(Montréal) Pris en pleine tempête linguistique, le Canadien National (CN) a réitéré son intention de recruter un administrateur francophone, mais les membres de la haute direction ne se sont pas prononcés sur les manchettes faisant état du mécontentement d’employés francophones de l’entreprise, lors de son assemblée annuelle, vendredi.

Le transporteur ferroviaire, dont le siège social est situé à Montréal, a entrepris un processus afin de trouver un administrateur francophone à son conseil d’administration, a dit son chef de la direction des affaires juridiques, Sean Finn. « Nous comptons nommer cette personne dans les prochains mois », a-t-il dit.

L’ancien premier ministre du Québec Jean Charest avait été nommé au conseil du CN en janvier, mais a quitté son poste moins de deux mois plus tard pour se lancer dans la course à la direction du Parti conservateur du Canada.

Si la composition linguistique du conseil ne reflète pas la diversité de la population montréalaise et canadienne, le président sortant du conseil d’administration, Robert Pace, a souligné la diversité des administrateurs à d’autres égards. « La moitié de nos administrateurs indépendants proviennent d’une communauté de la diversité et nous excédons le critère de parité hommes-femmes. »

En français, M. Finn a dit que le CN respectait son héritage montréalais. « Le siège social du CN est situé à Montréal depuis plus de 100 ans et le conseil, lui-même, respecte la riche histoire de la compagnie au Québec où la langue officielle est le français et en tire une grande fierté. »

Des critiques peu convaincus

Ce respect n’est toutefois pas ressenti par les groupes de défense de la langue française et par des employés francophones, qui se sont confiés aux médias.

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a déposé, plus tôt vendredi, une statue à l’effigie d’un citron devant le siège social de l’entreprise afin de dénoncer l’absence de francophones au conseil d’administration. « La langue commune et du travail au Québec est le français et son absence totale au sein de la plus haute sphère décisionnelle du CN témoigne d’un mépris à l’égard des francophones », a déclaré sa présidente, Marie-Anne Alepin.

L’absence d’administrateurs francophones a créé des vagues jusqu’à Ottawa où le premier ministre, Justin Trudeau, s’était dit « époustouflé » par la situation, en avril dernier. Le transporteur a aussi été convoqué devant le comité permanent des langues officielles.

De nombreux employés et d’anciens salariés francophones ont également fait part de leur mécontentement quant aux pratiques linguistiques de l’entreprise à La Presse. Bien que l’entreprise affirme « réviser » ses pratiques linguistiques, un gestionnaire francophone d’Edmonton aurait été contraint de fournir des explications pour avoir demandé des communications en français, selon un message obtenu par le quotidien.

Le porte-parole de l’entreprise, Jonathan Abecassis, a répondu par courriel que le CN a entamé une révision interne de ses pratiques concernant les langues officielles. « Il est important pour nous de montrer l’exemple dans le domaine des langues officielles et de respecter les obligations de la loi. Le CN va vérifier et remédier à toute situation qui est portée à son attention lorsqu’un employé croit que l’une de ces obligations n’a pas été respectée. »

La présidente-directrice générale, Tracy Robinson, a décliné notre demande d’entrevue. Il n’a donc pas été possible de lui poser des questions sur la controverse linguistique ou les défis logistiques qui touchent l’entreprise.

Lors de l’annonce de sa nomination en janvier, Mme Robinson s’était engagée à apprendre le français. Au cours de l’assemblée, elle a prononcé la première minute de son discours en français et a parlé dans la langue de Molière durant un autre segment d’une trentaine de secondes.

Chaîne d’approvisionnement

À la fin avril, le CN avait abaissé ses prévisions pour l’année 2022 en raison des conditions logistiques difficiles. « Il y a eu un gros choc sur la chaîne d’approvisionnement. Et nous travaillons très dur pour retrouver notre rythme », avait expliqué Mme Robinson aux analystes financiers à la fin avril.

Au cours de l’assemblée, Mme Robinson a mentionné que l’entreprise devrait faire preuve de « souplesse » pour gérer les défis de la chaîne d’approvisionnement. Elle a dit qu’elle accorderait une grande importance au dialogue avec les clients.

Certains clients du CN ont d’ailleurs subi les répercussions des perturbations de la chaîne d’approvisionnement. C’est le cas de Produits forestiers Résolu qui rapportait au début du mois de mai que les wagons de l’entreprise ont été moins disponibles au cours des derniers mois dans la région du Lac-Saint-Jean.

« La façon dont ça se reflète chez nous, c’est une augmentation importante de nos inventaires de bois d’œuvre, avait expliqué son président et chef de la direction, Rémi Lalonde, en entrevue avec La Presse Canadienne. Nos inventaires ont presque doublé au cours du trimestre [trois premiers mois de l’année] à 43 millions pour le produit fini de bois d’œuvre. »

L’action du CN, qui ne dévoilait pas de résultats financiers le jour de son assemblée, gagnait 27 cents, ou 0,19 %, à 142,37 $ à la Bourse de Toronto, vers midi.