(San Francisco) Clearview AI, une start-up spécialisée dans les technologies controversées de reconnaissance faciale, a accepté de ne plus vendre ses bases de données biométriques à des entreprises aux États-Unis, une victoire majeure pour l’association de défense des droits civiques ACLU.

ACLU et d’autres organisations avaient lancé une action en justice contre Clearview AI il y a deux ans, pour non-respect d’une loi de l’Illinois sur la confidentialité des données biométriques.

Ce texte interdit de partager des données de reconnaissance du visage ou de l’iris, ou des empreintes digitales, par exemple, sans la permission des personnes concernées.

L’accord annoncé lundi, qui doit être approuvé par le tribunal, stipule que Clearview AI ne peut plus rendre accessible sa base de données de visages à la plupart des entités privées aux États-Unis. Elle peut continuer à coopérer avec les autorités (sauf en Illinois pendant cinq ans).

« Clearview ne peut plus traiter les identifiants biométriques uniques des gens comme une source de profit, sans restriction », s’est félicité Nathan Freed Wessler, un directeur adjoint d’ACLU.

Il espère que d’autres sociétés potentiellement concernées vont réagir en conséquence.

« Cet accord montre que des lois fortes sur la confidentialité peuvent apporter des protections réelles contre les abus », a-t-il ajouté, en référence à l’absence de loi nationale sur le respect de la vie privée sur l’internet aux États-Unis.

Clearview AI, de son côté, s’est dite satisfaite de pouvoir tourner la page.

« Cet accord est une immense victoire pour Clearview AI. Cela ne change rien à son modèle économique actuel », a assuré l’avocat Lee Wolosky, au nom de la société, contactée par l’AFP.

Elle va « continuer à étendre son offre commerciale en accord avec la loi », a-t-il continué. « Et elle va payer une petite somme pour couvrir la publicité et les frais, soit beaucoup moins d’argent qu’un procès n’aurait coûté ».

100 milliards de visages

« Clearview ne tenait pas compte du fait que les informations biométriques peuvent être utilisées pour mettre en danger et menacer les vies des survivants de violence domestiques et d’agressions sexuelles », a souligné Linda Xóchitl Tortolero, présidente d’Acción, une association de Chicago qui a salué une « grande victoire » pour les personnes les plus vulnérables de l’Illinois.

Clearview AI, financée notamment par l’un des premiers investisseurs de Facebook, Peter Thiel, dispose d’une base de données comportant plus de 10 milliards de visages, récoltés en ligne, qui alimentent son logiciel d’identification.

Et d’après le Washington Post, la start-up californienne a indiqué à ses investisseurs être bien partie pour avoir plus de 100 milliards de photos dans sa base d’ici à l’année prochaine.

Plusieurs procédures sont en cours contre l’entreprise dans des pays européens. L’Autorité italienne de protection des données personnelles lui a infligé une amende de 20 millions d’euros en mars dernier pour avoir instauré la « surveillance biométrique de personnes se trouvant sur le territoire italien ».

Dans son communiqué, l’Autorité a en outre précisé avoir « ordonné à la société d’effacer les données relatives à des personnes se trouvant en Italie ».