Qu’il s’agisse d’une immense épicerie « fantôme » où des employés circulent rapidement dans de larges allées ou encore d’un lieu où des centaines de robots s’affairent à déplacer des aliments destinés à l’assemblage des commandes des clients, Metro et IGA ont décidé d’investir dans des projets visant à accroître leur efficacité dans le traitement des ventes en ligne, qui ont bondi pendant la pandémie. La Presse les a visités.

Metro : assembler neuf commandes à la fois

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Imaginez un supermarché… sans clients et sans préposés à la caisse, où, dans les allées, des employés empilent dans leur immense chariot les commandes de neuf personnes à la fois. Ce que l’on pourrait comparer à une « épicerie fantôme » est en fait le nouveau centre de traitement des commandes en ligne de Metro, en activité depuis juin 2021. C’est dans ce centre situé dans l’arrondissement de Saint-Laurent – un projet de 15 millions – que les emplettes faites virtuellement par les consommateurs montréalais sont assemblées 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

Un « GPS » d’épicerie

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Avant de commencer à arpenter les allées, chaque employé doit se munir d’un gladiateur, sorte de GPS qui lui indiquera la route à travers les rangées afin de gagner du temps et d’éviter de revenir sur ses pas. C’est également à l’aide de cet appareil que les produits seront scannés. Une fois à l’intérieur du magasin, où l’on peut entendre la même musique d’ambiance que dans une épicerie traditionnelle, les préposés aux commandes partent avec un chariot comprenant neuf bacs. Selon la couleur, celui-ci contient des produits secs comme les biscuits (rouge), des articles réfrigérés comme le fromage ou les œufs (vert) ou des produits surgelés comme la crème glacée (bleu), explique en marchant d’un pas décidé Christina Bédard, vice-présidente, commerce en ligne et stratégie numérique, au cours de notre visite.

Des bananes à côté du papier de toilette

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« Ici, ce qu’on cherche, c’est l’efficacité pour la préparation des commandes, c’est pour ça que c’est regroupé différemment », souligne Mme Bédard. Pour cette raison, dans les allées, les bananes et les tomates se retrouvent à côté du papier de toilette et des sacs de maïs soufflé. Ainsi, les produits les plus populaires auprès des clients – que l’on dits « à haute vélocité » – sont placés ensemble. « On commence par des articles plus gros, plus volumineux, plus lourds et on finit avec le pain et les croustilles pour éviter qu’ils se retrouvent sous les boîtes de conserve », fait remarquer Mme Bédard.

Des réfrigérateurs et des congélateurs géants

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Donnant littéralement l’impression d’entrer dans un autre magasin, la section réfrigérée, où l’on maintient une température de 4 °C, est destinée notamment aux produits laitiers, aux fruits et légumes ainsi qu’à la viande. Ici, les employés travaillent emmitouflés dans leur manteau d’hiver. En faisant sa commande, le client peut demander une coupe de viande et un poids précis, comme s’il était sur place. Les fromages sont également coupés selon les portions demandées. Le tout est fait sur place, dans des salles de découpe destinées à cet usage. « L’expérience client se fait dans la sélection des produits », indique fièrement Mme Bédard, qui ajoute dans la foulée qu’un consommateur qui ne veut que quatre tranches de jambon sera servi de la même façon que s’il était en magasin.

Travail de soir et de nuit

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Une fois les bacs d’ingrédients secs remplis, ils sont déposés près de la porte, en attendant l’embarquement. Ceux contenant le lait, la crème glacée et le bœuf haché, par exemple, sont conservés au frais jusqu’à la dernière minute. Bien qu’il fonctionne 24 heures sur 24, c’est surtout le soir et la nuit que le centre est grouillant d’activité puisqu’une grande partie des commandes est chargée dans les camions le matin pour ensuite être livrée. En tout, ce sont plus de 40 camions, dont une section est réfrigérée, qui quittent l’endroit et sillonnent l’île de Montréal.

Tâches manuelles

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Ici, les tâches sont accomplies par des humains : de la sélection du poivron au déplacement du chariot en passant par le scannage des produits. Pourrait-on éventuellement avoir recours à l’utilisation de robots, ce qui réglerait en partie le problème de pénurie de main-d’œuvre qui touche l’ensemble des entreprises ? « On est en train de voir comment on peut utiliser la technologie pour être plus efficace pour préparer les commandes, s’assurer de la qualité des produits, les préparer plus rapidement et [accélérer] le chargement des camions, affirme Christina Bédard. On regarde différentes technologies. Il en sort de nouvelles chaque jour. » L’enseigne ne semble toutefois pas prête à robotiser entièrement son centre. « Quand tu es complètement automatisé, tu perds aussi de la flexibilité. »

Centre de traitement en ligne de Metro

  • A ouvert en juin 2021
  • Situé dans l’arrondissement de Saint-Laurent, près de l’autoroute 40
  • Superficie de 110 000 pi⁠2 (plus de deux fois la taille d’un grand magasin Metro)
  • 200 employés (capacité totale de 500)
  • Sert les clients de l’île de Montréal
  • Plus de 16 000 produits offerts

Comment ça fonctionne ?

