Qui sont les patrons les mieux payés au Québec et les entreprises les plus généreuses envers leurs dirigeants ? La Presse dresse son palmarès annuel. Un dossier de Martin Vallières

Rebond payant pour des dirigeants

Retour rapide à la situation d’avant-pandémie ? C’est le constat qui se dégage de l’analyse de la rémunération des plus hauts dirigeants des entreprises dont le siège social est au Québec et dont la valeur boursière dépasse les 500 millions de dollars.

« Après les gestes symboliques pour limiter ou abaisser la valeur des rémunérations de hauts dirigeants qui avaient été faits durant la première année de pandémie en 2020, on assiste à un retour en force des politiques de rémunération basées surtout sur des critères financiers à court terme », constate Michel Magnan, professeur et chercheur à la Chaire de gouvernance Jarislowsky de l’École de gestion Molson de l’Université Concordia, à Montréal.

« Dans un contexte où les résultats des entreprises et les marchés boursiers ont fortement rebondi en 2021, après une année marquée par le choc socio-économique du début de pandémie, les valeurs de rémunération des hauts dirigeants d’entreprise ont bénéficié de vents arrière très favorables. »

À preuve, parmi les 47 entreprises établies au Québec et dont la valeur boursière dépasse les 500 millions, une douzaine d’entre elles ont majoré de plus de 20 % la valeur de la rémunération totale de leurs hauts dirigeants lors de l’exercice financier 2021 (salaire, primes et autres avantages).

Par ailleurs, parmi la cinquantaine de présidents et de présidentes de ces entreprises – certaines ont deux présidents, directeur du conseil ou chef de la direction –, la moitié ont bénéficié d’une hausse de plus de 20 % de la valeur de leur rémunération totale en 2021.

Une douzaine de ces présidents et présidentes ont même bénéficié d’une augmentation de plus de 50 % de la valeur de leur rémunération en 2021 par rapport à l’année précédente.

« Les impacts de la pandémie dans l’économie depuis deux ans ont provoqué de multiples tests de leadership parmi les hauts dirigeants des entreprises, souligne Michel Magnan.

« Par contre, de la façon dont fonctionnent la plupart des politiques de rémunération des hauts dirigeants, basées surtout sur des calculs de résultats et de ratios financiers, c’est très difficile de distinguer les résultats réels de leur gestion de crise des effets d’entraînement qui découlent de la forte performance des Bourses nord-américaines en 2021 et du rebond de l’économie après le choc initial de la pandémie. »

Ces hauts dirigeants ont-ils vraiment fait preuve d’un “leadership responsable” pour justifier ces hausses de rémunération ? Si oui, selon quels critères dans la politique de rémunération de l’entreprise qu’ils dirigent ?

Michel Magnan, professeur et chercheur à la Chaire de gouvernance Jarislowsky de l’École de gestion Molson de l’Université Concordia

De l’avis de François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques (IGOPP), l’intégration d’objectifs et de critères « autres que financiers et moins axés sur le court terme » demeure un défi pour les conseillers et les administrateurs en matière de rémunération des hauts dirigeants.

« Malgré les efforts et les interventions d’un nombre croissant de gros investisseurs [institutionnels] en ce sens, il n’y a pas vraiment de normes de référence pour l’inclusion de facteurs qualitatifs dans les politiques de rémunération des hauts dirigeants », signale François Dauphin.

« Par exemple, en matière d’objectifs liés aux critères ESG [environnement, société, gouvernance], ça commence à s’insérer dans les politiques de rémunération en réponse aux demandes des investisseurs les plus influents dans chaque entreprise. Mais cette tendance est ralentie par l’insuffisance des normes de référence au-delà des barèmes déterminés à l’interne dans chaque entreprise. »

Les cinq dirigeants les mieux payés

Philip Fayer, Nuvei

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

  • Rémunération totale : 140,8 millions
  • Variation sur un an : + 2983 % (x 30)

Joseph C. Papa, Bausch Health

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

  • Rémunération totale : 28,7 millions
  • Variation sur un an : + 52 %

Alain Bédard, TFI International

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

  • Rémunération totale : 16 millions
  • Variation sur un an : + 26 %

Glenn J. Chamandy, Gildan

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

  • Rémunération totale : 14,5 millions
  • Variation sur un an : - 34 %

Jean-Jacques Ruest, Canadien National

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

  • Rémunération totale : 13,5 millions
  • Variation sur un an : + 5 %
Consultez la liste des présidents les mieux payés Consultez la liste des hautes directions les mieux payées

Le palmarès des hausses de rémunération

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Comment a évolué la rémunération des hauts dirigeants des principales entreprises de Québec inc. en Bourse depuis un an ? Les faits saillants de la compilation annuelle faite par La Presse Affaires.

Les plus fortes hausses parmi les présidents

Près d’une trentaine de présidents de Québec inc. en Bourse ont bénéficié d’une hausse de plus de 15 % de leur rémunération totale (salaires, primes et autres avantages) lors de l’exercice financier 2021. Et parmi eux, une douzaine ont profité d’une augmentation de plus de 50 % par rapport à l’exercice précédent en 2020. Mais le record absolu revient à Philip Fayer, président du conseil et chef de la direction de l’entreprise de systèmes de paiements électroniques Nuvei. La valeur de sa rémunération, qui est composée surtout de primes en actions et d’options sur actions futures, a explosé à 140,8 millions CAN avec l’inscription de Nuvei à la Bourse NASDAQ aux États-Unis.

