Un des commerces iconiques de la Plaza St-Hubert, à Montréal, Lozeau, ferme ses portes après 95 ans d’existence. Propriétaire de la boutique spécialisée en photographie depuis avril 2019, la société ontarienne Henry’s en a fait l’annonce mardi sur son site web, expliquant cette « décision très difficile » par « une malheureuse combinaison d’évènements ».

« C’est très triste, ça me déchire », a déclaré en entrevue à La Presse Lise Lozeau-Simard, fille du fondateur Léo Laurent Lozeau, qui avait pris les rênes de la boutique en 1973 avec son conjoint Jean Simard. « Tout le monde a tellement travaillé fort dans l’entreprise, pas seulement les propriétaires. Ce sont des passionnés qu’on avait, qui venaient chez nous. Ils ont tous de la peine. »

Sur le site web, Henry’s évoque d’abord la pandémie de COVID-19, qui « a entraîné une réduction significative de la circulation piétonne », problème aggravé par les travaux de réfection de l’artère commerciale qui avaient débuté en 2018. Les problèmes d’approvisionnement à l’échelle mondiale ont également touché le magasin.

« Malheureusement, ces problèmes se sont cumulés et il est devenu difficile de continuer à fournir le service exceptionnel que les clients de Lozeau méritent », explique-t-on sur le site web.

Selon les informations de La Presse, les employés ont appris la nouvelle mardi matin, à leur arrivée au travail, alors que le magasin avait été vidé durant les heures précédentes.

Même si les clients se sont heurtés mardi à une porte close, Henry’s assure que tous les engagements, notamment les commandes à récupérer en magasin, les réparations, les cartes-cadeaux et les garanties, seront honorés.

Propriété de la famille Lozeau depuis sa fondation en 1927, la boutique a été acquise il y a trois ans par une autre société spécialisée en photographie, Henry’s. Celle-ci s’est toutefois placée à l’abri de ses créanciers un an après la transaction, expliquant vouloir ainsi se restructurer en vue de la reprise après la pandémie. Comme tous les commerces non essentiels, les 22 magasins de Henry’s ont dû subir de nombreuses fermetures pendant la pandémie. La « restructuration » de Henry’s prévoyait la fermeture de sept boutiques, trois en Colombie-Britannique et quatre en Ontario.

Selon Lise Lozeau-Simard, c’est justement pour éviter la fermeture du magasin de la Plaza St-Hubert que la famille avait vendu ses parts en 2019.

Le but était d’assurer sa pérennité. Ce n’est pas ce qui est arrivé. Ils ont pris une décision différente.

Lise Lozeau-Simard

Mais ce marché est-il toujours viable en 2022, avec la concurrence des téléphones intelligents ? « Oui, si on vend à des professionnels, si on ne leur ferme pas les portes de ça. Mais je ne crois pas que c’était leur objectif [chez Henry’s]. Ils ont fermé le département commercial, les locations, les réparations. C’est sûr que c’était appelé à devenir plus un magasin “satellite”, qu’ils disaient. »

« Très peu de fermetures »

Dans leur message à la clientèle, les responsables de Henry’s se sont en outre dits « très attristés de voir de nombreux autres commerces locaux de la rue St-Hubert fermer également ». Cette affirmation a fait sursauter le directeur général de la Société de développement commercial (SDC) de la Plaza St-Hubert, Mike Parente, qui regroupe quelque 400 commerces.

« Dans les commerces qui ont fermé, c’est resté depuis 2016 à un niveau de rotation assez normal, une quarantaine de commerces par année. Il y a eu des fins de bail, des retraites, des changements de vocation et oui, des fermetures. C’est triste que certains aient fermé, mais il y a eu très peu de fermetures à cause des travaux. »

Plus précisément, durant les deux années de travaux de 2018 à 2020, on compte 80 fermetures contre 89 nouveaux commerces ouverts, indique le directeur général. « La Plaza se porte relativement bien, considérant tout ce qu’elle a vécu ces dernières années. […] Mais il y a aussi un travail important que les commerces doivent faire pour être à la hauteur des exigences de la clientèle. »