Les commandes en ligne passées sur le site de Metro par les clients du Québec sont préparées dans certains magasins désignés. Depuis juin, les commandes des consommateurs montréalais qui font leur épicerie à metro. ca sont toutes assemblées au nouveau centre de traitement.

Voilà par IGA : des robots aux commandes

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Le nouveau centre automatisé de traitement des commandes en ligne Voilà par IGA, à Pointe-Claire

Depuis quelques semaines, les commandes en ligne passées par de nombreux clients d’IGA sont préparées grâce au travail de centaines de robots qui s’affairent presque jour et nuit – à une vitesse de quatre mètres par seconde – au tout nouveau centre automatisé de l’entreprise situé à Pointe-Claire. Ce récent service d’épicerie en ligne du nom de Voilà par IGA représente un investissement de plus de 100 millions de dollars.

Avec la mise en place de ce projet, plusieurs marchands, qui se verront ainsi retirer la gestion des commandes en ligne de leurs clients, ont l’impression qu’ils perdront des ventes, admet IGA. Mais l’entreprise estime que cette activité n’était « pas rentable » pour les magasins dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

C’est du moins l’analyse qu’a faite Pierre St-Laurent, vice-président exécutif et chef de l’exploitation de Sobeys (société mère d’IGA), lorsque La Presse l’a rencontré au cours de la visite du nouveau centre. En plus d’être plus efficace, ce service de commandes et de livraisons centralisé permettra également à de petits producteurs, dont les produits se retrouvaient sur les tablettes d’un nombre restreint de magasins, de rejoindre un plus grand bassin de consommateurs, souligne fièrement M. St-Laurent.

Ainsi, les marchands IGA situés entre Québec et Gatineau en passant par Montréal et Sherbrooke n’auront plus la responsabilité de préparer l’épicerie en ligne des consommateurs habitant sur leur territoire, tâche effectuée par chacun des magasins du réseau depuis 1996. Avec Voilà par IGA, les commandes seront toutes assemblées au centre situé en bordure de l’autoroute 40 où travaillent actuellement plus d’une centaine de robots et 300 employés. À terme, l’endroit comptera 1500 employés.

Le site, qui servira environ 85 % de la population québécoise, pourra accueillir jusqu’à 39 000 produits, contre 18 000 en magasins.

Le service, en place depuis quelques semaines seulement, n’est pas encore offert sur l’ensemble du territoire visé.

À l’aide d’une technologie développée par l’entreprise britannique Ocado Group PLC, des robots se déplacent rapidement presque sans relâche dans ce qu’on appelle la ruche, où se trouvent des dizaines de milliers de casiers empilés les uns sur les autres. Les robots peuvent prélever environ 50 articles en 5 minutes. La position des bacs est déterminée selon un algorithme. Les produits les plus populaires, tout comme ceux affichés dans la circulaire, sont placés en haut.

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Aperçu de l'entrepôt de 290 000 pi⁠2, l’équivalent de cinq terrains de football

Les robots transportent ensuite les bacs contenant les articles sélectionnés par les clients jusqu’à la station d’emballage. Un employé, qui n’a donc pas eu à se déplacer, se chargera ensuite de vérifier la qualité et de placer les articles dans des sacs avant que ceux-ci ne soient embarqués dans le camion de livraison.

Or, depuis le début de la pandémie, alors que les commandes en ligne ont explosé, plusieurs magasins avaient mis en place un modus operandi pour répondre à la demande croissante notamment en formant des équipes de nuit chargées de préparer les commandes et en se dotant de camions réfrigérés destinés à les conserver jusqu’à ce qu’elles soient livrées le lendemain.

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André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, Pierre St-Laurent, vice-président exécutif et chef de l’exploitation de Sobeys, et Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

Après tant d’efforts, quelle a été la réaction des commerçants à ce nouveau système ? « C’est une activité, un service qu’ils donnaient à la population depuis des années qui n’était pas profitable dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre », a soutenu M. St-Laurent, au cours de la visite des lieux faite en compagnie des ministres André Lamontagne (Agriculture) et Pierre Fitzgibbon (Économie et Innovation).

