année.