Sans surprise, c’est la Banque Royale qui est parvenue à une entente pour acquérir la filiale canadienne de la Banque HSBC. À 13,5 milliards de dollars, le prix de la transaction est probablement ce qui éblouit davantage à ce stade-ci.

L’annonce de l’opération mardi n’avait rien de très étonnant, car la direction du Groupe HSBC avait indiqué cet automne qu’elle étudiait la possibilité de se départir de ses activités canadiennes.

Plus grande banque au pays, la Royale était perçue sur Bay Street comme un des principaux candidats en lice.

Pour donner une idée des moyens financiers de la Banque Royale, ses dirigeants ont précisé mardi que l’acquisition se fera en payant les 13,5 milliards de dollars entièrement au comptant.

« C’est un prix élevé », indique l’analyste Mike Rizvanovic, de la firme Keefe, Bruyette & Woods. La somme payée sera cependant compensée par les synergies que compte dégager la Banque Royale, ajoute-t-il.

« Le prix est le reflet d’un processus de vente hautement concurrentiel », soutient pour sa part son collègue Mario Mendonca, de la TD.

Compte tenu du fait que la croissance des profits est de plus en plus difficile à générer, ce type de transaction est perçu favorablement.

Mario Mendonca, de la TD

La Royale estime que le prix d’achat représente un multiple de 9,4 fois le bénéfice ajusté estimé pour 2024, qui s’élève à 1,4 milliard dans l’hypothèse de synergies de coûts entièrement réalisées.

L’acquisition devrait ainsi entraîner une augmentation d’environ 6 % du bénéfice par action estimé de la Royale pour l’exercice financier 2024.

Les 130 succursales de HSBC Canada porteront à plus de 1400 le nombre de succursales à la Royale. Mario Mendonca calcule que l’acquisition fera aussi en sorte que la Royale sera derrière 75 % de tous les prêts en Ontario et en Colombie-Britannique. Au total, c’est 134 milliards en actifs qui passent dans le giron de la plus grande banque canadienne, l’équivalent d’une hausse de 7 % des actifs chez RBC.

Selon nos informations, la Banque Nationale a participé au processus de vente, mais n’était plus dans la course depuis quelques semaines déjà. Réaliser une telle transaction aurait été un coup d’éclat pour la Banque Nationale et son PDG Laurent Ferreira.

La transaction doit cependant obtenir l’approbation des autorités, ce qui laisse entrevoir que la partie n’est peut-être pas encore terminée pour ceux qui auraient souhaité mettre la main sur HSBC Canada, ou du moins sur certains morceaux.

Mario Mendonca croit par contre qu’ultimement, la Royale recevra le feu vert pour conclure la transaction.

« La Royale est le bon acquéreur d’un point de vue stratégique et financier », croit Mario Mendonca.

Obstacles réglementaires en vue

Plusieurs obstacles réglementaires s’érigeront « sur le chemin de cet achat », croit de son côté Jean-Pierre Gueyie, professeur titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

« Le marché bancaire canadien est un des marchés les plus concentrés au monde. Les six premières banques contrôlent environ 80 % du total des actifs du secteur bancaire », dit-il.

L’achat de HSBC Canada par le premier groupe bancaire du pays ne fera, selon lui, que renforcer cette concentration, et accroître le risque systémique de la Banque Royale. « Le Too Big To Fail tel que le désigne le terme anglais se trouvera renforcé. »

Il va de soi, croit-il, que le gouvernement fédéral, le Bureau de la concurrence et toute instance antitrust au Canada ne laisseront pas passer cette transaction comme une lettre à la poste.

Jean-Pierre Gueyie ajoute que l’opération ferait face à moins de barrières réglementaires si elle était réalisée par la Banque Nationale, par exemple, qui occupe une position moins dominante dans le secteur.

Pour le PDG de la Royale, Dave McKay, HSBC Canada permet de positionner l’organisation qu’il dirige comme « banque de choix » des clients commerciaux ayant des besoins internationaux, des nouveaux arrivants au Canada et des clients aisés qui ont besoin de capacités bancaires et de gestion de patrimoine à l’échelle mondiale.

« [La transaction permet d’ajouter une] clientèle et des activités complémentaires sur le marché que nous connaissons le mieux et où nous pouvons offrir des rendements élevés et apporter de la valeur à nos clients. »

Dave McKay estime que HSBC Canada permettra à la Royale de mieux répondre aux besoins des clients de partout dans le monde qui souhaitent investir et croître au Canada.

L’annonce de cet accord entre la Royale et HSBC survient alors que les six grandes banques canadiennes publient cette semaine leur performance de fin d’exercice.

HSBC Canada compte 4200 employés équivalent temps plein, dont 450 au Québec, et se présente comme la septième banque en importance au pays et a généré des profits de plus de 200 millions durant les mois de juillet, août et septembre.

En Bourse, les investisseurs ont réagi avec un haussement d’épaules. L’action de la Royale est demeurée stable à 133,77 $ à Toronto.