C’est sûr qu’ils ont l’impression peut-être de perdre des ventes, mais ultimement, leur personnel qui était attitré à faire ça va faire autre chose en magasin. On a eu des conversations très franches et honnêtes avec eux, démonstrations de chiffres à l’appui.

Pierre St-Laurent, vice-président exécutif et chef de l’exploitation de Sobeys

Pierre St-Laurent assure que les commerçants auront droit à une « reconnaissance » des efforts qu’ils ont faits pour répondre à la demande en ligne. « Sans entrer dans les détails, on a eu cette conversation-là avec les marchands depuis deux ans. On est arrivés à un point où ils sont contents et on est contents, assure-t-il. C’est un partenariat qu’on a avec les marchands IGA. On a reconnu tout le travail qu’ils ont fait dans le passé. Les marchands vont continuer à avoir des revenus associés à ce qu’ils ont bâti en commerce électronique. »

Et bien que le travail ne soit plus entièrement réalisé par des humains, comme dans les supermarchés où les employés parcouraient les allées pour préparer les commandes, M. St-Laurent assure que les produits seront frais et de bonne qualité. Pas de poivron amoché ou de céleri à la mine basse, donc. « C’est un service qui est en croissance, c’est un client qui achète un plus gros panier. Ce n’est pas à notre avantage de le décevoir. Quand c’était fait en magasin, le secret était de ne pas prendre le produit dont la date d’expiration est la plus rapprochée. Sauf que le client était dépendant d’une personne. Tandis que là, il y a beaucoup de contrôle mis en place par le système pour assurer cette qualité-là. »

Petits producteurs

Par ailleurs, les petits producteurs québécois ont tout à gagner avec la mise en place de ce nouveau service, estime-t-on chez IGA. Le centre de Pointe-Claire offrira une plus grande variété de produits que ce que l’on retrouve sur les tablettes des magasins.

« Quand tu as un petit volume et que tu as beaucoup de kilomètres à parcourir pour distribuer tes produits, ça devient un frein à la rentabilité, explique Pierre St-Laurent. Il y a beaucoup d’offres de produits. Ceux qui ont de l’espace tablette sont, entre guillemets, les meilleurs vendeurs. »

« Quand on parle aux petits fournisseurs qui cherchent à prendre de l’expansion, le frein numéro 1, c’est le transport », ajoute Luc L’Archevêque, vice-président principal, mise en marché et marché de quartier, également présent lors de la visite. « La rareté du transport et le coût du transport. »

« L’idée, quand on les contacte, on leur dit qu’éventuellement ils pourront livrer à un endroit. [Ils] vont atteindre des municipalités et des clients partout dans la province avec une livraison à Pointe-Claire. »

Centre Voilà par IGA

  • A ouvert en mars 2022
  • Situé à Pointe-Claire, en bordure de l’autoroute 40
  • Superficie de 290 000 pi⁠2 (l’équivalent de cinq terrains de football)
  • 300 employés (capacité de 1500)
  • Servira plus d’une centaine de municipalités, de Gatineau à Québec (85 % de la population du Québec)
  • Une offre actuelle de 18 000 produits qui augmentera jusqu’à 39 000
  • Un premier centre de traitement des commandes a ouvert à Toronto en 2020. Deux autres seront en activité en Alberta (2023) et en Colombie-Britannique (2025).

Comment ça fonctionne ?

Les clients qui se rendent à IGA. net pour faire leur commande en ligne sont maintenant automatiquement redirigés vers le site voila. ca si, en fonction de leur code postal, leur territoire est desservi par Voilà. Ils n’ont ensuite qu’à faire leur sélection comme d’habitude et à choisir une plage horaire pour la livraison. La disponibilité des produits est donnée en temps réel, il y a donc très peu de substitutions puisque le consommateur est immédiatement informé s’il n’y a plus de boîtes contenant ses craquelins favoris, par exemple. La différence avec ce nouveau service, c’est que l’épicerie des clients vivant entre Gatineau et Québec est désormais préparée à un seul et même endroit : Pointe-Claire. S’ils n’habitent pas sur le territoire desservi, les consommateurs peuvent comme d’habitude commander à IGA. net et leur commande sera assemblée par leur marchand le plus proche.

Voyez une vidéo de la firme Ocado qui a mis au point un système de robotisation semblable à celui adopté par IGA
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  • 4 m/s : Vitesse à laquelle se déplacent les robots