Une jeune entreprise montréalaise de logiciels ayant obtenu une valorisation dépassant le milliard après seulement six ans d’existence poursuit son impressionnante croissance et songe à faire le saut en Bourse dès l’an prochain.

Valsoft est une entreprise fondée par Sam Youssef et Stéphane Manos, deux anciens étudiants en génie informatique de l’Université Concordia ayant précédemment tissé un lien d’amitié au cégep Vanier.

L’entreprise dont les bureaux sont installés en bordure de l’autoroute métropolitaine dans l’arrondissement de Saint-Laurent a réalisé sa première acquisition en 2016. Les transactions se succèdent depuis, au point que Sam Youssef souligne que Valsoft a aujourd’hui environ 2500 employés « un peu partout dans le monde ».

Il soutient que Valsoft pourrait terminer l’année avec 25 entreprises achetées en 2022, ce qui porterait à 55 le nombre de transactions d’achat depuis le début des activités de l’entreprise il y a six ans. « On est rendu à une quinzaine d’acquisitions jusqu’ici cette année et on devrait avoir un chiffre d’affaires de près de 300 millions à la fin de l’année. »

L’entrepreneur de 40 ans explique avoir réalisé le potentiel de consolidation de l’industrie du logiciel après avoir d’abord investi dans des actions d’entreprises inscrites en Bourse comme Constellation Software ou Salesforce, entre autres.

Inspirée par CGI et Couche-Tard

« L’intérêt envers les entreprises de logiciels a aussitôt grandi », souligne le Montréalais d’origine libanaise.

« C’est un secteur en forte croissance. Les entreprises spécialisées dans des créneaux spécifiques peuvent contrôler les prix dans leur marché et beaucoup génèrent d’importants revenus récurrents. »

En analysant l’opportunité, dit-il, « on a aussi étudié Warren Buffett et les entrepreneurs québécois ayant eu du succès en réalisant des acquisitions, par exemple Alain Bouchard, de Couche-Tard, et Serge Godin, de CGI ».

« Au Québec, la structure du marché et les règles fiscales sont très favorables aux entreprises pour réaliser des acquisitions à l’étranger et on a vu un potentiel de consolidation dans le secteur du logiciel. »

Sam Youssef estime à 30 000 le nombre d’entreprises dans le monde qui conçoivent des logiciels pour des marchés nichés (hôtels-boutiques, entreprises forestières, etc.).

« On regarde tous les petits marchés verticaux où il est possible d’avoir un pricing power. »

Les résultats semblent lui donner raison. « Six ans plus tard, on vaut plus d’un milliard depuis l’investissement de Viking », dit-il.

Les yeux sur la Bourse

En début d’année, l’entreprise montréalaise a annoncé que le fonds d’investissement américain Viking injectait 100 millions dans Valsoft à une valorisation de plus d’un milliard.

Valsoft est encore peu connue au Québec, dit Sam Youssef, « mais elle est connue dans les cercles d’investisseurs privés aux États-Unis et ailleurs dans le monde ».

Il affirme avoir reçu de l’intérêt de plusieurs firmes. « Mais les gens de Viking nous ont expliqué comment ils pouvaient nous aider à développer notre potentiel et nous ont parlé d’une façon qui nous a convaincus. Jusque-là, on travaillait essentiellement avec l’argent de nos partenaires originaux et celui généré par les entreprises acquises. »

Contactée par La Presse, la direction de Viking a poliment décliné notre demande d’entrevue, mais a néanmoins affirmé qu’elle allait lire notre reportage « avec intérêt ».

Sam Youssef précise que l’investissement de Viking aide Valsoft à grossir plus rapidement. Si bien que Valsoft songe à franchir une autre étape.

« On pense à réaliser un premier appel public à l’épargne vers la fin de 2023 ou au début de 2024 », dit-il.

Si les deux fondateurs demeurent les principaux actionnaires de Valsoft, il y a environ 25 autres investisseurs privés au capital, principalement des employés de l’entreprise, dit Sam Youssef.

« On a plus d’opportunités qu’on a d’argent aujourd’hui. Faire le saut en Bourse apporterait des capitaux, ce qui nous aiderait à croître plus vite. De plus, plusieurs de nos investisseurs-employés aimeraient avoir cette option de liquidité qu’offre la Bourse. »

La pornographie comme tremplin

À la fin de leurs années d’université, au début des années 2000, les deux fondateurs de Valsoft se sont lancés dans le marketing d’affiliation et la gestion de sites web, dont certains pour adultes et notamment un nom bien connu aujourd’hui, mais duquel ils ont souhaité se dissocier en 2010 : Pornhub.

Sam Youssef et Stéphane Manos avaient regroupé leurs activités dans une entreprise baptisée Mansef (combinaison des noms des deux entrepreneurs).

« Les produits pour adultes généraient plus d’argent que le reste. Mais cinq ans plus tard, c’était devenu une grosse partie de la compagnie et nous n’étions plus à l’aise avec l’industrie, alors nous avons vendu », raconte Sam Youssef.

« Nous voulions faire autre chose de notre vie », ajoute-t-il sans vouloir révéler le prix de vente par respect pour ses partenaires de l’époque.

Conscient de la délicatesse du sujet, Sam Youssef préfère aussi ne pas se prononcer sur ce que Pornhub est devenu et les allégations d’exploitation sexuelle qui y sont associées.

« C’est une compagnie complètement différente aujourd’hui. Ça n’a rien à voir avec celle qu’on a créée. En vendant en 2010, on a tourné la page », dit-il.

Dès l’année suivant la transaction de vente, en 2011, Sam Youssef a pivoté vers la Bourse avec des partenaires pour investir et identifier des opportunités qui ont conduit à la création de Valsoft.