Le grand patron de la Banque Nationale estime qu’une récession est évitable, bien qu’il croie possible de voir l’économie canadienne enregistrer plus d’un trimestre de croissance « légèrement négative ».

« Le risque est là », dit Laurent Ferreira en entrevue. « La Banque du Canada est très consciente que les hausses de taux cette année constituent un choc. Il faudra cependant qu’elle change sa stratégie rapidement lorsqu’elle sentira que l’inflation aura atteint le niveau souhaité », ajoute-t-il.

« Les efforts pour réaliser un atterrissage en douceur au Canada se poursuivent », souligne celui qui vient de terminer sa première année à la tête de l’institution financière montréalaise.

« Les indicateurs économiques bougent dans la bonne direction, ce qui pourrait permettre à la Banque du Canada de ralentir le rythme des hausses de taux pour que le taux directeur atteigne un pic au cours des prochains trimestres », dit le PDG de la plus grande banque québécoise.

Le marché de l’emploi montre des signes de modération et les pressions inflationnistes sont moins fortes que plus tôt cette année. À ce stade-ci, il est attendu que la croissance de l’économie canadienne continuera de s’estomper en 2023.

Laurent Ferreira, PDG de la Banque Nationale

Laurent Ferreira anticipe que la Banque du Canada augmentera de nouveau les taux en décembre et en début d’année. « On surveille de près l’impact sur le consommateur et le renouvellement d’hypothèques, mais également sur nos clients entreprises. Les hausses de taux affectent leur confiance et leurs décisions d’affaires. On surveille aussi l’impact sur le marché du travail. »

Il ajoute que le resserrement des politiques monétaires a des effets encore insoupçonnés.

« La décision des banques centrales de ne plus acheter d’actifs (obligations, prêts, etc.) est un élément très important affectant l’appétit pour le risque partout sur la planète. Ça affecte la liquidité des produits et ça va continuer d’apporter de la volatilité sur les marchés. Je crois qu’on n’a pas encore bien compris l’impact à plus long terme des politiques monétaires des banques centrales sur les liquidités et la psychologie des investisseurs », indique-t-il.

PHOTO FOURNIE PAR LA BANQUE NATIONALE

Laurent Ferreira, PDG de la Banque Nationale

« Il y a encore beaucoup d’incertitude et c’est pourquoi on a adopté une posture de prudence à la Banque. On fait attention à nos réserves. On reste près de nos clients pour tenter de comprendre leurs comportements et leurs préoccupations. »

Résultats inférieurs aux attentes

La Banque Nationale a dévoilé mercredi une performance de fin d’exercice inférieure aux attentes et l’action de l’institution financière a passé la journée sous pression avant de clôturer en baisse de 2,5 %.

Les profits de la plus grande banque québécoise ont atteint 738 millions pour les mois d’août, septembre et octobre, l’équivalent d’une diminution de 4 % sur un an.

Le bénéfice par action dilué s’est élevé à 2,08 $ pour le trimestre, alors que le consensus des analystes s’articulait autour de 2,24 $ par action.

La direction soutient que sa performance a été contrebalancée par l’augmentation des dotations aux pertes de crédit en raison d’une détérioration des perspectives macroéconomiques alors que des renversements de provisions pour pertes de crédit avaient été enregistrés à la même période l’an passé dans un contexte macroéconomique plus favorable.

« À première vue, ce fut dans l’ensemble un trimestre difficile pour la Banque Nationale », indique l’analyste Mike Rizvanovic, de la firme Keefe, Bruyette & Woods.

Une faiblesse a été observée dans les résultats du secteur des marchés financiers alors que ce segment des activités avait mieux fait que celui des autres banques au cours des derniers trimestres.

Le secteur des marchés financiers a généré un résultat net de 205 millions au quatrième trimestre, en baisse de 27 % par rapport au trimestre précédent et de 14 % sur un an.

L’analyste Darko Miheli, de RBC, s’attendait à ce que ce secteur rapporte 268 millions durant le trimestre.

Les activités de négociation de la Banque ont notamment généré des pertes significatives au cours d’une journée en particulier durant le trimestre.

Ces pertes sont principalement liées à des positions dans la livre sterling.

Le premier vice-président à la direction et cochef des marchés financiers, Denis Girouard, explique que les mesures fiscales présentées dans le budget britannique à la fin septembre au Royaume-Uni ont pris la communauté financière par surprise.

Une période de forte volatilité sur les marchés obligataires et de devise s’en est suivie. Durant cette période, certaines positions de la banque qui avaient pour but de couvrir les besoins de clients ont subi une perte.

« La dislocation du marché nous a affectés à ce moment-là. Il y a eu beaucoup d’action », a dit Denis Girouard pendant la conférence téléphonique organisée avec les analystes.

Le dividende trimestriel de la Banque est par ailleurs bonifié de 5 %, soit 5 cents, pour ainsi augmenter à 97 cents par action.

Pour l’ensemble de l’exercice 2022, les profits de la Banque ont augmenté de 8 %, à 3,38 milliards.