ArcelorMittal a discrètement testé l’hydrogène vert à son complexe de Contrecœur pour remplacer du gaz naturel.

Après des résultats concluants, le géant sidérurgique demande l’aide de Québec afin de produire à grande échelle un acier beaucoup moins polluant – un projet de plusieurs centaines de millions de dollars –, au moment où la ruée vers l’hydrogène vert soulève des questions.

Réalisé au début du mois d’avril, l’essai, dont les résultats sont dévoilés ce lundi, s’est déroulé pendant la phase de réduction du minerai de fer, un procédé chimique où le gaz naturel est utilisé pour retirer l’oxygène et le transformer en boulettes.

« Si l’on annualise le test et son potentiel, on peut penser que l’on pourrait annuellement retirer quelques centaines de milliers de tonnes de gaz à effet de serre (GES), explique le président-directeur général d’ArcelorMittal Produits longs Canada, François Perras. À notre avis, c’est quelque chose qui est extrêmement prometteur. »

Le test a permis de retirer environ 7 % de la quantité de gaz naturel. Cette proportion serait beaucoup plus importante si les ambitions de la multinationale, dont le siège est au Luxembourg, se concrétisent. Au complexe situé à Contrecœur, la production d’une tonne d’acier au moyen du procédé de réduction émet 0,65 tonne de GES.

ArcelorMittal souhaite que de l’hydrogène vert soit produit à ses installations situées en banlieue sud de Montréal. Une première phase nécessiterait un bloc d’environ 70 mégawatts d’électricité, selon M. Perras, ainsi que des investissements qui n’ont pas été chiffrés précisément. Le PDG n’a pas précisé la somme que cherchait à obtenir l’entreprise auprès du gouvernement Legault.

Elle s’est récemment inscrite au Registre des lobbyistes du Québec pour solliciter un soutien financier du gouvernement Legault, comme un « prêt » ou une « subvention ». Elle veut aussi convaincre Hydro-Québec de mettre à sa disposition l’énergie demandée. Le Devoir a éventé cet intérêt la semaine dernière.

Des voyants au tableau

Très énergivore, la production d’hydrogène vert intéresse notamment les grands secteurs industriels désireux de réduire leurs émissions de GES. Important acteur de l’industrie lourde, ArcelorMittal Produits longs Canada est l’un des principaux pollueurs de la province. L’entreprise produit 1,1 million de tonnes de GES par année – ce qui se situe néanmoins en deçà de la moyenne canadienne de 1,4 million de tonnes pour les complexes sidérurgiques.

Puisque l’ère des surplus tire à sa fin chez Hydro-Québec, la société d’État a déjà prévenu qu’elle n’allait pas dire oui à tous les projets de plus de 50 MW. Pourquoi la société d’État devrait-elle acquiescer à la demande d’ArcelorMittal ?

On a pignon sur rue ici. Nous sommes derrière plusieurs transformations [du minerai] au Québec. Chaque fois que l’on transforme du minerai ou de la ferraille, on y ajoute de la valeur.

François Perras, président-directeur général d’ArcelorMittal Produits longs Canada

Un appel à la prudence avait été lancé à l’endroit de l’hydrogène vert le 16 avril dernier, par Johanne Whitmore, chercheuse principale à la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, et 15 autres signataires d’une lettre ouverte.

Les coûts de cette filière verte sont élevés et les volumes d’approvisionnement sont encore faibles, prévenaient-ils. Une portion de la missive procurait toutefois des munitions au projet québécois d’ArcelorMittal.

« De nombreuses études soulignent qu’il faut veiller à maximiser l’exploitation des carburants à base d’hydrogène vert en misant sur les secteurs […] ne se prêtant pas à une utilisation directe de l’électricité, comme les industries à forte intensité énergétique (sidérurgie, aluminerie, cimenterie), les engrais et les secteurs maritime et de l’aviation », écrivaient les signataires.

M. Perras affirme que l’hydrogène n’est qu’une « partie de la solution » pour permettre à ArcelorMittal de continuer à réduire ses émissions de GES. Parallèlement à un soutien financier, l’entreprise aimerait voir les ordres de gouvernement privilégier, dans les appels d’offres, les produits dont l’empreinte carbone est inférieure.

Le coût de production d’une tonne d’acier avec de l’hydrogène vert est beaucoup plus dispendieux par rapport aux procédés plus traditionnels et plus polluants.

« De quelle façon pouvons-nous demeurer concurrentiels ? demande le président d’ArcelorMittal Produits longs Canada. À l’heure actuelle, il n’y a pas de barrières à l’entrée pour des critères environnementaux ou d’émissions de GES. »

L’essai d’ArcelorMittal s’inscrit dans une stratégie globale annoncée en 2020 dans le but de notamment réduire de 30 % ses émissions de CO2 d’ici la fin de la décennie. Il survient également au moment où le gouvernement Legault doit bientôt dévoiler sa stratégie sur l’hydrogène vert.

L’hydrogène vert, c’est quoi ?

Environ 95 % de l’hydrogène dans le monde est produit à partir d’énergies fossiles. L’hydrogène peut être produit par l’électrolyse de l’eau. Ce procédé consiste à faire passer un courant électrique dans l’eau. Cela permet de décomposer ses molécules pour ensuite en extraire l’hydrogène. On parle d’hydrogène vert quand le courant utilisé provient d’une source d’énergie renouvelable, comme l’hydroélectricité.

Source : gouvernement du Québec

En savoir plus
  • 1900
    Nombre de personnes au service d’ArcelorMittal Produits longs Canada à Contrecœur, à Longueuil, à Montréal, à Hamilton et en Abitibi-Témiscamingue
    Source : ArcelorMittal