Gap Canada a annoncé vendredi qu’elle faisait maintenant de la publicité dans Roblox, une plateforme de jeux de rôles très prisée des enfants d’âge primaire. Or, la Loi sur la protection du consommateur interdit la publicité destinée aux moins de 13 ans.

Gap Canada a intégré avec fierté le métavers vendredi dans la plateforme de jeu multijoueurs en ligne Roblox. La marque américaine y a sa propre boutique virtuelle où les jeunes joueurs derrière leur avatar peuvent profiter d’un bar à jus, essayer des tenues, prendre des photos et faire des défilés de mode, indique le communiqué.

La boutique virtuelle Gap Teen était d’ailleurs très achalandée, vendredi soir, lors de la visite de La Presse.

CAPTURE D’ÉCRAN LA PRESSE

L’avatar de notre journaliste entouré d’autres joueurs présents dans la boutique Gap Teen vendredi

Une majorité d’enfants sur Roblox

Bien que Gap Canada annonce qu’elle souhaite donner « la possibilité aux adolescents de découvrir le monde de Gap », la plateforme Roblox attire une majorité d’enfants de moins de 13 ans avec ses jeux d’adoption de petits animaux, de décoration de maison et de rôles dans cette ville virtuelle moderne. Roblox Corporation indiquait d’ailleurs en 2021 que 54 % de ses utilisateurs avaient moins de 13 ans.

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La Presse a pu s’inscrire sur Roblox en indiquant 2016 comme année de naissance, même si la plateforme est soi-disant destinée aux 10 ans et plus.

Roblox est aussi présentée comme étant destinée aux 10 ans et plus. Il a cependant été possible de s’y inscrire en indiquant 2016 comme année de naissance.

La loi est claire

La Loi sur la protection du consommateur interdit la publicité destinée aux moins de 13 ans non seulement à la télévision, mais aussi sur l’internet et, conséquemment, dans le métavers.

« La loi dit que toute publicité à but commercial visant les moins de 13 ans est interdite, précise Alexandre Plourde, avocat chez Option consommateurs. Pour déterminer si la publicité s’adresse à des enfants de moins 13 ans, on fait une évaluation du contexte, comme le moment ou l’endroit où elle apparaît. »

« Donc une publicité qui est faite sur une plateforme où on trouve majoritairement des enfants de moins de 13 ans, qui laisse les jeunes de moins de 13 ans s’inscrire directement, poursuit l’avocat, on pourrait penser qu’effectivement, elle vise les enfants de moins de 13 ans. »

La loi précise que même si une publicité est destinée à des adolescents et à des adultes ou diffusée lors d’une période d’écoute destinée à ce public plus âgé, on ne peut pas présumer qu’elle n’est pas destinée à des enfants.

Créée au début des années 1970, la loi considère qu’un enfant ne peut pas faire la distinction entre de l’information et de la promotion.

Depuis que General Mills a reconnu avoir enfreint la loi, en 2009, avec son jeu en ligne inspiré des céréales Lucky Charms, les publicités déguisées en jeux sont aussi surveillées.

À l’époque, le géant de l’alimentation avait dû payer une maigre amende de 2000 $.

L’amende a été plus salée pour Coca-Cola, en 2015, qui avait créé un jeu d’eau aux couleurs de la boisson gazeuse Fanta, à La Ronde. Reconnue coupable, la multinationale a dû payer une amende de 27 664 $ au gouvernement du Québec.

La publicité sous forme de cadeaux n’est pas non plus tolérée. La distribution de gâteaux Igor dans les garderies, par Saputo, lui avait valu une amende de 44 000 $. Saputo avait décidé de plaider coupable en 2009.

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Les jeunes joueurs derrière leur avatar peuvent profiter d’un bar à jus, essayer des tenues, prendre des photos et faire des défilés de mode dans la boutique virtuelle de Gap.

La loi s’applique à n’importe quel commerçant qui fait des affaires au Québec, même si son siège social est à l’étranger, rappelle l’avocat d’Option consommateurs. « Dans la mesure où cette entreprise-là, Gap, fait des affaires au Canada, fait de la publicité qui vise des gens qui sont situés au Canada, fait la promotion de biens ou de services au Canada, elle doit respecter les lois qui sont applicables dans chacune des provinces. »

Si une plainte est formulée à l’Office de la protection du consommateur et qu’elle débouche sur une enquête, Gap pourrait faire l’objet d’une poursuite pénale et être condamnée à payer une amende.