De la farine au yogourt, en passant par le café et les pains à hamburgers, les produits de marques privées sont présents dans toutes les sections des supermarchés. Et les détaillants multiplient plus que jamais les efforts pour élargir leur gamme, en faire la promotion et la rendre plus attrayante, contribuant du coup à changer peu à peu la perception des consommateurs qui accolaient à ces articles l’étiquette de « produits de bas de gamme ».

« Avant, les marques maison étaient dans le bas des tablettes. Là, on les a remontées », illustre Caroline Cadorette. Cette « couponneuse professionnelle », fondatrice du groupe Facebook Couponomiser à l’année, a fait ce constat au fil des tournées d’épiceries qu’elle effectue chaque semaine.

Mario Bélanger, consultant dans le domaine du commerce de détail et de la distribution, épluche sur une base hebdomadaire les circulaires des différentes enseignes. Celui qui occupait jusqu’à tout récemment le poste de président-directeur général de Mayrand assure qu’il n’a jamais vu autant de produits Compliments, Irrésistibles ou encore Sans nom mis en évidence dans les promotions. Il a fait la même observation que Mme Cadorette récemment au supermarché : le jus d’orange de marque privée prenait autant d’espace, sinon plus, que celui de la marque nationale. « Les détaillants donnent plus de visibilité à leurs marques maison. Elles sont rendues très connues », note-t-il. Et les enseignes — tant chez IGA que chez Metro et Loblaw (Maxi et Provigo) — ont toutes confirmé à La Presse qu’elles consacraient de plus en plus d’énergie à leurs marques et qu’elles avaient l’intention d’ajouter de nouveaux produits.

En ces temps inflationnistes, si les consommateurs qui cherchent des moyens d’économiser sont davantage portés à adopter ces marques vendues à un prix inférieur, leur perception par rapport à elles tend également à changer, selon Jordan LeBel, professeur titulaire de marketing alimentaire à l’Université Concordia.

« Le consommateur est prêt maintenant à donner une seconde chance aux marques maison. Il y a une dizaine d’années, les marques privées étaient positionnées comme de l’entrée de gamme pour les gens qui voulaient étirer leur dollar alimentaire le plus possible parce que souvent, ils venaient de milieux socioéconomiques défavorisés, explique-t-il. Aujourd’hui, les marques privées se positionnent vraiment comme une alternative viable aux marques nationales pour tout le monde. »

D’ailleurs, à l’automne, Loblaw marquera le coût avec une campagne publicitaire où elle mettra l’accent sur ses deux marques : Le Choix du président et Sans nom. Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives et communications, chez Loblaw n’a toutefois pas voulu donner plus de détails. Pour le temps des Fêtes, une centaine de nouveaux articles emballés sous le nom Le Choix du président feront leur arrivée sur les tablettes. Actuellement, la marque compte 4000 produits alors qu’il y en a 1000 que le consommateur retrouve dans l’emballage jaune de Sans nom.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Loblaw lancera à l’automne une campagne publicitaire où elle mettra l’accent sur ses deux marques : Le Choix du président et Sans nom.

Chez IGA, au cours des deux dernières années, des efforts ont été mis sur la présentation des produits. « On a changé tout l’emballage de la marque Compliments et on a introduit la marque Panache en remplacement de Sensations, explique la porte-parole, Anne-Hélène Lavoie. Le but, c’est de développer encore plus la marque. Ça fait partie des plans d’avoir plus de produits de marques privées. » Présentement, l’enseigne en compte « plusieurs milliers ».

Même son de cloche chez Metro, qui a une liste de 4800 produits maison. « [Dans le segment des collations], on est en train de développer une gamme pour répondre à ces nouveaux besoins », explique Marie-France Gibson, vice-présidente, marques privées, de Metro.

Un « copier-coller » de la marque nationale ?

Par ailleurs, les détaillants, qui font faire leurs produits par des fabricants externes — souvent des entreprises qui se spécialisent dans la préparation de produits pour les marques privées —, affirment que leur recette de ketchup, par exemple, n’est pas un « copier-coller » du populaire Heinz.

« Il faut faire mieux avec le produit, insiste Mme Gibson. Il doit être goûteux, performant, attrayant, et il faut être capable de compétitionner avec les grands qui ont beaucoup de budget. C’est un effort constant. »

« L’idée, ce n’est pas d’être une pâle copie de… c’est vraiment d’avoir le meilleur produit possible », ajoute Johanne Héroux.

« Lorsqu’ils ont sorti leur biscuit Le Décadent pour compétitionner la marque nationale, les dirigeants de Loblaw ont promis aux consommateurs qu’il serait composé à 50 % de pépites de chocolat », se rappelle Jordan LeBel. « Ils ne voulaient pas une version cheap du leader national, ajoute-t-il sans détour. Ils voulaient quelque chose qui allait vraiment être capable de lui damer le pion. »

« On a fait une promesse ambitieuse aux consommateurs. Je pense que les marques privées doivent revenir à ça pour que les gens se disent que ça vaut la peine de changer de supermarché pour cette marque-là. »

Marques privées

IGA : Compliments, Panache

Nombre de produits : plusieurs milliers

Metro : Mieux-Être, Sélection, Irrésistibles, Sélection éco

Nombre de produits : 4800

Loblaw : Le Choix du président, Sans nom

Nombre de produits : 5000

D’autres marques privées : Notre Excellence (Walmart), Great Value (Walmart), Kirkland (Costco)