Britishvolt rêve toujours d’un complexe à Bécancour pour alimenter des véhicules électriques, mais après un an et demi de démarchage, elle n’a pas encore convaincu Québec de monter à bord du projet. On ferait une « erreur » en écartant l’entreprise britannique de la filière batterie, affirme son fondateur et chef de la direction, Orral Nadjari.

Les promesses de l’entreprise peuvent paraître ambitieuses, mais celle-ci a prouvé qu’elle tient promesse, affirme M. Nadjari, en entrevue avec La Presse, en marge de son passage à la Conférence de Montréal.

« Nous sommes ici depuis 18 mois », lance-t-il, aux côtés de l’ex-premier ministre libéral Philippe Couillard, à la tête de l’antenne canadienne de Britishvolt. « Qui d’autre a fait cela ? Nous avons été présents ici et bâti des relations. »

Fondée en 2019, Britishvolt n’est déjà plus une entreprise en démarrage, affirme son dirigeant. En février dernier, elle a bouclé un financement de 2,6 milliards CAD, dont environ 155 millions du gouvernement britannique, pour démarrer une usine de cellules lithium-ion au Royaume-Uni. Elle compte actuellement 300 employés.

La fabrication de cellules constitue la dernière étape avant l’assemblage de la batterie. M. Nadjari espère être celui qui comblera cette étape de la chaîne.

Celui-ci s’est cependant montré avare de détails sur les progrès réalisés dans les derniers mois. Britishvolt a ciblé le terrain où elle aimerait s’établir dans le parc industriel de Bécancour, l’endroit privilégié pour développer la filière batterie, mais il ne lui appartient pas encore.

M. Nadjari n’a pas non plus précisé ses demandes financières formulées à Québec et à Ottawa qui, ces derniers mois, ont appuyé des entreprises comme la coentreprise formée par General Motors (GM) et Posco ainsi que BASF. Pas un mot non plus sur le financement récolté auprès d’investisseurs privés.

« Si nous pouvons déployer notre vision avec les atouts du Québec [comme l’hydroélectricité], nous parlons d’une usine d’au moins 50 gigawattheures (GWh) », lance le patron de Britishvolt.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Orral Nadjari, fondateur et chef de la direction de Britishvolt

Ne pas choisir Britishvolt serait une erreur monumentale en raison des enjeux que nous venons résoudre.

Orral Nadjari, fondateur et chef de la direction de Britishvolt

Un tel complexe, qui se déclinerait en plusieurs phases, permettrait d’alimenter annuellement quelque 500 000 véhicules électriques. Cette estimation avait été fournie par NorthVolt au moment d’annoncer un projet similaire en Suède l’hiver dernier.

Encore des questions

M. Nadjari affirme que les discussions avec le gouvernement Legault se déroulent bien. L’analyse n’est toutefois pas terminée à Québec. On veut notamment avoir une idée des clients nord-américains de Britishvolt avant d’investir. En Europe, des lettres d’intention ont été signées avec Aston Martin et Lotus, mais il ne s’agit pas encore de contrats fermes.

On veut s’assurer qu’il y ait des débouchés pour ce qui sera produit et des garanties avec des clients.

Une source gouvernementale qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement

Autant à Québec qu’à Ottawa, l’entreprise est inscrite au registre des lobbyistes, notamment pour solliciter du financement. Des échanges ont eu lieu à deux reprises en mai dernier avec François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, ainsi que son directeur de cabinet Ian Foucher, selon le registre fédéral.

Sur le Vieux Continent, Britishvolt jouit d’une bonne réputation et est considérée comme une « entreprise sérieuse », selon un analyste de l’industrie qui désire ne pas être nommé.

À l’instar des nouveaux acteurs dans l’industrie des batteries, l’entreprise fait face à deux grands défis : s’assurer d’un approvisionnement suffisant en matériaux de batteries (cathodes et anodes) et séduire des clients. Selon cet analyste, il s’agit de l’unique façon, pour des entreprises comme Britishvolt, de se tailler une place dans un marché occupé par les grands constructeurs automobiles.

Ils [Britishvolt] semblent isolés pour l’instant. Il y a des points d’interrogation des deux extrémités de la chaîne. C’est un grand défi pour une entreprise comme celle-là, puisqu’elle rivalise avec des compagnies qui fabriquent déjà des cellules.

Un analyste de l’industrie qui désire ne pas être nommé

Une autre étape s’est également ajoutée aux démarches de Britishvolt : s’assurer d’obtenir les volumes d’hydroélectricité suffisants pour son projet très énergivore. Puisque l’ère des surplus est terminée, Hydro-Québec est désormais plus sélective. La société d’État a commencé à distribuer ses grilles d’analyse aux promoteurs qui désirent avoir à accès à 50 mégawatts et plus pour évaluer les retombées de chacune des propositions.

Britishvolt devra se soumettre au processus.

En savoir plus
  • 10 milliards
    Somme des investissements privés et publics qui pourraient être nécessaires pour développer la filière batterie.
    SOURCE : gouvernement du Québec