Philip Fayer, président du conseil et chef de la direction, Nuvei

PHOTO TIRÉE DU SITE DE NUVEI

Philip Fayer, président du conseil et chef de la direction, Nuvei

Systèmes de paiements en commerce électronique, entrée à la Bourse NASDAQ en octobre 2021

  • Rémunération totale en 2021 : + 2982 % (x 30) à 140,8 millions
  • Revenus de Nuvei en 2021 : 724,5 millions US (+ 92 % sur un an)
  • Bénéfice net de Nuvei en 2021 : 107 millions US (perte de 100,5 millions US en 2021)

Marc Bédard, président-fondateur, Lion Électrique

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Bédard, président-fondateur, Lion Électrique

Constructeur d’autobus et de camions à propulsion électrique, entrée aux Bourses de Toronto et de New York en mai 2021

  • Rémunération totale en 2021 : + 150 % à 735 000 $
  • Revenus de Lion Électrique en 2021 : 57,7 millions US (+ 146 % sur un an)
  • Perte nette de Lion Électrique en 2020 : 42,3 millions US (97,3 millions US en 2020)

Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction, Québecor

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction, Québecor

Télécommunications et médias

  • Rémunération totale en 2021 : + 147 % à 2,58 millions
  • Revenus de Québecor en 2021 : 4,55 milliards (+ 5,5 % sur un an)
  • Bénéfice net de Québecor en 2021 : 588,4 millions (-4,7 % sur un an)

George D. Schindler, président et chef de la direction, CGI

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

George D. Schindler, président et chef de la direction, CGI

Service-conseil en informatique de gestion

  • Rémunération totale en 2021 : + 124 % à 10,79 millions
  • Revenus de CGI en 2021 : 12,12 milliards (-0,3 % sur un an)
  • Bénéfice net de CGI en 2021 : 1,37 milliard (+ 22 % sur un an)

Jonathan Ross Goodman, président exécutif du conseil, Knight Thérapeutique

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jonathan Ross Goodman, président exécutif du conseil, Knight Thérapeutique

Développement de produits pharmaceutiques

  • Rémunération totale en 2021 : + 117 % à 1,86 million
  • Revenus de Knight Thérapeutique en 2021 : 243,4 millions (+ 22 % sur un an)
  • Bénéfice net de Knight Thérapeutique en 2021 : 15,67 millions (-62 % sur un an)

Les plus fortes hausses parmi les hautes directions

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Une douzaine d’entreprises de Québec inc. en Bourse ont rehaussé de plus de 20 % la valeur de la rémunération totale de leurs hauts dirigeants lors de l’exercice financier 2021. Fait inusité durant une forte année en Bourse : deux de ces entreprises, soit Nuvei (paiements électroniques) et Repare Therapeutics (pharmaceutique), se démarquent avec des hausses spectaculaires de la rémunération totale de leurs hauts dirigeants après leur inscription à la Bourse NASDAQ aux États-Unis.

Nuvei

PHOTO FOURNIE PAR NUVEI

Systèmes de paiements en commerce électronique, entrée à la Bourse NASDAQ en octobre 2021

  • Rémunération totale des hauts dirigeants en 2021 : + 2866 % (x 29) à 205,7 millions
  • Revenus en 2021 : 724,5 millions US (+ 92 % sur un an)
  • Bénéfice net en 2021 : 107 millions US (perte de 100,5 millions US en 2020)

CGI

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Service-conseil en informatique de gestion

  • Rémunération totale des hauts dirigeants en 2021 : + 111 % à 30,8 millions
  • Revenus en 2021 : 12,12 milliards (-0,3 % sur un an)
  • Bénéfice net en 2021 : 1,37 milliard (+ 22 % sur un an)

Uni-Sélect

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Distributeur de pièces de réparation de véhicules routiers

  • Rémunération totale des hauts dirigeants en 2021 : + 88 % à 19,1 millions
  • Revenus en 2021 : 1,61 milliard US (+ 9,5 % sur un an)
  • Bénéfice net en 2021 : 895 000 $US (perte de 31,5 millions US en 2020)

Repare Therapeutics

PHOTO FOURNIE PAR REPARE THERAPEUTICS

Développement de médicaments en oncologie, à la Bourse NASDAQ depuis juin 2020

  • Rémunération totale des hauts dirigeants en 2021 : + 78 % à 18,1 millions
  • Revenus en 2021 : 7,6 millions US (135 000 $ US en 2020)
  • Perte nette en 2021 : 106,9 millions US (53,4 millions US en 2020)

Bausch Health

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Développement de produits pharmaceutiques

  • Rémunération totale des hauts dirigeants en 2021 : + 57 % à 66,1 millions
  • Revenus en 2021 : 8,44 milliards US (+ 5 %)
  • Perte nette en 2021 : 937 millions US (560 millions US en 2020)