(Toronto) Visée par plusieurs actions collectives alléguant que son application mobile a violé la vie privée de ses utilisateurs, Tim Hortons dit avoir conclu un projet de règlement qui verrait la chaîne offrir un café et un beigne gratuits aux personnes concernées.

La société a précisé que le règlement, négocié avec les équipes juridiques impliquées dans les poursuites, nécessitait toujours l’approbation du tribunal.

La chaîne de cafés a souligné que l’accord permettrait aux utilisateurs admissibles de recevoir une boisson chaude et un produit de boulangerie gratuits.

Dans des documents judiciaires, Tim Hortons a indiqué qu’elle supprimerait également de manière permanente toutes les informations de géolocalisation qu’elle aurait pu recueillir entre le 1er avril 2019 et le 30 septembre 2020, et qu’elle demanderait aux fournisseurs de services tiers de faire de même.

« Nous pensons que c’est un règlement favorable parce qu’il offre une compensation qui a une vraie valeur », a expliqué Joey Zukran, un avocat du cabinet d’avocats montréalais LPC Avocat, qui a déposé l’action collective au Québec.

« Les cas qui touchent à la vie privée au Canada ne sont jamais des victoires garanties, a-t-il fait valoir. Dans ce cas, nous avons une forme de garantie, une forme de récupération […], par opposition à une incertitude qui pourrait durer. »

On ne sait pas combien de clients ont utilisé l’application au cours de la période de 18 mois se terminant le 30 septembre 2020 et qui seraient admissibles à recevoir une boisson chaude et une pâtisserie gratuites.

Restaurant Brands International, la société mère de Tim Hortons, a affirmé en mai, lors d’une présentation aux investisseurs, que l’application comptait quatre millions d’utilisateurs actifs au cours du trimestre clos le 31 mars 2022.

« Je pense que les gens qui reçoivent cela vont penser que c’est dérisoire, mais les règlements d’actions collectives sont souvent dérisoires pour le consommateur », a observé David Fraser, avocat spécialisé dans la protection de la vie privée chez McInnes Cooper, à Halifax.

Bien que la compensation individuelle puisse sembler peu élevée, il a noté que, compte tenu du nombre de personnes potentiellement impliquées, « cela peut être raisonnable dans l’ensemble ».

Pourtant, d’autres peuvent penser que ce n’est pas assez élevé pour « dissuader de faire d’autres méfaits », a-t-il ajouté.

« Chaque fois que vous vous entendez (sur un règlement), il y a un compromis », a-t-il rappelé, ajoutant que l’affaire « reflète à quel point les atteintes à la vie privée peuvent être bizarres ».

« Si vous avez utilisé cette application et que Tim Hortons a recueilli vos informations de localisation sans votre consentement éclairé et adéquat, mais que rien ne s’est passé avec ces informations, vous n’avez pas subi, en fait, ce qui serait considéré comme un préjudice tangible », a expliqué M. Fraser.

« Vous essayez de compenser le sentiment d’écœurement, la chair de poule que quelqu’un pourrait ressentir en sachant que ses informations ont été recueillies à son insu ou sans son consentement. »

Une enquête de 23 mois

Le règlement proposé intervient après que le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et ses collègues provinciaux de la Colombie-Britannique, du Québec et de l’Alberta ont déterminé le mois dernier, dans un rapport, que les personnes qui avaient téléchargé l’application de Tim Hortons « [avaient] vu leurs déplacements suivis et enregistrés à quelques minutes d’intervalle chaque jour, même lorsque leur application n’était pas ouverte, ce qui contrevient aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels ».

L’enquête d’une durée de 23 mois a été menée après que le journaliste du National Post James McLeod a obtenu des données montrant que l’application Tim Hortons sur son téléphone cellulaire avait suivi sa localisation plus de 2700 fois en moins de cinq mois, « et pas seulement » lorsqu’il utilisait l’application.

Dans une déclaration, Tim Hortons s’est dite heureuse d’avoir conclu un projet de règlement dans les quatre actions collectives présentées au Québec, en Colombie-Britannique et en Ontario.

« Toutes les parties conviennent qu’il s’agit d’un règlement équitable et nous attendons avec impatience la décision de la Cour supérieure du Québec sur la proposition », a indiqué la société.

« Nous sommes convaincus qu’en attendant l’approbation du règlement par le tribunal du Québec, les tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario reconnaîtront le règlement. »

La société a précisé que les allégations soulevées dans les actions collectives n’avaient pas été prouvées devant les tribunaux et que le règlement n’était pas un aveu d’acte répréhensible.

Tim Hortons a ajouté qu’elle enverrait un courriel à ses clients vendredi pour les informer du projet de règlement.

Selon les documents judiciaires, Tim Hortons calcule que la valeur au détail d’une boisson chaude gratuite est de 6,19 $, tandis que la valeur d’un produit de boulangerie est de 2,39 $, taxes en sus.

Les clients recevraient un crédit pour les articles par l’entremise d’un coupon ou sur l’application Tim Hortons, selon les documents.

Une audience devant un tribunal du Québec a été fixée au 6 septembre pour examiner le projet de règlement.

La société a ajouté que des détails sur la distribution de la boisson chaude et des produits de boulangerie gratuits seraient fournis si le tribunal approuvait le règlement.