Le président de Shopify affirme que l’entreprise se trouve dans une position « enviable », même si elle continue d’exprimer ses regrets d’avoir mal évalué la croissance du marché du commerce électronique – une décision qui l’a forcée à annoncer un nombre important de mises à pied, mardi.

Harley Finkelstein a détaillé mercredi comment la société de logiciels d’Ottawa avait dû rendre des comptes après avoir prévu que le nombre d’achats que les gens effectuent en ligne, plutôt que dans des magasins physiques, ferait un bond permanent de cinq ou dix ans par rapport à avant la pandémie – et après avoir embauché pour répondre à ces attentes.

« Nous ne pouvions pas le savoir avec certitude à l’époque, mais nous savions que si cette prédiction s’avérait, nous devrions rapidement faire évoluer l’entreprise pour répondre à cet avenir », a-t-il expliqué lors d’une conférence téléphonique avec des analystes.

« Et puis, voilà où nous en sommes, alors que les choses se sont passées différemment. »

Shopify a constaté que le taux de dépenses que ses marchands voient en ligne est plus élevé qu’en 2018, soit avant que la COVID-19 ne frappe le monde, mais qu’il est inférieur à ce que l’entreprise avait prévu, ce qui a notamment entraîné une perte de 1,2 milliard US au cours de son dernier trimestre complété.

« En bref, nous sommes allés trop loin avec nos prévisions », a admis M. Finkelstein.

« En recalibrant nos investissements et nos dépenses, nous nous assurons de ne pas sacrifier les composants que nous estimons essentiels pour Shopify. »

Ses remarques interviennent un jour après que Shopify a annoncé la mise à pied de 10 % de son personnel – soit environ 1000 employés en considérant que l’effectif de l’entreprise comptait 10 000 employés en 2021.

Les mises à pied, dont le chef de la direction et fondateur Tobi Lütke a assumé la responsabilité, a été imputé à l’erreur de calcul de Shopify et a fortement pesé sur le cours de son action, déjà déprimé. Celui-ci a chuté de 14 % au cours de la séance de mardi.

Dans un contexte où le secteur technologique des marchés boursiers est en proie depuis plusieurs mois à un large désinvestissement, le cours des actions de Shopify a chuté de plus de 78 % depuis l’atteinte d’un sommet de 222,87 $, à la fin 2021.

Le titre a clôturé mercredi à 45,17 $, en hausse de 4,48 $, soit 11 %, à la Bourse de Toronto.

Mais Shopify est convaincu qu’elle peut renverser la vapeur, même si sa directrice financière a rappelé, lors de la conférence téléphonique sur les résultats, que l’inflation était à son plus haut niveau depuis près de 40 ans et que les habitudes d’achat changeaient.

Les consommateurs privilégient désormais les détaillants à escompte et réduisent leurs dépenses dans de nombreuses catégories, une tendance qui devrait persister tout au long de 2022, a estimé Amy Shapero.

« Nos équipes sont conscientes de l’environnement macroéconomique et ont rigoureusement évalué et ajusté leurs priorités de dépenses », a-t-elle poursuivi.

La taille naturelle de l’effectif

Ce processus a commencé par un examen des effectifs, qui a ralenti l’embauche entre le premier et le deuxième trimestre de Shopify, tout en identifiant les domaines dans lesquels Shopify pourrait « améliorer [ses] activités et [son] équipe » et ainsi procéder à des mises à pied.

L’entreprise continuera de ralentir les embauches en 2022 et terminera l’année avec un effectif « modeste », a expliqué Mme Shapero.

Il est difficile de dire quelle devrait être la taille naturelle de la main-d’œuvre de l’entreprise, mais Shopify n’est pas intéressé par une croissance linéaire des effectifs, a ajouté M. Lütke.

Il a admis que les mises à pied lui avaient appris pourquoi de nombreux chefs d’entreprise se montraient prudents lorsqu’ils font de gros paris comme celui sur lequel Shopify s’est appuyé pour orienter ses activités.

Shopify a révélé avoir perdu 1,2 milliard US, soit 95 cents US par action, pour son plus récent trimestre, comparativement à un profit de 879,1 millions US, ou 69 cents US par action, lors de la même période l’an dernier.

La perte du plus récent trimestre comprenait une perte non réalisée de 1 milliard US sur ses fonds propres et d’autres investissements, tandis que le résultat du deuxième trimestre de 2021 incluait un gain d’environ 800 millions US non réalisé sur ses fonds propres et d’autres investissements.

En excluant les éléments non récurrents, la perte de Shopify s’est chiffrée à 38,5 millions US, ou 3 cents US par action, lors du plus récent trimestre, ce qui se comparait à un bénéfice de 284,6 millions US ou 22 cents US par action, un an plus tôt.

Les revenus pour la période de trois mois close le 30 juin ont augmenté de 16 % à 1,3 milliard US, par rapport à ceux de 1,12 milliard US du deuxième trimestre de l’an dernier.

La société a prédit que sa perte d’exploitation ajustée du troisième trimestre, en excluant les indemnités de départ, augmenterait probablement par rapport au deuxième trimestre et que Shopify subirait une perte au quatrième trimestre.

« Shopify était trop dynamique dans sa hausse des dépenses d’exploitation à la sortie de la COVID-19, et s’adapter aux réalités d’un environnement de commerce électronique post COVID-19 se révèle être tumultueux et perturbateur », a souligné l’analyste Martin Toner, d’ATB Capital Markets, dans une note aux investisseurs.