(Montréal) Alors que le Bureau de la concurrence cherche à bloquer la prise de contrôle de Shaw Communications par Rogers Communications, craignant que l’accord de 26 milliards ne réduise la concurrence dans le sans-fil, certains observateurs de l’industrie affirment que des mesures encore plus audacieuses sont nécessaires pour offrir plus d’options aux consommateurs canadiens.

Selon Thomas Ross, professeur à la Sauder School of Business de l’Université de la Colombie-Britannique, le fait que le Canada est un pays grand et coûteux pour exploiter des réseaux, avec une faible densité de population, fait en sorte qu’il y aura toujours des limites aux options de télécommunications.

Le gouvernement fédéral pourrait toutefois prendre certaines mesures pour stimuler la concurrence dans l’industrie canadienne des télécommunications, estime-t-il, comme en laissant les entreprises étrangères sans fil faire affaire au Canada, qu’il s’agisse d’une entreprise internationale qui prend le contrôle d’un acteur régional pour le faire croître ou qui s’installe au pays pour y construire son propre réseau à partir de rien.

M. Ross croit également que le gouvernement fédéral pourrait forcer les géants des télécommunications du Canada à vendre l’accès à leurs réseaux à des prix beaucoup plus favorables pour faciliter la croissance des opérateurs de réseaux virtuels mobiles (MVNO), qui achètent le service réseau des principaux opérateurs à un tarif de gros.

Cependant, il note que ces stratégies pourraient être difficiles à intégrer pleinement pour le gouvernement, notamment avec sa réticence à assouplir les restrictions sur la propriété étrangère pour le moment et la possibilité que de nouvelles mesures finissent par dissuader les grandes entreprises de télécommunications canadiennes d’investir dans leurs réseaux.

TekSavvy Solutions, un fournisseur indépendant de téléphonie et de l’internet de Chatham, en Ontario, juge que le gouvernement fédéral doit aller plus loin et « nettoyer » le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), réorganiser les lois sur la concurrence et permettre une meilleure application de ces lois.

Peter Nowak, vice-président de TekSavvy, souligne notamment que la procédure d’appel de son entreprise au sujet des tarifs internet de gros est une occasion, pour le gouvernement fédéral, de montrer ce qu’il pense de l’idée de conserver de faibles coûts pour les Canadiens.

TekSavvy a fait appel d’une décision controversée prise par le CRTC l’année dernière. L’organisme de réglementation a décidé d’annuler une décision de 2019 qui aurait considérablement abaissé les prix de gros facturés par les entreprises de téléphonie et de câblodistribution pour permettre aux plus petits fournisseurs indépendants d’avoir accès aux réseaux des grandes entreprises. D’ici la fin mai, le gouvernement libéral décidera s’il annule, ou non, la dernière décision du CRTC.

« Cela va déterminer s’ils sont vraiment sérieux en ce qui a trait à la promotion de la concurrence dans les télécommunications et à la baisse des prix pour les consommateurs, ou s’ils sont simplement intéressés à permettre aux grandes entreprises de continuer à faire des profits », a-t-il fait valoir.

Pendant ce temps, le gouvernement fédéral est également encouragé, par deux groupes de défense des consommateurs, à annuler une autre décision du CRTC, annoncée en mars, qui autorise le transfert des activités de diffusion de Shaw à Rogers. Les deux groupes craignent que cela ne réduise les services et la concurrence.