Rien à voir avec l’atelier de peinture automobile du quartier.
Chabot Carrosserie se spécialise en grosses, en très grosses carrosseries.
Il serait réducteur de dire que l’entreprise de Montmagny compte dix cabines, ou même dix chambres de peinture. Disons plutôt dix salles de peinture : leur longueur de 60 pi (18,25 m) le justifie.
« Dans 60 pi, on entre un autobus ?
— On entre un articulé de Nova Bus », répond le président Normand Morin, au téléphone.
C’est à Montmagny que se termine la chaîne de fournisseurs québécois des autocars Prevost, que nous remontons depuis les plaques d’acier fabriquées par Estampro à Saint-Évariste-de-Forsyth, qui ont ensuite été insérées dans la face avant moulée par Elite Composite à Sainte-Clotilde-de-Beauce, elle-même installée sur le châssis du modèle X3-45 chez Prevost, à Sainte-Claire.
Dernier maillon, Chabot Carrosserie applique le maquillage sur la face avant, ainsi que sur tout le reste de la carrosserie.
La touche finale
On nous l’avait expliqué chez Prevost : quand la production dépasse deux autocars par jour, ou lorsqu’il faut peindre les extensions latérales des maisons motorisées, trop larges pour les installations de l’usine, c’est Chabot Carrosserie qui apporte la touche et la couche finales aux modèles H3-45 et X3-45.
Normand Morin est devenu président de l’entreprise en 2017, prenant le relais de son frère Mario, disparu l’année précédente. Les deux hommes avaient acquis en 1992 ce qui était alors un concessionnaire d’automobiles et de camions, doté d’une grande salle de peinture. Fondée sur ces bases en 2002, Chabot Carrosserie s’est spécialisée dans la peinture de véhicules lourds. Quand le marché des camions a connu un déclin, l’entreprise a frappé à la porte de Prevost.
Ils avaient des surplus de production qu’ils n’étaient pas capables de faire, et on s’est offerts. On a commencé à petit volume, un bus de temps à autre. On se faisait la main. Ensuite, c’est devenu plus régulier et c’est devenu la business principale.
Normand Morin, président de Chabot Carrosserie
Les autobus de Nova Bus et les voitures de Bombardier Transport se sont ensuite ajoutés à son carnet de commandes. « Chez Nova Bus, c’est 100 % de la production qui a besoin de peinture qui est envoyée chez nous », poursuit le président.
Les autocars Prevost subissent d’abord un nettoyage en règle, ensuite le démontage des composantes extérieures – rétroviseurs, poignées de porte, feux de position… –, et enfin, un ponçage au jet de sable pour faciliter l’adhésion de la peinture.
Pour peindre un autocar en entier, deux peintres travailleront de concert dans une salle de peinture. Les longs tunnels blancs, généreusement éclairés, sont équipés de systèmes de ventilation qui soufflent sur le toit et les côtés un air réchauffé à 60 °C. Sous l’effet de ce titanesque séchoir à cheveux, une nouvelle couche est sèche en moins de deux heures.
Des temps anormaux
En des temps moins perturbés, Chabot Carrosserie peignait 150 autocars Prevost et 200 autobus Nova Bus par année.
Mais pour l’heure, aucun autocar Prevost n’est en cours de peinture complète. En raison de la pandémie, « on vit des années pas normales », remarque Normand Morin.
L’entreprise emploie actuellement 140 personnes, alors que son contingent avoisine normalement 200 employés.
Les affaires reprennent, toutefois. Prevost prévoit porter sa production à 2,5 autocars dès l’automne prochain.
On n’est pas inquiets, parce que ça fait des années qu’on est fournisseur stratégique pour Prevost Car. Quand les volumes de Prevost augmentent, les volumes chez nous augmentent aussi. Quand Prevost tousse, Chabot Carrosserie attrape la grippe.
Normand Morin, président de Chabot Carrosserie
Entre-temps, Chabot Carrosserie poursuit sa contribution habituelle : l’entreprise est chargée de peindre diverses pièces d’autocars moulées en fibre de verre par Élite Composite, notamment la porte du compartiment moteur et les encadrements de puits de roue. « On les expédie directement chez Prevost », indique Normand Morin.
Ces pièces sont peintes elles aussi dans une des salles de peinture de 60 pi, où les peintres, engoncés dans des combinaisons qui leur donnent l’air de sortir d’un film de science-fiction des années 50, manient le pistolet à peinture comme Michel-Ange ses pinceaux.
Mais leur chapelle Sixtine, ce sont – toutes proportions gardées – les flancs des autocars aménagés en maisons motorisées. Les propriétaires veulent que leur rutilante résidence sur pneus se distingue par ses tons riches et ses motifs élaborés.
« Le plus compliqué, c’est de prendre le temps de monter les couleurs et de suivre le schéma de peinture, pour arriver au résultat qui a été vendu au client sur photo », constate Normand Morin.
Un des ornements récurrents est formé par les entrelacs de longues volutes, certaines en tons dégradés.
« On commence par la plus petite couleur sur l’autobus, une petite ligne, par exemple », explique-t-il.
« Après ça, on masque cette ligne avec du ruban. Ensuite, on fait une autre couleur, on la masque, et ainsi de suite… »
La couleur dominante est la dernière appliquée.
Le masquage pour circonscrire la zone à peindre est la tâche des traceurs, qui appliquent sur les parois du véhicule de longs pochoirs autocollants, « comme des décalques qu’on installe sur le bus ». Les traceurs ne peuvent se permettre le moindre défaut d’alignement, le moindre pli. « Il faut que ce soit représentatif du schéma au millimètre près. »
La réalisation d’un dégradé, un art à lui seul, s’effectue en délimitant des champs qui seront peints avec des dilutions croissantes.
« On trace les lignes sur le bus, et le premier est réduit à 10 %, le deuxième à 20 %, le troisième à 30 %, etc. »
L’œuvre sera parachevée avec un vernis transparent. Pas de vernissage ni de petits fours pour les artistes, toutefois. Les autocars frais peints sont retournés chez le constructeur : « Notre client, c’est Prevost. »
La filière québécoise trouve alors sa fin.
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- 100 %
- Une autre usine de Chabot Carrosserie, construite à Montmagny en 2001, se consacre à la peinture robotisée de pièces en plastique et matériaux composites. « C’est nous qui peinturons toutes les motoneiges de BRP. Les Spyder qui sont fabriqués à Valcourt, on les peinture à 100 %. »
Source : Normand Morin, président de Chabot Carrosserie