Ciblé à son tour mardi par un vendeur à découvert ayant précédemment publié des rapports négatifs sur plusieurs autres entreprises du Québec, le transformateur laitier montréalais Saputo a encaissé le coup et perdu 850 millions en valeur boursière durant la journée.

L’action de Saputo a terminé la séance de mardi en recul de 6 %, à 32,26 $, à la Bourse de Toronto.

L’investisseur américain Ben Axler, de Spruce Point Capital, soutient dans son rapport de 147 pages que Saputo est maintenant dans une phase de déclin et de restructuration de sa croissance.

Plusieurs éléments jouent contre Saputo, selon Spruce Point Capital, dont la baisse de la consommation des produits laitiers, les coûts liés la conformité environnementale, les salaires élevés, etc.

Ben Axler affirme que la structure de coûts chez Saputo est à ce point élevée qu’elle est insoutenable dans un secteur sans croissance et où les marges sont minces. Il affirme que les salaires chez Saputo sont parmi les plus élevés de l’industrie.

« Saputo a signalé des problèmes importants dans ses activités aux États-Unis et admis le besoin de réduire la complexité de sa chaîne d’approvisionnement, et de ses opérations commerciales et manufacturières. »

Difficultés américaines

La direction a aussi parlé des surplus de mozzarella sur le marché américain, dit l’investisseur dans son rapport en affirmant avoir appris que le volume d’affaires de l’entreprise avait diminué de façon significative avec Little Caesars, qui serait le plus gros acheteur de fromage Saputo.

« Les opportunités de croissance de Saputo dans la mozzarella sont limitées parce que d’autres grandes chaînes de pizzérias comme Domino’s et Pizza Hut ont besoin d’un fromage particulier qui peut être congelé et que Saputo n’offre pas présentement. »

Spruce Point se montre aussi inquiet des dépenses grandissantes en conformité environnementale qui témoigneraient d’installations manufacturières vieillissantes et de défis à relever pour se conformer aux lois.

Ben Axler souligne à cet effet les ennuis chez Dairy Crest, une entreprise anglaise achetée il y a trois ans.

Si sept des neuf analystes qui suivent officiellement Saputo recommandent l’achat de l’action, Spruce Point estime que les cibles de ces analystes sont « follement optimistes ». Ces experts estiment que le plan stratégique de Saputo parviendra à améliorer les choses, mais Ben Axler n’est pas du même avis. Il pense que l’action de Saputo est positionnée pour un repli pouvant atteindre 60 % et juge que le titre mérite un escompte.

Son scepticisme est notamment alimenté, soutient-il, par la nature des produits (une commodité) et une stratégie de croissance par acquisitions qui doit être revue.

Ben Axler ajoute que 40 % des actions de Saputo sont détenues par de petits investisseurs de détail et que l’élément le plus important pour eux devrait être la pérennité du dividende. Il croit que le dividende est menacé entre autres parce que les dépenses sont appelées à augmenter au cours des prochains trimestres pour répondre aux exigences du plan stratégique.

« Sans fondement »

Appelée à réagir, la direction de Saputo indique simplement que le rapport est « sans fondement », et qu’il contient des interprétations « erronées » et des informations « incorrectes », qui sont trompeuses et uniquement destinées à bénéficier à leur auteur.

« Saputo demeure concentrée sur les initiatives de son plan stratégique mondial et la réalisation d’une croissance rentable et durable pour l’ensemble de ses parties prenantes », est-il précisé dans une communication électronique.

Après avoir touché un plancher de 24 $ au printemps, le titre de Saputo avait atteint ce mois-ci son plus haut niveau des 52 dernières semaines en Bourse en dépassant le cap des 36 $.

Saputo n’est que la plus récente cible de ce vendeur à découvert. Plusieurs autres entreprises québécoises ont été dans sa ligne de mire depuis cinq ans. En décembre dernier, Spruce Point avait publié un rapport négatif à l’endroit du fournisseur montréalais de solutions de paiement électronique Nuvei. Trois mois plus tôt, un virulent rapport avait été rédigé sur le spécialiste montréalais du commerce infonuagique Lightspeed. Le détaillant montréalais Dollarama avait aussi été ciblé en 2018.

Cet investisseur militant s’en prend aussi à de grandes entreprises nord-américaines. Il a notamment publié cette année un rapport négatif sur Stryker, un géant américain des technologies médicales, et sur le détaillant Canadian Tire, en 2019.

La vente à découvert est une manœuvre par laquelle un investisseur emprunte une action en espérant que sa valeur reculera dans l’espoir de la racheter plus tard à un prix moins élevé. En vendant le titre de Saputo à découvert, Spruce Point Capital est positionné pour réaliser des profits avec une chute de l’action.