Maintenant que WSP se fait couper l’herbe sous le pied par une offre d’achat d’environ 10 % supérieure à la sienne pour l’entreprise britannique RPS, le cabinet d’ingénierie montréalais a une décision à prendre : abandonner ou surenchérir.

« C’est l’ultime test de discipline », évoque l’analyste Maxim Sytchev, de la Financière Banque Nationale.

WSP avait annoncé le mois dernier une entente avec la direction de RPS, une transaction frôlant le milliard de dollars.

Cet imposant projet d’acquisition est aujourd’hui compromis avec l’acceptation par le conseil d’administration de RPS d’une offre concurrente venant de Tetra Tech, une entreprise de la Californie dont les actions sont inscrites au NASDAQ.

L’accord bouclé entre WSP et RPS ne prévoyait pas d’indemnité de rupture advenant une résiliation de l’entente.

WSP avait révélé le mois dernier que l’acquisition de RPS devait lui permettre d’augmenter ses profits par action de 15 à 20 % en raison notamment des synergies anticipées.

Changements climatiques

Aux yeux de l’analyste Frédéric Bastien, de la firme Raymond James, l’intérêt généré par RPS témoigne de l’importance que l’activité entourant les changements climatiques et la transition énergétique revêt pour les cabinets de consultation.

La direction de WSP a fait savoir lundi qu’elle examinait ses options. « Une nouvelle annonce sera faite en temps utile », a simplement indiqué la direction.

Abandonner n’est jamais une décision facile à prendre, mais c’est probablement la bonne chose à faire ici.

Maxim Sytchev

L’action de RPS à la Bourse de Londres s’est négociée lundi à un prix supérieur à celui offert par Tetra Tech, laissant croire que des investisseurs s’attendent à une surenchère.

« Je peux voir le mérite d’un scénario par lequel WSP soumet une offre bonifiée », affirme Michael Tupholme, de la TD.

Pour damer le pion à Tetra Tech et acquérir RPS, WSP devra toutefois, selon lui, présenter une offre d’au moins 10 % supérieure à celle de Tetra Tech.

Réactions

Selon les analystes, WSP a les moyens de bonifier son offre. Benoit Poirier, chez Valeurs mobilières Desjardins, calcule qu’une prime de 10 % par rapport à la proposition de Tetra Tech se traduirait « seulement » par une somme approximative additionnelle de 123 millions canadiens à débourser compte tenu de la récente faiblesse de la livre sterling sur le marché des devises.

L’analyste Chris Murray, de la firme ATB Capital Markets, accueille de son côté avec stupéfaction le revirement de situation.

Il souligne que par le passé, les dirigeants de WSP ont su éviter de se placer en situation de surenchère. « WSP a un long historique de clôture de transactions en attente que j’attribue largement à l’attention portée par la direction aux valeurs partagées avec celles des gestionnaires de ses cibles d’acquisition. »

Chris Murray qualifie la situation de « modeste revers » pour WSP. « RPS devait renforcer les activités de l’entreprise liées aux services environnementaux. Bien que la transaction représentait un pas important vers l’atteinte des cibles financières de WSP pour 2024, les modalités de l’entente étaient supérieures aux niveaux historiques et devaient affecter les marges. »

WSP avait annoncé en mars qu’elle avait pour but de générer des revenus nets de 10 milliards d’ici 2024. Ils ont atteint 7,9 milliards pour l’exercice 2021.

Les patrons de WSP sont constamment en discussions avec les dirigeants de multiples cibles potentielles, souligne l’analyste Maxim Sytchev. « Il ne fait aucun doute dans mon esprit que WSP sera en mesure d’atteindre ses objectifs de croissance sans RPS. »

L’action de WSP a terminé la journée de lundi en baisse de 2 %, à 149,25 $, à la Bourse de Toronto.

Maxim Sytchev n’attend pas de savoir si WSP jettera ou non l’éponge et ajuste ses hypothèses pour ne plus tenir compte de RPS. Il abaisse sa cible à 181 $ pour le titre d’ici 12 mois. Elle était à 188 $ avant l’entrée en scène de Tetra Tech.

Le PDG de WSP, Alexandre L’Heureux, avait précisé à La Presse le mois dernier qu’il y avait quatre ans qu’il discutait avec RPS et que les étoiles « s’étaient finalement alignées ».

RPS compte sur un effectif d’environ 5000 employés. Cette entreprise de consultation génère l’essentiel de son chiffre d’affaires de 875 millions au Royaume-Uni et en Australie, mais est aussi présente de manière substantielle en Amérique. Approximativement les deux tiers de ses revenus proviennent de services environnementaux ou liés au traitement des eaux usées.

WSP avait précisé le mois dernier que le projet d’acquisition de RPS allait notamment être financé avec l’aide de ses deux plus importants actionnaires, c’est-à-dire la Caisse de dépôt et placement du Québec et l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada.