La pharmaceutique Endoceutics, de Québec, fabricant du médicament Intrarosa, le « Viagra féminin », s’est déclarée insolvable, s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers et pourrait être vendue.

Un contrôleur externe, de la firme Enrst & Young, a été nommé et autorisé par la cour à solliciter des acheteurs ou des investisseurs.

Dans une déclaration faite en cour supérieure à Québec, Endoceutics note qu’attirer de nouveaux investisseurs et partenaires financiers pour se recapitaliser sans restructuration est laborieux, vu sa dette et les modalités de remboursement contraignantes prévues à un contrat d’emprunt.

La compagnie demeure viable, estime toutefois la direction, qui va proposer un plan de restructuration.

« Nous allons discuter avec nos créanciers. Le but de cette démarche est d’émerger de la situation actuelle et d’assurer la continuité de l’entreprise », a dit à La Presse le PDG d’Endoceutics, Dennis Turpin. « Nos activités continuent », a-t-il ajouté.

La compagnie a vendu en 2020 son usine du Mont-Saint-Hilaire, qui emploie 79 personnes, afin d’assumer ses paiements à son créancier américain, CRG Capital, qui a aujourd’hui une créance garantie de 61,7 millions de dollars américains. La compagnie y poursuit ses activités de fabrication, puisque la transaction comprend une reprise en location.

Endoceutics a aussi vendu un bâtiment en banlieue de Québec et un terrain vacant au Mont-Saint-Hilaire. L’essentiel du produit de ces ventes est allé au remboursement de son emprunt à CRG.

Les autres principaux créanciers externes sont Investissement-Québec, qui a une débenture non garantie de 5 millions de dollars canadiens ; l’Université Laval et CHU de Québec, qui ont une créance de 11 millions ; la pharmaceutique Bayer a une créance « d’environ 2 millions d’euros ».

Le médicament phare d’Endoceutics, l’Intrarosa, approuvé en 2016 aux États-Unis, en Europe en 2018 et au Canada en 2019, est un traitement de la dyspareunie, un symptôme majeur de l’atrophie vaginale reliée à la ménopause.

Le décès du fondateur, le Dr Fernand Labrie, en janvier 2019, a aussi contribué aux difficultés d’Endoceutics, explique la requête déposée en cour.

Endoceutics s’attendait à ce que les ventes de son médicament Intrarosa atteignent éventuellement « des centaines de millions de dollars » annuellement et a contracté un emprunt de 55 millions de dollars américains en 2016-2017, avec un calendrier de remboursement « agressif », peut-on lire dans la requête déposée en cour et signée par le PDG de la compagnie, Dennis Turpin.

Mais la pandémie de COVID-19 a restreint partout au monde l’accès aux médecins par les représentants pharmaceutiques et par leurs patientes, empêchant le marketing du produit et sa prescription. Son acceptation par les médecins est lente – le marché étant « peu innovant » – et ralentie par les politiques de remboursement des assureurs, qui privilégient des produits génériques moins chers.

Endoceutics s’attendait à ce que les ventes annuelles atteignent assez rapidement de 100 millions à 200 millions de dollars par année, a dit M. Turpin à La Presse.

Les ventes d’Intrarosa ont atteint seulement 25 millions durant les 12 derniers mois.

C’est moins qu’espéré, « mais ces ventes, réalisées dans un contexte très difficile où les représentants pharmaceutiques n’avaient pas accès aux médecins à cause du confinement, ça n’est pas rien, note M. Turpin. Ça montre que c’est un bon médicament et que cette entreprise a un grand potentiel de croissance. Le lancement a été difficile, mais ces conditions ne dureront pas toujours : nous préparons des stratégies de marketing pour nous ajuster et nous avons des distributeurs sur les grands marchés. »

La compagnie a inscrit des pertes d’exploitation de 19 millions en date du 31 décembre 2021 et de 16,9 millions en date du 31 août 2022.

Le principal problème de la compagnie est son niveau d’endettement, « non viable », dans sa structure actuelle, peut-on lire dans la requête déposée en cour. Avant la pandémie et à l’époque où elle était dirigée par son fondateur, le Dr Labrie, Endoceutics avait bon espoir de pouvoir rembourser rapidement son emprunt grâce à ses ventes. L’emprunt totalisant 55 millions US au taux annuel de 13,5 % (augmenté à 17,5 % durant six mois en 2020) avait un calendrier de remboursements très à pic.

Tant et si bien qu’après avoir versé 44,8 millions en capital, intérêts et frais à CRG (sur un emprunt total de 55 milllions), Endoceutics doit encore 61,7 millions US.

Une situation que l’entreprise tentera d’améliorer en proposant des arrangements à ses créanciers.

Rectificatif
Une version antérieure de cet article indiquait que l’usine d’Endoceutics de Mont-Saint-Hilaire avait été vendue à un sous-traitant de fabrication. Elle a en fait été vendue à la société de placement immobilier française Corum XL, dans une transaction de vente et de reprise en location. Nos excuses.