Confrontée à un certain scepticisme, Lightspeed Commerce tente de convaincre les investisseurs que le spécialiste du commerce infonuagique va mieux que le prix de son action ne le laisse croire.

Le titre de la société montréalaise est retombé au seuil où il se situait lors de son entrée en Bourse, en 2019. Lightspeed est pourtant loin d’être retournée à la case départ, défend son chef de la direction, Jean Paul Chauvet, qui a rencontré séparément les investisseurs et les journalistes, plus tôt cette semaine, afin de présenter les grands pans de sa stratégie.

Lightspeed n’est pas la seule à avoir subi des revers boursiers, souligne M. Chauvet. L’ensemble des titres de croissance du secteur technologique ont chuté dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. « Je vois les investisseurs comme des marées : ils partent et ils viennent », illustre le dirigeant assis dans son bureau, situé au nouveau siège social de l’entreprise à Montréal.

La société montréalaise a changé depuis son introduction en Bourse, avance M. Chauvet. L’entreprise, dont la Caisse de dépôt et placement est le principal actionnaire, a réalisé neuf acquisitions en quatre ans. Leur intégration à l’offre de service de Lightspeed permet à sa plateforme d’exercer des fonctions plus complexes, explique-t-il.

L’entreprise veut maintenant profiter de son offre renouvelée pour regrouper ses services sous une seule marque, augmenter la part de ses clients qui utilisent son système de paiement et concentrer les efforts de son équipe de vente vers les clients de plus grande taille. Elle estime que cette stratégie lui permettrait d’afficher un bénéfice ajusté avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) en territoire positif l’an prochain.

L’analyste Kevin Krishnaratn, de Banque Scotia, juge que la stratégie est crédible, à un moment où l’action de Lightspeed, qui a perdu 85 % de sa valeur depuis août 2021, serait une aubaine, selon lui. « L’évaluation actuelle est une occasion unique pour acheter une entreprise avec une croissance anticipée supérieure à 30 % à moyen terme, compte tenu des multiples catalyseurs et d’un chemin clair vers la rentabilité. »

Miser sur les clients plus rentables

Au cours de sa présentation, M. Chauvet a insisté sur l’attention qu’accorde l’entreprise à attirer les clients les plus rentables. Bien qu’ils représentent seulement 54 % de leur clientèle, les points de vente générant plus de 500 00 $ en valeur de transaction brute (VTB) génèrent 94 % des revenus tirés de cette source.

C’est auprès de cette cohorte de clients que l’entreprise veut concentrer les efforts de son équipe de vente. M. Chauvet juge que les clients de plus grande taille engrangent plus de revenus et sont plus résilients en période de ralentissement économique, comme celle qui pointe à l’horizon.

Pour mieux évaluer la performance de Lightspeed, le dirigeant suggère aux investisseurs de ne plus se concentrer sur la croissance du nombre de clients, mais plutôt sur le nombre de clients de grande taille.

« Si on regarde tous les clients, c’est sûr que la croissance est de 1000 (points de vente dans les plus récents résultats trimestriels publiés en novembre) et que les gens sont déçus, mais on s’en fout. Ceux qui sont le plus gros frein à notre croissance (les clients affichant une VTB de moins de 200 000 $) ne représentent que 5 % des VTB. Ils ne sont pas importants pour Lightspeed. »

Dans ses plus récents résultats trimestriels, le nombre de clients enregistrant une VTB supérieure à 500 000 $ a augmenté de 25 %, comparativement à un déclin de 3 % pour les clients avec une VTB de moins de 200 000 $.

Un ralentissement

L’horizon économique s’assombrit toutefois pour le commerce de détail au moment où les consommateurs réduisent leurs dépenses non essentielles en période de forte inflation.

M. Chauvet reconnaît que le contexte est difficile. L’entreprise a d’ailleurs révisé légèrement à la baisse ses prévisions à l’approche de la période cruciale des Fêtes.

Durant un contexte économique difficile, les solutions technologiques de Lightspeed, qui comprennent les systèmes de paiement et la gestion des stocks, facilitent la vie des commerçants, croit le dirigeant.

« Les habitudes d’achat des consommateurs qui magasinent sur place et en ligne, ce qui crée plus de complexité pour les détaillants, les coûts liés à l’inflation, la difficulté à trouver la main-d’œuvre nécessaire, ces facteurs plaident en faveur de Lightspeed. »

Pour les deux prochaines années, Todd Coupland, de CIBC Marchés des capitaux, croit toutefois que le ralentissement économique aura un impact sur Lightspeed. Même s’il juge que l’entreprise a la bonne stratégie et que l’action est abordable par rapport à celle de ses pairs, l’analyste émet des prévisions de croissance des revenus inférieures à celles de l’entreprise. « En raison d’un ralentissement des tendances macro-économiques, nous pensons que l’augmentation de la VTB et le recrutement de nouveaux clients seront plus modérés. »

Dans cette période économique incertaine, M. Chauvet assure que la quête de la rentabilité ne passera pas par des abolitions de postes comme celles annoncées par plusieurs sociétés technologiques cette année, notamment Shopify, Meta et Amazon.

« On a 351 postes ouverts et si on pouvait les (combler) aujourd’hui, on le ferait. On dépense une fortune en embauche, en recruteurs. Il faut qu’on amène ces personnes le plus rapidement possible parce qu’il y a une demande. »