Les affaires vont mieux chez Bell Textron Canada, mais des commandes sont en péril à cause de la taxe de luxe que veut implanter Ottawa sur des produits de luxe comme les hélicoptères privés tandis que d’autres contrats ont été annulés dans la foulée de l’imposition des récentes sanctions canadiennes contre la Russie.

À terme, la mesure fiscale annoncée par le gouvernement Trudeau en 2021, et qui doit en principe entrer en vigueur le 1er septembre, risque de ralentir la croissance de l’industrie aéronautique, qui se remet à peine des secousses de la pandémie, déplore le président du constructeur d’hélicoptères, Steeve Lavoie.

« On a des clients qui sont prêts à acheter, mais qui attendent de voir ce qui va arriver avec la taxe de luxe, a-t-il dit, en marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal. Ils pourraient changer de décision. On a plusieurs clients comme ça. »

M. Lavoie avait brièvement abordé le sujet devant un parterre de gens d’affaires après avoir présenté les ambitions de Bell Textron Canada dans le créneau du décollage vertical, notamment en ce qui a trait aux drones destinés à la livraison ainsi qu’aux appareils qui pourront être utilisés comme des taxis aériens – qui ne sont pas encore prêts à voir le jour.

Après Bombardier en février dernier, le constructeur d’hélicoptères – qui fait partie du conglomérat américain Textron – est le deuxième grand employeur de l’industrie aéronautique québécoise à s’opposer à certaines modalités de la taxe pour les voitures et aéronefs qui se vendent plus de 100 000 $ et les yachts qui coûtent plus de 250 000 $.

Lisez l’article « Des profits, des rappels d’employés et une taxe qui préoccupe »

Le taux varierait entre 10 et 20 %. Le gouvernement Trudeau estime pouvoir récolter environ 750 millions d’ici 2026-2027 grâce à cette mesure. Des consultations sont en cours.

Emplois en sécurité

M. Lavoie n’a pas voulu dire combien de commandes risquent d’être annulées. L’entreprise établie en bordure de l’autoroute 15 à Mirabel s’attend à livrer 200 hélicoptères civils cette année, soit 30 % de plus par rapport à l’an dernier et un peu plus qu’en 2019 – avant la crise sanitaire.

Je ne pense pas que [la taxe] va nous ramener en arrière. Mais elle va nous faire perdre le contact avec notre base de clients canadiens. Si elle se rétrécit, le lien de réciprocité que l’on a avec eux […], bien, on va perdre ça.

Steeve Lavoie, président de Bell Textron Canada

Bell Textron Canada compte environ 1300 employés à Mirabel, ce qui comprend les quelque 150 embauches réalisées au cours des derniers mois. La clientèle de l’entreprise étant diversifiée – gouvernements, corps policiers et autres services d’urgence –, elle ne mise pas seulement sur les gens fortunés pour acheter ses produits, a souligné M. Lavoie. Des mises à pied ne semblent donc pas prévues.

L’effectif de l’usine de Mirabel a déjà été de près de 2000 personnes, mais la fin de la dernière décennie avait été marquée par quelques vagues de licenciements, ce qui avait fait plonger le nombre de travailleurs.

Les hélicoptères de Bell Textron Canada se vendent entre 1,5 million US et 15 millions US. Son président espère voir le gouvernement Trudeau consentir à certains assouplissements. L’ex-gestionnaire de Bombardier souhaite, par exemple, que le seuil d’imposition de la taxe, actuellement fixé à 100 000 $, soit considérablement relevé.

« Si c’était à 20 millions, cela nous aiderait, a-t-il affirmé. Pour les voitures, on parle de 100 000 $, mais si tu appliques cela au secteur aéronautique, tout y passe. Monter la barre, cela nous aiderait. »

Surprises russes

À l’instar de Bombardier, le constructeur d’hélicoptères a vu l’imposition des sanctions canadiennes à l’endroit de la Russie depuis le début de son offensive militaire contre l’Ukraine avoir des répercussions sur son carnet de commandes. Interrogé sur la question, M. Lavoie s’est limité à parler de « quelques commandes », avant d’ajouter que des appareils étaient sur le point d’être livrés.

« Certains étaient terminés, a expliqué le patron de Bell Textron Canada. On les a remis dans notre flotte [d’appareils de démonstration] ou on les reconfigure et on les revend à un client. »

Quant à son allocution à la touche futuriste, M. Lavoie a expliqué que les ambitions de l’entreprise ne visaient pas à préparer le terrain à un éventuel déclin du secteur des hélicoptères, mais à explorer la technologie du décollage vertical « sous toutes ses facettes ».

Bell Textron pleure son ambassadeur

PHOTO FOURNIE PAR BELL TEXTRON CANADA

Guy Lafleur avec le président de Bell Textron Canada, Steeve Lavoie, devant la maquette du Nexus

La passion de Guy Lafleur pour les hélicoptères l’avait rapproché de Bell Textron Canada au cours de la dernière décennie. L’entreprise a donc perdu un ambassadeur de renom lorsque la légende du Canadien de Montréal s’est éteinte, le 22 avril dernier. Employé par le constructeur pendant un peu plus d’une décennie, le Démon blond était souvent présent lorsque des appareils étaient livrés à des clients locaux. « Quand un client se faisait livrer un appareil chez lui et que Guy le livrait, c’était le crémage et la cerise sur le sundae, a dit le président de l’entreprise, Steeve Lavoie. C’était comme Noël. Les clients adoraient Guy. » Selon lui, le meilleur marqueur de l’histoire du Tricolore avait effectué sa dernière livraison en « 2019 ou en 2020 ».

En savoir plus
  • 5600
    Nombre de livraisons d’hélicoptères civils effectuées par Bell Textron Canada depuis qu’elle s’est implantée à Mirabel, en 1986
    Source : Bell Textron Canada