(Toronto) Lorsque les boissons infusées au cannabis ont été légalisées au Canada, en 2020, les producteurs de cannabis s’attendaient à ce que ces boissons coulent à flots tout au long de l’été, alors que les consommateurs se ruaient vers la nouvelle catégorie de produits.

Ces espoirs ont cependant été anéantis lorsque la pandémie de COVID-19 a entraîné la fermeture des magasins en mars, tandis que l’année suivante a été consacrée à faire face à un méli-mélo de réglementations sanitaires. Malgré tout, Dave Schlosser croit que la demande estivale tant attendue est en voie de se concrétiser cet été.

« Nous croyons que ce sera l’été de boissons infusées au cannabis, car les gens veulent sortir, veulent socialiser, veulent essayer de nouvelles choses », a affirmé le nouveau président et chef de la direction de Truss Beverage, une coentreprise entre le géant brassicole Molson Coors Canada et le producteur de cannabis Hexo.

Cet élan d’optimisme survient alors que s’assouplissent les restrictions de santé publique au sujet du port du masque obligatoire, des limites de capacité des salles de spectacles et d’autres mesures qui contribuaient à réduire les rassemblements à des endroits où les consommateurs auraient pu se détendre avec une boisson infusée au cannabis.

Ces sentiments sont également soutenus par les politiques envisagées par le gouvernement fédéral, qui modifieraient la façon dont la teneur en cannabis des boissons est calculée – ce qui permettrait aux consommateurs d’acheter plus de boissons en un seul achat sans dépasser la limite légale de possession en public, ce que l’industrie réclamait.

La période de consultation sur les changements se termine mardi, à peu près au même moment où Truss commencera à dévoiler 15 nouvelles boissons disponibles à l’achat ce printemps et cet été. Les nouveaux produits rejoindront une liste de 18 boissons Truss déjà vendues sous les marques XMG, Little Victory, Mollo, House of Terpenes, Veryvell et Bedfellows Liquid Arts.

Alors que les données de la société d’études de marché sur le cannabis Headset ont montré que XMG était la principale marque de boissons au cannabis entre janvier 2020 et 2022, avec des ventes totalisant 16 millions en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, la catégorie dans son ensemble n’a pas, jusqu’à présent, répondu aux attentes.

Le problème du goût

Pendant des années, les boissons au cannabis ont été annoncées comme un moyen d’attirer les consommateurs novices ou occasionnels de marijuana, malgré la difficulté de masquer les notes amères du cannabis. Les fleurs de cannabis restent le produit le plus vendu par une marge importante, représentant environ 49 % des ventes, soit plus de 195 millions, en Ontario entre octobre et décembre 2021 seulement. Au cours de la même période, les boissons ne représentaient que 2 % des ventes, soit environ 7,6 millions.

Les ventes de boissons au cannabis sont faibles en partie parce que les boissons sont toujours considérées comme une « nouveauté » par plusieurs et ne sont pas vendues dans des espaces comme les bars ou les restaurants, a souligné Lisa Campbell, directrice générale de la société de marketing du cannabis Mercari Agency.

« Pour que les boissons au cannabis décollent vraiment, il faudra qu’elles soient consommées dans des environnements sociaux », a-t-elle estimé.

Mme Campbell a découvert que les boissons au cannabis les plus vendues contenaient souvent 10 milligrammes de THC ou sont des sodas, qui gagnent en popularité.

Mais pour chaque succès, il y a une déception. De nombreuses boissons sans sucre ont du mal à gagner du terrain puisque sans le sucre, il est moins facile de masquer la saveur du cannabis, a-t-elle souligné.

« Il y a beaucoup de boissons au cannabis plus étranges, plus spécialisées, qui ont un goût dégoûtant », a observé Mme Campbell.

Plusieurs joueurs se retirent également du marché. Les Brasseries Labatt du Canada ont tiré leur révérence plus tôt ce mois-ci, lorsqu’elles ont annoncé qu’elles mettraient fin à Fluent Beverages, sa société de boissons non alcoolisées dont les produits contenaient certains des ingrédients actifs présents dans le cannabis.

La marque Houseplant, de l’acteur Seth Rogen, connue pour ses eaux pétillantes contenant 2,5 milligrammes de THC, a également quitté le pays en septembre, après avoir mis fin à son partenariat avec Canopy Growth.

« Les marges sont si faibles dans le cannabis en ce moment que vous ne restez vraiment dans le coup que si vous vous y consacrez vraiment », a indiqué Mme Campbell.

Elle remarque davantage de fusions, d’acquisitions et d’opérations de réoutillage des entreprises à mesure qu’elles développent des attentes plus réalistes pour les produits, en particulier du côté des produits comestibles.

Des saveurs fortes et moins de sucre

Mais les mois à venir marqueront un changement, estime M. Schlosser.

Pour que la croissance atteigne les niveaux attendus sur le marché des boissons au cannabis, Truss lance les boissons XMG ALT au raisin et XMG ALT à la cerise noire, chacune contenant 10 milligrammes de tétrahydrocannabinol (THC), le composant psychoactif de la marijuana. Elles ne contiennent ni sucre ni calories, ce qui les différentie par rapport à 70 % des 10 boissons au cannabis les plus vendues en Ontario, qui contiennent au moins 13 grammes de sucre, a souligné Truss.

« Il y a deux grandes choses que les consommateurs nous demandent. La première est des saveurs très fortes et audacieuses, puis la deuxième est… un peu moins de sucre », a expliqué M. Schlosser.

« Ce que nous avons appris au cours des deux premières années, c’est que plus la boisson est complexe, plus il est difficile pour les consommateurs de savoir ce qu’ils obtiennent, c’est pourquoi nous voulions que ce soit vraiment simple. »

Les sodas XMG aux saveurs de cola, de soda mousse, d’orange et de racinette apparaîtront également à la fin du printemps, aux côtés de ceux à la framboise bleue et au thé glacé au citron.

Leur mise en marché sera l’une des premières réalisations de M. Schlosser, qui a pris la tête de Truss après le départ de son ancien chef de la direction, Scott Cooper. Ce dernier s’est dirigé vers Hexo dans la foulée du départ du cofondateur et chef de la direction de la société Sébastien St-Louis, en octobre, alors que l’entreprise voyait ses pertes gonfler.

M. Schlosser, qui était précédemment le directeur financier de Truss, ne semble pas ébranlé par la tourmente à proximité.

« Le fait que je saute dans ce rôle n’était pas vraiment une transition en fait », a-t-il déclaré. « Pour moi, c’est tout simplement excitant. Je peux aborder beaucoup de choses que je n’ai pas eu à toucher depuis un moment, comme les activités courantes. »