Le chef propriétaire du Pastaga, Martin Juneau ajoute son grain de sel au menu… de Benny&Co. À la demande de la chaîne de rôtisseries québécoises, qui amorce un virage plus « gastronomique », le restaurateur médiatisé a conçu une recette de burger de poulet frit, nouvellement arrivée sur la carte. Ce type d’association qui peut paraître surprenant est pourtant monnaie courante, selon un expert en publicité.

« L’idée de s’associer complètement avec une chaîne, on n’en est pas là. Mais ça fait partie de mon ADN, faire des burgers. On dirait que les gens ne s’attendent pas à ça. Je trouve que c’est la base », répond d’emblée Martin Juneau, questionné en entrevue à propos de cette collaboration entre le chef du Pastaga et la restauration rapide qui pourrait en étonner plus d’un.

Pourtant, ce n’est pas la première fois que Martin Juneau accole son nom au tandem frites-burger. En 2013, il apparaissait dans une publicité – qui avait fait grand bruit – de McDonald’s où il goûtait à un burger jalapeño et en vantait les mérites.

photo david boily, la presse

Le chef Martin Juneau a conçu une recette de burger de poulet frit, nouvellement arrivée sur la carte du Benny&Co.

« À l’époque, mon restaurant La montée de lait fermait. J’avais tous les créanciers qui étaient sur mon dos. Il y a eu cette offre-là qui m’a permis de tout régler d’un seul coup. Je n’ai rien eu à voir dans le développement de ce burger-là. On avait l’impression que ça allait bien passer, mais ça a fait un tollé. Les gens avaient l’impression que j’étais un “vendu”, rappelle-t-il. Je n’ai aucun souci à en parler, j’assume complètement mes choix. »

Cette fois-ci, avec Benny&Co., la situation est complètement différente, tient à dire Martin Juneau. « On parle d’une chaîne québécoise qui crée de l’emploi au Québec, qui met de l’avant les produits du Québec, et on demande à un Québécois de développer un burger. »

Si sa situation financière n’est pas la même qu’à l’époque, il ajoute en toute franchise que « dans la vie, on a toujours besoin d’argent ». Le restaurateur explique que les contrats qu’il fait à l’extérieur du Pastaga rejaillissent sur son restaurant, lui permettant d’être encore ouvert en 2022.

Notoriété et gastronomie

Du côté de Benny&Co., on ne cache pas que cette collaboration avec Martin Juneau apportera de la « notoriété au burger ». On ne ferme pas non plus la porte à l’idée de solliciter le chef à nouveau. « Ça fait un an qu’on travaille sur un burger de poulet frit. De fil en aiguille, on s’est dit qu’on avait besoin de quelqu’un de créatif », explique Vincent Samuel Cabana, directeur approvisionnement et commerce de détail, rencontré dans le Vieux-Montréal, dans l’un des plus récents restaurants de la chaîne.

Avec une assiette de burger de poulet frit accompagné de frites – vendue à 15 $ alors que la moyenne des plats se situe autour de 13 $ –, un nouveau concept de restaurant où l’on peut s’asseoir et prendre un verre et une association avec un chef connu, la chaîne Benny&Co. prend-elle un virage plus gastronomique ? « Naturellement, cette transition-là, ça fait pas mal d’années qu’elle est amorcée, répond Marc-Antoine Benny, vice-président approvisionnement, également présent lors de l’entrevue. Les cuisses et les poitrines de poulet vont toujours rester le cœur de la business. Il faut se demander ce que l’on peut avoir pour compléter notre offre. » Le mets signé par Martin Juneau sera affiché au menu tout l’été.

L’objectif, c’est de se différencier, de sortir du lot, ajoute celui dont l’entreprise ouvrira six nouveaux restaurants d’ici la fin de l’année. La chaîne compte actuellement 70 établissements au Québec et 2 en Ontario. Selon lui, les clients de Benny&Co. sont prêts à payer 15 $ pour le fameux burger. Et la stratégie n’est surtout pas d’offrir des plats plus onéreux pour avoir de meilleures marges de profits, même si les temps sont difficiles, assure Marc-Antoine Benny.

Travailler pour une chaîne

Par ailleurs, ce genre de partenariat entre des chefs connus et des chaînes ne date pas d’hier. Louis-François Marcotte, chef, auteur de livres de recettes et animateur d’émissions de télévision, a travaillé à titre de vice-président image de marque et innovation pour La Cage – Brasserie sportive, entre 2014 et 2020. Son contrat est maintenant terminé, mais il demeure en bons termes avec l’entreprise, assure le principal intéressé.

Lors de son passage à La Cage, il a revu le menu de fond en comble. « Tout était à refaire, raconte-t-il au bout du fil. L’opportunité de rebâtir était énorme. Le défi était très grand. »

« On parlait de trucs très standardisés, préparés en usine, qu’on faisait ensuite réchauffer, illustre-t-il. Je leur ai dit : » On va arrêter d’acheter de la vinaigrette en pot, on va la faire. » Ça ne change rien dans les menus. On rebâtissait une culture tranquillement. »

Louis-François Marcotte reconnaît que le fait de s’associer à une chaîne pouvait miner sa crédibilité.

Il y avait un risque. Mais je me disais que si je faisais ma job comme il le faut, le jeu en valait la chandelle.

Louis-François Marcotte

« Le seul danger qui me guettait, c’était d’être tabletté, admet celui qui travaille actuellement sur trois nouveaux projets. Il faut que j’aie toutes sortes d’opportunités. »

Selon Stéphane Mailhiot, président de l’agence de publicité Havas Montréal, les designers, artistes ou chefs interpellés par des entreprises pour leur notoriété doivent être en mesure de faire un « transfert de crédibilité ».

« Martin Juneau, par exemple, a une grande crédibilité culinaire et elle va se transférer sur la marque. La perception de la marque peut aussi se transférer sur sa crédibilité à lui. La question est de savoir laquelle est la plus forte ? »

« L’idée d’aller chercher un expert pour transférer ta crédibilité vers un produit de marque, ça se voit dans toutes les industries, ajoute-t-il, en faisant référence à IKEA et à H&M qui ont fait appel à des designers réputés. Et l’idée que ça soit inconfortable pour les gens qui évaluent la crédibilité, les autres chefs, les autres artistes ou les autres designers, c’est aussi courant. »

Benny&Co. en bref

  • Premier restaurant familial ouvert en 1960
  • 72 succursales en Ontario et au Québec
  • 2200 employés
  • Siège social situé à Bois-des-Filion
  • Vend plus de 9 millions de repas de poulet rôti par année