Leur survie était plus qu’incertaine. Pourtant, les marques québécoises Lolë et Le Château renaissent de leurs cendres. La première recommence à ouvrir progressivement des magasins après en avoir fermé 31 en mai 2020, l’autre fait un retour depuis quelques jours en boutique en cohabitant avec le détaillant Suzy Shier, juste à temps pour la saison des bals de fin d’études.

De l’aveu même de la vice-présidente aux ventes de Lolë, Nadine Garneau, au début de la pandémie, le sort de la marque était bien difficile à prédire. Or, voilà que le détaillant de vêtements de yoga et de plein air rouvre graduellement des boutiques, dont une prochainement à Bromont, et offre maintenant des collections « plus ciblées ». Des magasins continueront d’ouvrir en Amérique du Nord, et on songe même à l’Asie.

« On revient en force ! », lance Mme Garneau, au cours d’une entrevue qui a eu lieu au magasin Lolë de la rue Sainte-Catherine, à Montréal, le seul actuellement ouvert au Québec. Dans cet espace de 1700 pi⁠2, au milieu des maillots de bain, qui trouvent rapidement preneur depuis février, des robes d’été et des manteaux en duvet qui font la renommée de l’entreprise, Mme Garneau fait un retour sur les dernières années.

« Lolë a connu une croissance très rapide entre 2010 et 2020, analyse-t-elle. L’assortiment de produits était rendu très large. L’offre était rendue trop grande, diluée, peut-être. Pour le consommateur, c’était difficile de comprendre la proposition de la marque. »

« On avait sept modèles de leggings qui étaient tellement similaires que, même pour nous, c’était difficile de les vendre, de faire la distinction, donne-t-elle pour exemple. Et comme pour plusieurs, au début de la pandémie, ça a fait mal. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Nadine Garneau, vice-présidente aux ventes de Lolë

L’entreprise a toutefois commencé à connaître des bouleversements bien avant mars 2020. Près d’un an auparavant, le président de Coalision, entreprise qui possédait alors les marques Lolë et Paradoxe, Bernard Mariette, quitte ses fonctions et cède sa place à l’Américain Todd Steele, du fonds d’investissement Simon Equity Partners, division de Simon Property Group. La marque licencie également 30 personnes qui travaillaient au siège social, situé à ce moment dans l’ancienne gare Viger, à Montréal. Puis, au début de 2020, l’entreprise annonce la fermeture de son entrepôt à Longueuil. En mai de la même année, Coalision se place à l’abri de ses créanciers. Lolë ferme 31 magasins, dont 20 au Canada, 7 aux États-Unis et 4 en France. Deux mois plus tard, la marque devient propriété de la société Lolë Brands, appartenant à l’Américain Herb Simon, fondateur de Simon Property Group. Todd Steele assume toujours le rôle de président-directeur général. Le siège social a déménagé rue Saint-Denis, dans l’un des anciens magasins de l’entreprise. Environ 45 personnes y travaillent.

Ces changements ont obligé Lolë à faire un véritable travail d’introspection. L’entreprise a passé les 18 derniers mois à revoir ses produits, ses coupes, et a décidé de renouer avec la clientèle masculine en offrant de nouveau une collection pour hommes.

Il faut que le message soit clair. Quand on magasine et qu’on a le choix entre deux, trois morceaux semblables, il faut voir la différence : un modèle avec des poches pour le téléphone, sans poche, sans couture…

Nadine Garneau, vice-présidente aux ventes de Lolë

Les magasins recommencent à ouvrir tranquillement. Le premier à avoir renoué avec la clientèle est celui de la rue Sainte-Catherine à la fin de 2020, puis quatre autres ont suivi aux États-Unis. Bromont, dans les Cantons-de-l’Est, retrouvera également son magasin à la fin du mois de mai, à proximité de l’autoroute 10. « C’était un endroit qui performait très bien pour nous », précise Nadine Garneau.

Et ça ne s’arrêtera pas là. Lolë ouvrira deux ou trois magasins par année en Amérique du Nord et pourrait se tailler une place en Europe et en Asie. « On veut vraiment y aller plus lentement, assure Mme Garneau. On va continuer à s’investir ici et à bâtir encore plus au Québec. »

Mais avec un grand patron qui réside aux États-Unis, Lolë a-t-elle conservé sa fibre québécoise ? « Herb Simons s’est engagé à garder le siège social au Québec. Il comprend que la marque vient d’ici. Les racines de Lolë sont ici au Québec et elles vont le rester. »

Le Château, prêt pour le bal

De son côté, Le Château a misé sur le printemps et sur le retour à la « vie normale » pour faire son entrée. À l’instar des finissants de la promotion 2022, après deux ans de pandémie, Le Château n’a pas l’intention de manquer le bal cette année. Les robes de soirée qui ont contribué au succès de la marque pendant des années sont offertes depuis quelques jours à peine dans 37 magasins Suzy Shier. Les deux marques appartiennent à YM, entreprise établie à Toronto, qui détient également les enseignes Stitches et Urban Planet.

« On arrive juste à temps ! », lance au bout du fil Franco Rocchi, directeur du marketing du groupe Suzy/Le Château. « Ça sera Suzy le jour, Le Château la nuit. » Ainsi, à travers ce nouveau concept de magasin, Suzy Shier offre des vêtements pour le bureau et la fin de semaine, alors que Le Château se spécialise dans les grandes occasions.

M. Rocchi rappelle qu’avec la pandémie, la fin des bals des finissants et des mariages a porté un dernier grand coup à la marque déjà en difficulté. Après avoir multiplié les efforts de relance pendant des années, l’entreprise a eu recours, en octobre 2020, à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et s’est lancée dans un processus de liquidation de ses actifs et de fermeture de ses magasins. YM a mis la main sur la propriété intellectuelle du Château en juin 2021.

« L’option Suzy était la meilleure parce que c’est ce qui a permis à la marque de rester ici », soutient M. Rocchi. Le siège social du Château, espace partagé avec Suzy Shier, est à Mont-Royal. Une trentaine de personnes y travaillent exclusivement pour Le Château.

Au Québec, une dizaine de magasins se sont transformés en concept Suzy/Le Château, pour un total de 37 au pays. Après à peine quelques jours en magasin, les fidèles clientes sont de retour, selon Franco Rocchi. Il souligne que Le Château offre des robes de soirée à prix abordables allant de 79 $ à 190 $. « Il n’y a rien à ces prix-là dans le marché canadien. »

Lolë

Fondation : 2002

Mai 2020 : Coalision, entreprise qui détient la marque, se place à l’abri de ses créanciers

Propriétaire actuel : Lolë Brands

Siège social : Montréal

Nombre d’employés au siège social : 45

Nombre de magasins actuellement ouverts : 5 (celui de Bromont ouvrira en mai)

Le Château

Fondation : 1959, sous le nom de Chateau Men’s Wear

Octobre 2020 : l’entreprise a recours à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies

Propriétaire actuel : YM

Siège social : Mont-Royal

Nombre d’employés au siège social : 30

Nombre de magasins actuellement ouverts : 37